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Psychogeographie indoor (101)

Publié le 16 août 2020 par Novland

Psychogeographie indoor (101)


« Les joies deviennent souvent, comme les autres choses précieuses, des poisons mécaniques, qui ne brillent que dans l’éloignement, mais qui nous coupent et nous déchirent dès qu’on les touche ou qu’on les avale. » Jean-Paul (Richter) 1. 5 avril 2020.- Temps splendide, pour ainsi dire estival (21°C). De 1964 et jusqu'à sa mort en 1996, Joseph Mitchell continuera de se rendre tous les jours dans son bureau du New Yorker, où en dehors de minuscules et vagues tentatives autobiographiques, il n'écrira plus la moindre ligne. Avant cette défection prolongée, ce drôle de zébu aura peu ou prou inventé le journalisme moderne, la non-fiction narrative avant l'heure légale, et ce, au détour d'une kyrielle de chroniques et de portraits ayant tout de l’œuvre littéraire en marche. Voilà donc un autre Bartleby, une victime de la page blanche, un leucosélophobe de plus. Ce matin j'ai entamé Le fond du port un choix d'articles parus dans le New Yorker entre 1944 et 1959. C'est assez épatant, on y barbote dans un New York très maritime, d’ Ellis Island à Coney Island, de Brighton Beach à Roosevelt Island entre restaurants de fruits de mer, huîtres et autres coquillages envenimés par la pollution, rats descendants de navires marchands un poil borgnes. L’ensemble est obsolète en bien, plein d'empathie et de pâte humaine, assez instructif et visiblement bien traduit. Je ne suis pas déçu.6 avril 2020.- Météo parfaite (23°C). Figurez-vous que pincé par un doux soleil et dorloté par un vent léger je me suis endormi sur ma chaise de lecture ! Sieste superbe, loin des virus et autres pandémies. À mon presque réveil le livre de Joseph Mitchell que j'étais censé lire était peinardement posé sur mes genoux, alors bon j'ai poursuivi mon petit bonhomme de chemin… Oh non sans quelques heureuses poses de narcolepsie, mais tout de même avec un minimum de concentration. Détail un peu drôle, mais assez macabre reprenant ma lecture je me suis retrouvé dans un chalutier ayant ramené des morceaux de crâne humain dans ses filets, les marins du bord s'amusant à ouvrir et à refermer une mâchoire dans laquelle il ne restait plus que neuf dents, dont une en or. Le reste du livre est moins tragiquement croquignolet, on peut presque parfois s'y ennuyer, les bancs de poissons new-yorkais ont leurs limites, mais ce n'est pas tellement grave tant l’immense humanité de Mitchell emporte tout, même le chaland.7 avril 2020.- Appétence estivale (23°C). Mal de gorge, le virus ? Lu Vraquier courte chose du discret Gilles Ortlieb. Le vraquier est un navire transportant une floppé de marchandises et autres fariboles mais en vrac…Le livre d'Ortlieb est comme ça lui aussi : en vrac. Mélangeant carnet, notes de voyage, journal intime, fragments éparts… On sautille d'une flaque 'eau perdue dans un village de la Courlande lettone, puis on se retrouve en Lorraine, au Luxembourg, puis à Paris, puis dans des « zones périphériques » concédant à la litanie ordinaire das Carrefour, Leclerc, Kiabi, Décathlon, Halle aux chaussures, Speedy, Kiloutou. Tout cela n'est pas dépourvu d'une certaine poésie : « Le mouvement naturel, antalgique, analgésique – et donc anesthésiant, à la longue – consistant le plus souvent, on le sait, à se fondre dans le récipient des circonstances, à s'accrocher à ses bords et à se caler dans le fond, à la façon des poulpes dans une amphore cassée – sans trop s'interroger sur la nature même du récipient, et envisageant encore moins de s'en extraire. A-t-on jamais vu un contenu s'insurger contre son contenant ? »8 avril 2020.