-P.H.
Punkee, ma fille chérie,
Le #5 ne t'as jamais porté chance. Voilà pourquoi je tente de conjurer le sort, le 5 du 5, 2020, pour t'écrire le contenu de la boule qui verse en moi.
Ce qui bouleverse en moi.
En 5ème année du primaire (5), l'enseignante favorite de toute l'école primaire, celle qui était la leader parmi les leaders, celle aussi qui prenait en charge les 2 grands voyages de 5ème et 6ème année (Toronto et New York, respectivement), ce qui la rapprochait des élèves et la rendait si populaire, celle qui était aussi marraine et porte-parole de conférence sur les familles monoparentales de l'école, soit parce qu'elle l'était elle-même ou encore qu'elle s'y connaissait tout simplement, appelons là Sémélé, enfin celle qu'on remarquait, parents comme enfants, comme le roc dans la montagne scolaire devenait l'enseignante de toi et tes ami(e)s pour votre plus grande joie. Elle irradiait tant que mon fils, 4 ans plus tôt, qui ne l'avait pas eu en 5ème année de cette même école, avait pratiquement eu l'impression de l'avoir eue tellement elle était investie. Et tellement elle avait une influence sur l'autre enseignante de 5ème année qu'elle la rendait aussi bonne. Comme un Wayne Gretzky ou un Mario Lemieux rendait tout le monde bon autour, au hockey.
Sélémé serait ton enseignante dans une année importante.
Mais voilà. Un soleil qui rayonne trop est arraché de tout le monde. C'est une des raisons qui me fait rejeter l'été, tu le sais. Trop de soleils aveuglants. Sélémé durerait 2 semaines. Tu arriverais à la maison si en pleurs, incapable de formuler un verbe, ne répétant que son prénom, nous laissant croire qu'elle était morte. Elle l'était en quelque sorte. La commission scolaire, dans un geste anti-professionnel et traumatisant pour toujours, la recruterais à une promotion, ailleurs. La moitié de la classe en resterait lourdement peiné. La remplaçante étant recrutée à la sauvette, et..ça ne s'invente pas...ÉTANT UNE ANCIENNE CONCURRENTE D'OCCUPATION DOUBLE! Qui avait quitté son blogue pour "accepter unE emploi quelque part...". L'HOR-REUR. Non seulement vous n'apprendriez rien d'elle, mais il a fallu la rappeler à l'ordre plusieurs fois quand elle enlevait des points 12 fois pour le même mot mal orthographié 12 fois dans le même texte.
Fallait aussi corriger ce qu'elle s'était convaincue qui n'était pas bon, mais qui l'était. Et comble de malheur, quand elle a été engagée, elle l'avait caché ou ne le savait pas, elle était 2 mois enceinte. Bonheur pour elle, mais double horreur pour les élèves dont les notes et les apprentissages plongeraient lourdement. Une troisième enseignante, qui, dans le non-professionnalisme maintenant devenue norme, ne prendrait pas même le temps de se présenter aux parents qui étaient tous aussi largués que les élèves dans cette année scolaire sans dessus, dessous.
Il n'y aurait bien entendu pas de voyage à Toronto. Et le retard serait si important que la 6ème année, verrait les deux enseignantes séparer leurs classes en deux, avec les élèves de la 5ème "brisée" beaucoup plus en retard que les autres. 2 classes, mais 4 sous-divisions d'apprentissages. À la dure. Et surtout pas de voyage à New York. Ton premier choix au secondaire serait un refus, les notes ne s'y trouvant pas. À partir de la 5ème année troublée.
Dans ton second choix d'école secondaire, tu te ferais un noyau d'amis formidable. Tu t'en ferais encore plus en jouant au futsal et au flag football. Des filles et des garçons qui seront aussi inspirants pour toi (et nous) que tu le seras pour eux (nous). Un feu inoubliable dont tu serais la mèche, la flamme et la lumière. Tu y connaîtra l'amour et sa fin. Tu y apprendra la vie.
Et maintenant tu apprends sa cruauté.
Le 13 mars 2020 on vous arrachait à vos soeurs et à vos frères. Sans préavis. Sans futur établi non plus. Ta dernière année du secondaire. Ton année de finissante. Ton 5ème secondaire.
5...
Ton bal sera incertain. Diffus dans le nowhereland. L'après-bal sur une île juste à vous ne sera pas non plus. Pas pour tout de suite, en tout cas. Pas de remise de diplômes. Pas d'adieux dignes. Pas de soccer. Pas de voyage à New York (encore). Pas de flag football.
Des larmes invisibles. Comme étouffées dans le brouillard de l'isolationnisme. De la fraternité noyée. Un feu qu'on voudra éteindre de vos larmes.
Sois toujours la mêche, la flamme, la lumière.
Tu encaisses comme une géante malgré ta petite taille. Tu as depuis longtemps appris la résilience.
Tu
On dira un jour "Oh! tu étais de la cohorte 2020!"
Tu marques l'histoire à ta manière subtile.
Et le feu reviendra. Il ne s'éteindra jamais.
Compte sur moi. Personne ne vous laissera tomber comme ça.
On efface pas les étoiles de nos ciels. On tasse les nuages.
"Stay in this time, stay tonight in...ever after, this love in time, and if you save your love, save it all"