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Pouvoir et opinion publique

Publié le 21 juillet 2008 par Jcgbb

Si les dirigeants avaient le plus profond mépris pour ceux qu’ils ont la charge de gouverner, oseraient-ils le dire ? Est-il politiquement envisageable qu’un gouvernement déclare le peu de considération qu’il a pour le peuple en général ?

On dit les individus inertes et passifs. Mais imaginez qu’un chef d’Etat ait le front de déclarer qu’il peut tout, que les citoyens n’ont aucun droit contre lui, qu’ils doivent tout attendre de sa générosité et bénir le bonheur qu’il consent à leur procurer ; aucun peuple, même hébété par le bien-être, ne supportera d’entendre nier ainsi sa liberté. Un tel discours susciterait aussitôt une révolution.

Il est d’ailleurs très probable qu’aucun dirigeant ne l’a jamais tenu. Il n’y a pas de dictateur qui ne prétende agir pour le bien, la sécurité, la liberté de tous. Ouvertement, on reconnaît que les citoyens sont des êtres libres, capables de choix éclairés. Mais en privé, hors micro, c’est un autre son de voix, qu’on évite cependant d’ébruiter.

De cette impossibilité de mépriser publiquement la liberté, Kant tire ce principe qu’est injuste tout projet, toute règle d’action dont la réussite requiert le secret et la dissimulation. Est injuste ce qui serait rejeté s’il était publiquement déclaré.

Comme le notait H. Arendt, les mauvaises pensées sont tenues secrètes par définition. Il faut donc que l’apparence du bien gouverne, et que le peuple ait l’opinion qu’il est libre. Aucune prospérité ne satisferait les individus s’ils ne croyaient en même temps l’avoir librement choisie.

Face à des êtres qui se pensent libres, le politique est bien forcé d’avoir des égards.


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