- Temps toujours estival (23°C). Le soleil donne, fermant les yeux je m'imagine en bord de Mer méditerranée, témoin de la vengeance des dieux sous un ciel azur et devant un léger ressac. Ouvrant les yeux je me retrouve face à un mur. Drôle de songe. Par ailleurs, je lis Prends garde au toréador de Robert Crais, c'est certainement un polar de série, mais il est raisonnablement bien troussé et puis ont peut y lire des choses assez réjouissantes comme celle-ci : « Le visage de Lou Poitras ressemble à une poêle à frire et il y a le dos aussi large qu'une limousine », ou encore : « il est difficile de ressembler à Charles Bronson quand on n'a pas de menton ». À l'alternat, je lis De l'influence des intellectuels sur les talons aiguilles de Roland Jaccard. C'est un recueil de chroniques écrites pour le magazine en ligne Causeur et ce n'est pas vraiment bon. Jaccard vieilli mal, il vire au renfrogné, au Muray aux petits pieds et parle très mal de ce et ceux qu'il n'aime pas. Disons que c'est un bon passeur et un piètre polémiste.9 avril 2020.- Ciel bleu, trois nuages (23°C). Fini le roman policier de Robert Crais entamé hier, très grand-guignolesque, mais souvent amusant. Otherwise still with Jaccard, pas vraiment convainquant.10 avril 2020.- Tendance balnéaire, mais sans mer (25°C). Un an de plus. Rien à dire sur cette période de confinement généralisé, vraiment rien. Fini le Jaccard, pas très bon. Enchaîné avec Dans la brume électrique de James Lee Burke. C'est la sixième enquête de David Robicheaux, héros bourru, mais toujours agréable. Retrouvé les qualités de Burke, qui décrit très bien le nature, la faune, la flore, le bayou… ses défauts aussi, une certaine emphase, des intrigues parfois filandreuses.11 avril 2020.- Quasi tiédeur (26°C). La brume électrique de Burke distille un solide ennui. De surcroît, il me semble avoir déjà lu ce livre (quand ? Je ne sais plus). Par ailleurs, le voisinage est de plus en plus présent. Espérons que le confinement généralisé s’achèvera bientôt nous pourrons alors nous confiner, tout seul, tranquillement.12 avril 2020.- Soleil voilé (20°C). Impression tenace : je vis dans un camping municipal, merci le virus ! Poursuivi la lecture du Burke que j'ai étonnement plus apprécié aujourd’hui qu'hier. Ma sensibilité était certainement mieux réglée et plus apte à renifler les odeurs de moscatel, de couennes rissolées, de bière pression et de whisky frelaté, de jus de chique et de pieds de porc marinés, tout comme elle était peu être plus apte à percevoir les qualités d'une intrigue de prime abord pas forcement foudroyante. Allez savoir ? Pour faire bonne mesure petit tour dans les Cahiers de Cioran, un type sympathique : « Ma mission est de me rebeller contre l'homme. Je ne lâcherai pas de sitôt ».13 avril 2020.- Couverture nuageuse assez mince, mais tout de même suffisamment épaisse pour contrarier un soleil qui s'annonçait prometteur (20°C). Galey, Journal. Vous allez me trouver bien prude, mais savoir que le jeune Yves Navarre se serait assis comme sur un pal sur le membre généreux du dégouttant Jouhandeau ne m'intéresse pas vraiment. Par contre, Galey est tout à moi lorsqu'il parle des marches et démarches des vieux Morand, Monfreid ou Aragon. La marche de Morand est élastique, étrange comme celle d'un personnage de bande dessinée, celle de Monfreid est chaloupée quant à Aragon il chemine courbé au pas de chasseur « comme un indien sur le sentier de la guerre ».Feuilleté Nager vers la Norvège de Jérôme Leroy, poèmes en vers libres par le plus balnéaire de nos communistes. C'est léger assez élégant, pour tout dire pas mal.14 avril 2020.- Ciel dégagé, du vent (17°C). Reprise du labeur, toujours petit soldat du néo-libéralisme alors qu'en ces temps de crise sanitaire il faudrait que je le sois du communisme et de rien d'autre. Trois poèmes de Jerome Leroy, pour tout dire pas mauvais et un peu communistes eux-aussi. Je vous laisse la casserole dans laquelle je laisse cuire 400 grammes d'un Riz plus basmati  que chinois, viens de déborder.15 avril 2020.