« Tó lo que hay aki dentro, está hecho con lo que soy ».
Elle semble sortir de nulle part quand Pafuera Telarañas arrive en 2004. Le single « Malo » sera le déclencheur de toute une histoire dès lors hors du commun. Ce titre et, par la même occasion, l’album, se retrouveront notamment numéro 1 en Espagne et au Mexique, tout en étant un succès dans quasiment tout le reste du continent américain (anglo-saxon et latin), et Bebe recevra pour couronner le tout pas moins de 5 nominations au Latin Grammy Awards, cas exceptionnel pour une artiste auparavant inconnue (un certain Juanes bénéficia lui aussi de cette même reconnaissance).
Treize titres, que certains ont sans réfléchir comparés à une sorte de Manu Chao au féminin. C’est d’autant plus réducteur que cela montre surtout que nous en sommes à ne pas connaître du tout ce qui se fait en Espagne. Évidemment, le rapprochement n’est pas illogique si l’on remarque que Bebe ne s’enferme pas dans un style, qui est effectivement protéiforme. Pour ma part, mes morceaux préférés sont le premier, « Men señara », ainsi que « Siempre me quedara », le bouleversant « Malo », « Como los olivos » ou « Tu silencio ».
Bien sûr, chaque titre possède sa propre puissance, aussi bien musicalement que lyriquement. Des paroles très féminines (parfois féministes), avec des thèmes pas forcément tous originaux mais avec un point de vue autre que celui trop éculé d’un homme, cela dans une société espagnole bien plus machiste encore que la nôtre. Surtout, le timbre de voix de Bebe est si proche de celui d’une artiste flamenca, ce qui lui apporte davantage de « potencia ». De plus, un certain Paco Ibañez (lui-même né à Valence en 1934) joue de la trompette sur « Ska de la tierra » et « El golpe » !
Je vous laisse chercher de quelles toiles d’araignées elle parle…
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Bebe, en 2009, c’est toujours cette même voix qui vous pénètre, ce style particulier, et ce « duo » formé avec son producteur Carlos Jean, qui cette fois-ci réussit à parfaitement relever chacune des chansons, ce qui n’était pas toujours la cas sur le premier album.« No+llorá », « Me fui », « Busco-me » sont des petites perles, tendres et touchantes à la fois. « Sinsentido » redonne un peu de baume au cœur, avant l’entraînant mais, à mon goût, bien moins intéressant « Escuece » (ses quelques notes ska y sont assurément pour quelque chose, comme « Pa mi casa » en fin d’album). « Cuanto+me sujetas » est intime, tant par ses paroles que son accompagnement musical très léger. À l’inverse, « Que mimporta » est le titre le plus envolé.
« Se fue » pourrait sembler être une réponse à « Me fui », et effectivement tout nous rappelle le début d’Y. (lire y punto). D’ailleurs, ces titres-là sont de loin mes préférés. Les relations amoureuses sont encore et toujours la première source d’inspiration de l’Espagnole, pour preuve avec « Nostaré » et ses gouttes d’eau, dont la signification est évidente. Sur « La bicha » ou « Pa una isla », il est évident que Bebe s’amuse. « Uh, uh, uh, uh, uh » clôt doucement l’album, avec sa petite basse pour seul accompagnement.
Les musiciens, autres que Carlos Jean, sont des artistes forcément révélateurs du talent que cache Y. : Diego Pozo, Rafael García de Los Delinqüentes, ainsi que Victor Iniesta et Miguel Campillo de Elbicho, deux groupes nuevo flamenco très en vogue depuis le début des années 2000, participent à la fête.
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Après Pafuera Telarañas et Y., Bebe revient avec un troisième album qui s’égare carrément de la pop espagnole, genre dans lequel elle était facilement classable auparavant. En effet, elle est allée enregistrer Un Pokito De Rocanrol à Paris au cours de l’été 2011. De plus, elle s’est entourée de toute une équipe de Français, à savoir : trois musiciens, un producteur et un ingénieur du son. Tous réunis dans le « precioso agujero » que sont les studios Ferber selon l’artiste espagnole.En 2012, je pense que Bebe va faire fuir une poignée de ses admirateurs qui appréciaient essentiellement son côté léger, pop, féminin. Ici, tout, du visuel au titre choisi pour l’œuvre entière, ainsi que les premiers instants avec une intro, « Joyas » : finie la pop, place au rock dans toute sa splendeur. Rassurez-vous, le rock est mis en avant, comme c’était déjà le cas sur une partie du répertoire de Bebe, seulement, cette fois-ci, « la bebe bellota » s’en donne à cœur joie. Ses comparses français l’y aident énormément. Ce petit exil a forcément été très bénéfique également à Bebe, qui n’avait jamais nié ses penchants punk.
Les onze titres s’enchaînent avec facilité, avec certains moments plus légers tout de même car quand je disais que la pop disparaissait, j’exagérais un peu… Pour preuve, « Adiós » ou « Mi guapo » rappelleront la musique de ses deux premiers albums. Autrement, « ABC », « Me pintaré », « Sabrás », l’ultra énergique ou énervé « Compra/paga », « K.i.e.r.e.m.e. » et sa lancinance lors du refrain, le furieux mais beau « Der pelo », le furibond et enivrant « Qué carajo », le langoureux « Tilín », « Yo fumo » et son irrévérence à la tendance actuelle anti-tabac, sont tout autant de titres qui divaguent dans les couloirs du Rock.
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Le premier morceau, « Respirar », annonce, tout autant que le titre de l’album Cambio De Piel, que Bebe va revenir à un style plus proche de ses débuts Pafuera Telarañas, voire dans une version plus mure donc plus apaisée.Très vite on s’émerveille de retrouver ce qui nous avait plu, et nous plaît, chez la chanteuse espagnole. Certes, la fureur de Un Pokito De Roncanrol s’est éloignée, mais la rage, intérieure, demeure présente, ne serait-ce que dans la voix de Bebe, une voix désormais inimitable. Ceux qui ne se rappelleront que de son tube « Malo » ne seront pas déçus : d’une certaine façon, Cambio De Piel pourrait être vu comme une amplification, tel un concept-album, de l’humeur que les chansons de Bebe savent transmettre.
Les morceaux « Borrones » puis, surtout, « La cuenta » imposent dès le début une ambiance qui en fin de compte ne ressemble, mais alors pas du tout à l’image que l’on a de la chanteuse sur la pochette de l’album. Pour autant, il y a, comme sur son premier album, des traces de légèreté, des chansons dès lors moins convaincantes (« Que llueva ») ou pendant lesquelles notre cœur balance, perdu entre chaud et froid (« Bala perdida »). Tout du moins à la première écoute.
« Tan lejos, tan cerca » ou « Animales hambrientos » font partie de ces titres qui montrent toute l’ampleur du talent de Bebe : on ne peut alors plus parler de pop, mais bel et bien d’un style propre, qui vous percute. Néanmoins, et sans hésitation, inutile de préciser qu’il est une chose certaine : la plupart des titres de Cambio De Piel s’envoleront assurément lors de ses prestations live, lors desquelles elle ne pourra retenir pas les émotions procurer par sa voix.
(in Heepro Music, le 20/04/2020)
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