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En ce début mai, le colonel Cyrille Becker sort, aux Éditions Pierre de Taillac, un livre d’histoire militaire rassemblant trente engagements en altitude depuis l’Antiquité jusqu’à l’orée du XXIe siècle : Les plus grandes batailles en montagne, préfacé par le général Pierre-Joseph Grive.
Que vient faire Barrio de Tango là-dedans ? Eh bien, à la suite du 11e salon La Plume et l’Épée, le 23 novembre 2019, à Tours, où nous nous sommes rencontrés, le colonel Cyrille Becker m’a fait l’honneur, après une journée d’échanges entre voisins exposants du salon du livre, de me demander une modeste contribution à l’un des trente chapitres de son futur livre, celui qui porte sur la Traversée des Andes et la bataille de Chacabuco pendant l’été austral 1817. Ce jour-là, au salon, je donnais en effet une conférence sur cette opération qui a changé le cours de l’histoire en Amérique du Sud mais qui reste inconnue ici, même dans l’armée. Cyrille Becker a assisté à ma présentation, il s’est assis au premier rang pour écouter et dès le lendemain, nous commencions à échanger documents et commentaires par mail interposé. A cette date, je remettais le manuscrit de Manuel Belgrano –L’inventeur de l’Argentine à mon éditeur et j’ai donc demandé à Cyrille Becker s’il voulait bien faire le travail de relecteur militaire. De son côté, il m’a envoyé le manuscrit de son chapitre pour un retour critique. Nous devions nous revoir et échanger nos bouquins au F.I.L.M., à Saint-Cyr-Coëtquidan, le grand rendez-vous du livre militaire de juillet, qui n’aura pas lieu pour des raisons faciles à imaginer.
Bilan des morts et des blessés à la bataille de Chacabuco
établi par San Martín le 22 février 1817
Archivo General de la Nación (Argentine)
La Traversée des Andes, j’ai eu l’occasion de vous en parler à plusieurs reprises dans ce blog et sur mon site Internet, notamment parce que j’ai pu participer aux célébrations du bicentenaire à San Juan en août 2017. De surcroît, elle doit faire partie de la prochaine conférence que je donnerai au Souvenir Napoléonien de Paris lorsqu’il pourra reprendre son programme culturel : c’est le nom d’une campagne de José de San Martín (1778-1850) qui est parti en janvier 1817 de Mendoza, en Argentine, pour libérer le Chili, retombé en octobre 1814 aux mains des partisans du régime colonial. Une action d’éclat qui le fit connaître dans toute l’Europe et que j’ai racontée dans San Martín – A rebours des conquistadors et documentée, en version bilingue, dans San Martín par lui-même et par ses contemporains, tous deux parus aux Éditions du Jasmin.
Cyrille Becker est docteur en histoire, historien militaire, enseignant et il a commandé le 13e bataillon de chasseurs alpins de Chambéry, l’arme dont il est issu. Il a en particulier porté nos armes en Afghanistan. La haute montagne, il en parle donc en connaisseur. C’est l’un des atouts de ce livre de 240 pages où, au travers de récits très accessibles et synthétiques, illustrés de cartes et de documents historiques en noir et blanc, il analyse, en homme du métier, les leçons tactiques qu’il faut tirer de l’histoire.
Monument à l'armée des Andes, Cerro de la Gloria (Mont de l'Honneur)
sur les hauteurs de Mendoza
Mes amis napoléoniens se régaleront avec la traversée des Alpes par Hannibal (inséparable de celle du général Bonaparte, d’ailleurs David l’a écrit sur son tableau), le siège de Gergovie (puisque Napoléon III a intégré la lutte des Gaulois contre l’impérialisme romain au roman national français) et la charge de Somosierra, l’épisode par excellence qu’on aime au Souvenir Napoléonien quand on parle de la guerre d’Espagne ! Les hélleno-latinistes, comme moi, retrouveront ce qui a fait les délices de leurs études classiques : la bataille des Thermopyles remportée par Léonidas (le général spartiate auquel San Martín, par modestie, voulait éviter qu’on le compare), la prise de la Roche sogdienne par Alexandre le Grand (1) et la bataille du lac de Trasimène. Les passionnés de chanson de geste ouvriront le livre à la page dédiée à Roncevaux, etc.
