Magazine Beaux Arts

Exposition “les Langues Impassibles” Jean-Christophe Alix – Aude

Publié le 26 juin 2020 par Philippe Cadu

Du 2 au 12 juillet 2020

www.le-petit-peuple.blogspot.com

Jean-Christophe Alix étant un artiste d'expérience, il connaît comme telles toutes les langues de bois dont on ne saurait faire des flûtes. Celle des élus à la Culture, ou celle des critiques, ou encore celles, patoisantes, des touristes égarés. Cela fait beaucoup de langues chargées.

Aussi et malgré une certaine réserve naturelle, la sienne n'étant pas dans sa poche, il a fort judicieusement décidé de la tirer à son tour et en bois. Tour à bois. Logique implacable, et c'était bien le moins pour un tel constat.

Paradoxalement cette démarche qui paraît en revenir à l'objet de son opprobre, ou à tout le moins à celui d'un agacement constant, était pourtant la façon la plus appropriée de dire ce qu'il avait ainsi sur le bout de la langue, et de le dire d'une langue verte qui ne fourche pas .

La langue de bois, en effet, n'est que de la doctrine figée, du bois mort, soit l'absolu contraire de l'invention et de l'immersion dans l'Arbre de vie qui nourrissait, et nourrit encore, mythologies et vies primaires des sociétés primitives et tribales. Éradiqué par les monothéismes et les totalitarismes de tous ordres, l'arbre nourricier s'est mué en " plantation noire " prompte à montrer au bout du bout de sa feuille la langue sombre et gonflée de la peste.

Jean-Christophe Alix propose donc d'en revenir, au fond, à la chair saine, à la fibre ligneuse qui fait et doit faire l'articulation des sons, la possibilité du vent dans les branches, et donc d'un vocabulaire du naturel (ce à quoi, d'ailleurs, tendent essentiellement ses récentes installations in situ).

Il n'est pas nécessaire de fréquenter les Cafés de Philosophie -il y a tellement d'autres occasions possibles pour boire un verre- pour comprendre qu'alors, ce qui se parle par la langue bien pendue des espaces boisés, aura quelque chose à voir avec l'existence et l'essence.

Car ce qui peut s'entendre dans les branches de sassafras ne peut être absolument semblable à ce que l'on écoutera dans une palmeraie. Ce qui se murmure sous les oliviers n'est en rien similaire aux voix du sapin.

Certes il y a là une vérité commune : celle des existences, mais les différences tiennent aux essences, ou pour le dire autrement, aux terres où puisent leurs racines, aux substances dont leurs êtres se sont faits et qui tiennent aux chimies complexes de minéraux et d'organismes.

Comment dès lors montrer les vertus des langues en bois contre l'imposture des langues de bois ? En les sublimant par l'Art ! Telle est la réponse de bon sens de Jean-Christophe Alix.

Il taille, il polit, il donne à voir les veines, les couleurs, la fermeté drue ou le mouvement esquissé d'une articulation. Il rend la vie aux langues tout simplement. Ces langues deviennent des possibles, des désirs, des pénétrations, des léchages, des papilles affamées, des scansions d'odes aux bonheurs.

Et c'est bien la nature des bois qui rend ces choses-là possibles.

L'impassible nature universelle.

De natura rerum.

Avec ce travail, Alix a pris langue, consciemment ou non, avec Lucrèce. Il nous rend sages et heureux.

Daniel Bégard .

Le Garage, 6 Avenue de Talairan, 11220 Saint-Laurent de la Cabrerisse Tél : +33.(0)6 95 95 08 08 Plan D'accès

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Philippe Cadu 34619 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte