La ville l’a déçu, le mot est faible. La ville l’a révolté. La ville le fait fuir à présent. Didier Daeninckx a toujours vécu à Aubervilliers et il vient de quitter cette ville de la banlieue Nord, le 93. Dans ce document publié dans la collection Tracts de Gallimard, il note le glissement progressif, mais rapide cependant, d’une ville que la corruption gangrène à présent. Cette ville dont un Maire fut député, ministre, responsable de la culture au niveau de son parti, cette ville où, comme dans des dizaines de municipalités ouvrières, on a vu se mettre en place des équipements, des offices du sport ou de la culture, des colonies de vacances, des théâtres, des cinémas, des médiathèques… Villes où s’affirmait la solidarité internationale, ouverte sur un monde en lutte (Vietnam, Espagne, Algérie…). Et puis, tout s’est défait petit à petit. Plus vite, néanmoins qu’on pourrait l’imaginer. L’auteur date ce moment de bascule au printemps 2014. Ce qu’on lit dans les pages qui suivent est sidérant : sous divers prétextes, on a fait entrer dans l’administration de cette ville des hommes corrompus ou corrupteurs, on a promis logements, emplois, etc., on a laissé entrer des dealers, on a trahi l’histoire même de cette ville, où on laisse prospérer diverses expressions du racisme. « Dans les poches de misère, quand le système politique faillit, la violence s’ouvre à la sauvagerie ». Didier Daeninckx la quitte donc, cette ville qu’il a aimée.
Comble de tristesse pour moi, en lisant ce livre, et même si cela n’a pas de lien puisqu’il ne dirigeait plus le Théâtre de la Commune à Aubervilliers depuis 2013, Didier Bezace est mort en mars 2020.
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