Cet amour, de Yasmine Khlat

Elle a entendu sa voix à la radio par hasard. Elle a appelé le Docteur Rossi. Elle ne sort quasiment pas de chez elle, n’étant jamais sûre d’avoir fermé tous les robinets. Elle a des tocs. Le Docteur Rossi est psychiatre. Il est déjà tard. Elle le retient parce qu’il l’écoute. Ce qui se noue, se joue entre eux, c’est au-delà d’eux-mêmes et c’est en eux-mêmes. Elle est née au Liban. Il est français et israélien. Et, bien qu’ils vivent l’une et l’autre à Paris, il y a une loi qui interdit tout contact entre citoyens libanais et israélien. Ça n’arrêtera pas leur échange téléphonique mais ça fera remonter des souvenirs douloureux : les morts, les enlèvements, les disparitions, les peurs, les violences de tous ordres. Comme si l’ennemi devait rester éternellement l’ennemi : c’est de cela que le monde souffre. Et pourtant, on entend à chaque coin de rue, à Beyrouth, ce mot : Habibi (Habibti, au féminin), qui signifie mon amour, un terme d’affection, tout comme les mots chéri, trésor, etc.