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Depuis la disparition de son père en plein cœur des Bull Mountains, il y a plusieurs années, et le décès récent de sa mère, Wendell Newman vivote de son salaire d’employé de ranch sur les terres qui appartenaient autrefois à sa famille. Comme un rayon de soleil débarque alors dans sa vie aride le petit Rowdy Burns, fils d’une cousine incarcérée, dont on lui confie la garde. Un lien puissant et libérateur se noue entre Wendell et ce garçon de sept ans mutique et traumatisé.
Mais tandis que s’organise la première chasse légale au loup dans le Montana depuis plus de trente ans, les milices séparatistes qui vénèrent le père de Wendell se tournent vers le jeune homme. Bien décidé à ne pas prendre parti, Wendell devra tout faire pour protéger Rowdy et conjurer la violence qui avait consumé la vie de son père.(présentation de l'éditeur)
Je viens de terminer un très très beau roman du catalogue de l'éditeur, qui une fois de plus a su dénicher un écrivain d'une grande qualité dans l'écriture et l'art de raconter le destin des hommes.
Le roman commence doucement. On s'attache à Rowdy, ce petit garçon abandonné par ses parents, dont les services sociaux décident de le confier à son oncle, Wendell, 26 ans. Il se retrouve avec un enfant sur les bras, qui ne parle pas. Sa rudesse s'efface peu à peu et laisse place à sa vulnérabilité et à sa générosité, face à ce garçon déconcertant, à la limite de l'autisme. Une relation va se nouer entre eux, immédiate, belle et touchante.
Il y a aussi Gillian, enseignante, qui se bat dans son établissement scolaire pour tenter (presque) en vain de donner une autre chance à tous ces enfants qui vivent dans ce Montana, rude, et dont la destinée sociale semble déjà tracée. Elle va croiser le chemin de Rowdy pour le meilleur...ou pour le pire.
Et puis ces montagnes qui marquent à jamais les hommes qui y vivent et ça depuis des générations. Elles y sont magnifiquement décrites. Elles sont le berceau d'hommes qui se sont radicalisés, prêts à défier l'autorité fédérale, qui n'ont que faire de la préservation de l'environnement, puisqu'il est déjà si difficile de gagner dignement sa vie. Ils n'hésiteront pas à prendre leurs fusils pour défendre leur terre, et à y chasser le loup dont le retour embrasse la région toute entière et fait ressurgir un douloureux passé pour certains, un espoir pour d'autres.
On a du mal à croire à ce que l'on lit parce que nous ne sommes pas américains, parce que même si l'on sait, on se dit que quand même, ils sont graves ces américains qui brandissent leurs armes au nom de la liberté. Ça bouscule bien comme il faut. On serre les poings, on déglutit difficilement.
Et si comme je le disais, le roman commence doucement, une tension sourde gronde, et accélère peu à peu le rythme de l'intrigue pour finir magistralement.
Les personnages de cette histoire sont incroyablement vivants. Joe Wilkins sait nous faire ressentir leur pulsation, le poids de leur histoire. Tout comme ces montagnes et cette nature à la fois belle et hostile que l'on respire tout le long du roman.
Enfin, j'ai eu le plaisir de lire le nom de Laura Derajinski, la traductrice du roman (et des romans de David Vann ou celui de Gabriel Tallent entre autres), signe pour moi d'une grande qualité.
Ces montagnes à jamais - Joe Wilkins, traduit de l'américain par Laura Derajinski - Gallmeister - 2020.