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Perdues les belles heures de l’aube

Publié le 26 juin 2020 par Paulo Lobo
Perdues les belles heures de l’aubeIl est encore tôt le matin, je laisse la radio déverser son flot de paroles rassurantes, la Terre tourne, je le sens dans ma peau, à l'intérieur de mon caveau, dans un mouvement lent et ronronnant, les jours passent sur moi comme une vague hallucinée contre laquelle il ne sert à rien de me débattre.Je suis pris en tenaille par des forces contradictoires. Des êtres qui se scandalisent de tout et de rien. Il est si facile d’exprimer son dégoût de toutes choses. Il est si facile de piquer des colères vrombissantes. Il suffit de hausser le son de sa voix et de le laisser résonner très fort dans la salle. Une colère piquée au vif, cela donne du peps aux dents, de la poudre à moudre et de la foudre à coudre. Une voix qui s'élève au-dessus des autres, de façon grossière, c’est une forme d’autoritarisme, c’est une forme de manipulation qui fait fi de tout esprit démocratique. Pareille outrecuidance peut-elle se justifier entre des êtres civilisés ? Il devrait être possible ce soir de se regarder dans les yeux et de se dire nos sept vérités. En  tout cas, il faudrait discuter de ce qui ne va pas, et trouver un point d'équilibre entre nos points de vue nécessairement divergents. Il reste la chambre, son opacité, les photos accrochées qui me fixent du haut de leur temps passé. Il me reste la mémoire que d’aucuns voudraient effacer d'un coup de torchon magique.Mais moi je dis que tout ce qui peut me rattacher au passé est bon à prendre.Quand j’écoutais la musique, j’étais dans une chambre fermée à double tour sur elle-même. Je me demandais où se trouvaient les grands espaces. La lumière était futile. Je plongeais dans le noir, sans être conscient des périls auxquels je m'exposais.J’ai trouvé le texte, un semblant d’histoire dans ma tête, mon stylo devient une caméra que je pointe dans la direction que je veux et je prendrai comme cadre ce qui me passera sous la main. Les gens qui circulent la fièvre dans le sang, la chèvre qui me jette un regard désabusé, la musique qui ne sait plus où donner de la tête.Dans l'air familier de la fin d'après-midi, je pouvais à tout moment prendre une pause d'avance, avant de m'élancer telle une flèche vers une destination lointaine. Derrière moi, une bande de truands. J’étais tombé dans un film noir ! Moi, le héros un peu zéro, surtout pas un numéro. Peut-être n’y avait-il absolument rien à dire ni à retenir de ces instants de vie vécue, de ces tranches de vie jamais assouvie. Je me plaisais à explorer les endroits insolites et ordinaires, partout il y avait de la matière, des angles, de la géométrie, des textures et il y avait moi aussi. Je voyais des effets de lumière, une décomposition de la matière, un placement de fonds sommaire. Rien n’était sérieux, tout était faux semblant.Une vaste plaine déserte. Parcourue d’ondes sonores invisibles. Le vent entonne une mélodie, la musique vient de l'intérieur, mais est-ce vraiment de la musique ? Plutôt une ambiance enveloppante, parfois caressante parfois dissonante. Le monde se vautre dans ce qu’il a de plus abject, recroquevillé autour de son nombril. Des barricades empêchent les gens d’entrer et de sortir. Dehors, l’infinie solitude des jours perdus. Dedans l’infinie solitude des jours comptabilisés. La caisse enregistreuse n’a plus de courant. Beaucoup de monde se promène, mais ce sont des fantômes luisants dans le noir de la nuit, je rêve, tu ajoutes deux blancs d’œuf à ta journée, tu les bats en neige, tu es content de ton entreprise ? Les êtres humains sont des figurants qui se glissent en pointillé tout au fond du paysage, inaccessibles, on peut les effacer d’un coup de gomme. Sans aucun état d’esprit. Nous voilà en état de siège permanent. Branle-bas de combat. Les matelots quittent leur poste. Les gens sont ressortis, les visages encore crispés, on bavarde délicatement, les mots viennent à moi, guillerets et sans aucune volonté de nuire. C’est à tout cela que pense l'inspecteur quand il se promène dans les bois, ce dimanche-là, après qu’il a pris la décision de démissionner.Pourtant il a toujours l’impression d’être enchaîné. Le futur devant lui est un grand ?Il a surtout envie d’en faire son encre de sauvetage, son prétexte d'écriture. Il se demande : faut-il vraiment que je parte ? Pourquoi les quatre coins du monde? Pour connaître l’infini, la joie voluptueuse des expériences nouvelles, des images inédites glanées sur les chemins. Tout lui semble parfaitement inutile, mais il a des difficultés à coucher tout cela par écrit. Il pense à l’acteur, se rappelle son nom, lui qui a été sa dernière victime à résoudre. Puis lui est venue cette sensation de ne pas en avoir besoin et de ne rien en avoir à cirer. Il pense: les temps sont un peu confus dans ma tête.À son âge, il ne peut plus entreprendre une aventure d’équipe. Il doit faire cavalier seul. Mais comment libérer son esprit des empreintes qu'il a emmagasinées ? Il ne sait qu’une seule chose. Le présent est tout ce qui lui reste.Il y a de la joie dans l’air, la vie est arrivée bringuebalante et a repris le dessus, elle a investi les rues les parcs les places publiques, j'ai vu les enfants jouer et les parents regarder, le monde s'est rempli de la même joie de vivre. Pensez aux disputes dans le monde virtuel. C'est cher payé pour des idées assez simples finalement."Toute personne non équipée d’un smartphone, mal à l’aise avec Internet ou tout simplement rétive à l’idée d’être constamment connectée, et potentiellement surveillée, sera confinée au cœur d’une société où à peu près tout lui sera refusé." Citation de je ne sais plus qui.

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