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J’ai gardé une dernière remarque pour la fin en pensant à mes amis argentins qui célébraient le 2 avril dernier la mémoire de leurs soldats tombés en 1982 : l’un des chapitres portant sur le 20e siècle concerne la prise par les Britanniques du mont Longdon dans un archipel que Barrio de Tango appellera toujours les Malouines. Mes fidèles lecteurs savent pourquoi, je leur ai déjà expliqué à plusieurs reprises (2).
Monument aux morts de la Guerre des Malouines à Buenos Aires
Le monument se dresse face à une copie de Big Ben
offerte au début du 20e siècle par la Grande-Bretagne
Il est assez rare que des auteurs français, voire européens, prennent ainsi la peine de travailler sur l’histoire événementielle sud-américaine. Que Cyrille Becker soit ici remercié de cet effort au nom des institutions argentines que j’ai l’honneur de représenter en France.
Pour en savoir plus : reportez-vous à la présentation de l’ouvrage sur le site Internet de l’éditeur.
Les librairies rouvrent Faisons-les vivre Achetons des livres !
(1) Si un jour où vous allez au F.I.L.M, à Coëtquidan (Guer), vous ne pourrez pas manquer, à l’entrée du domaine, cette citation du général De Gaulle : « La véritable école du Commandement est la culture générale. Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote ». C’était ancré dans l’éducation de la génération de De Gaulle mais c’est encore bien plus vrai pour celle de Belgrano et San Martín, quand les petits garçons apprenaient à lire et à écrire dans les auteurs de l’Antiquité classique. (2) L’archipel des Malouines a été cédé pacifiquement par la France à l’Espagne en 1767. Aussitôt Carlos III l’a placé sous l’autorité du gouverneur de Buenos Aires, avant même de faire de cette ville la capitale du dernier vice-royaume fondé par les Espagnols dans le Nouveau Monde. En 1816, lors de la Déclaration d’indépendance de ce qui allait devenir l’Argentine, les îles sont naturellement revenues à l’État naissant. En 1824, alors que San Martín résidait à Londres (au point que tout le monde croyait et que certains auteurs affirment toujours qu’il y était en mission), le Parlement britannique a reconnu les Provinces-Unies du Sud malgré la guerre civile qui les ravageait. Contre toutes les règles de la diplomatie déjà en usage alors, en 1833, sans déclaration de guerre, une flottille de la Royal Navy a saisi l’archipel défendu par une minuscule garnison qui n’était pas prévue pour soutenir semblable attaque et le reste de l’Europe a accepté ce coup de main sans broncher. En 1853, la première constitution argentine entrée en vigueur (et toujours valide) a fait de ces îles une partie intégrante du territoire national. Et en droit, l’auteur de cette constitution, Juan Bautista Alberdi (Tucumán, 1811 – Neuilly-sur-Seine, 1884), avait raison. En 1982, une dictature militaire haïe, ne sachant plus comment pérenniser son pouvoir, commit le crime d’envoyer le contingent reprendre ces terres et tenter de rejouer l’histoire à l’envers. C’était des gamins qui faisaient leur service militaire, certains incorporés depuis quelques semaines à peine, ne sachant même pas tenir un fusil. Je salue ceux des anciens combattants que je connais, les VGM (Vétérans de la Guerre des Malouines) : la petite association de Luján avec son minuscule mais impressionnant musée dans une maison particulière et sa devise (Prohibido olvidar – Interdit d’oublier), le dernier timonier du ARA General Belgrano, le croiseur coulé par les Britanniques, et le général Carlos Marturet, secrétaire académique de l’Instituto Nacional Belgraniano, avec qui je viens justement d’échanger autour de cet épisode tragique de l’histoire argentine.