- Météo splendide (24°C).Lever 5H00. Labeur. Sieste. Trois poèmes de Leroy. Re-sieste. Une bière IPA. Deux poèmes de Leroy. Une autre bière IPA. Re-re-sieste. Arrosé mes plantes. Dans le même temps que tout cela, mes cheveux persistent à vouloir pousser inconsidérément, la tentation du catogan est grande.Tiens hier après-midi je rentrais pédestrement du labeur - je fais partie de cette frange très peu éduquée de la population qui contribue aux « besoins essentiels » de la Nation - lorsque j’ai eu la malencontreuse idée de croiser une espèce de type qui faisait reluire une vague automobile avec la peau d'un pauvre chamois mort. Certainement irrité par mon auguste personne qu'il voyait se diriger dans sa direction le type émit un long soupir digne d'une cocotte minute en fin de vie tout en chuintant à l'alternat un : « putain c'est pas possible y peux pas passer ailleurs ce con ! Bordel on peut pas être tranquille ! ». Sachant que nous étions séparés par au moins cinq mètres de distance, que je portais un masque, mais pas lui, j'ai trouvé cela assez fort de virus. Le type était visiblement plus vieux indubitablement plus petit et certainement moins costaud que moi alors je me suis permis de l’apostropher avec une grosse voix mêlant demi-ironie et fausse fermeté et je lui ai affirmé ceci : « Oh vous savez monsieur je ne peux guère survoler votre entité corporelle à des altitudes stratosphériques, je n'ai pas d'ailes à ma disposition, je ne suis pas un oiseau et il me faut bien passer quelque part !». Je dois dire qu'après avoir entendu ma fine stance, le type est resté bouche bée et peau de chamois en berne. J'ai ensuite poursuivi mon chemin tout en sifflotant sournoisement dans mon masque.16 avril 2020.- Soleil se voilant (23°C). Des coups de marteau frénétiques, deux scènes de ménage, une à droite une à gauche, voilà les effets du confinement prolongé. Drôle de train-train. Lu deux poèmes de Leroy, l'un vraiment très bien (Perdu pour perdu) … Pour rester dans la poésie, tout en évitant le poétique, picoré dans le A quoi tu penses d'Henri Thomas. Rien à redire, c'est magnifique, même si parfois un peu sinistre.Dans mes jeunes années, mes divers professeurs me reprochaient un gros manque d'application, un côté brouillon et une écriture pleine de relâchement sans se rendre compte que mon échec était surtout et avant tout le leur. Évidemment, ces types et typesses n'avaient tout simplement pas su m'apprendre à tenir mon stylo dans le bon sens.17 avril 2020.- Les nuages s'agrègent, le ciel se couvre, une pluie tiède n'est pas loin (25°C). Mort du chanteur Christophe. Naïf, sincère toujours en bord de cliché sans jamais tomber dedans. Je l'aimais beaucoup.2. 18 avril 2020.- Ciel changeant (23°C). Lu Peleliu de Jean Rolin. Déception, rien d’emballant, je ne suis pas entré dedans et je me demande même si Rolin est entré dans ce qu'il écrivait. Le texte d'une longueur assez modeste est consacré à l'île de Peleliu et à la grande chiffonnade nippo-américaine qui s'y est déroulée en 1944. Rolin badine au milieu des traces et autres ruines tire un peu à la ligne, flemmardise beaucoup, disons que l'on frôle le reportage allongé et que c'est un petit livre de transition (alimentaire), qui en dehors de deux paragraphes drolatiques et d'un amour non feint pour les jeunes canidés ne laisse rien derrière lui. (Conditions lectorales déplorables. Grand retour de mon voisin guitariste qui en plus de grattouiller chante à présent). 19 avril 2020.- Il pleut (16°C). Je lis les Lettres de château de Michel Déon. Ces exercices d'admirations tournicotant autour de Larbaud, Conrad, Manet, Poussin ou Braque sont très bien, obsolètes en bien et toujours élégants. Vu J'accuse. Ce n'est pas un film sur l'affaire Dreyfus c'est un film sur la claustrophobie charbonneuse et l'agoraphobie patente, claustrophobie charbonneuse dans de longs couloirs un brin poussiéreux-kafkaïens, dans les bureaux des ministères, dans les cellules de l'île du Diable ou de la Santé, agoraphobie patente dans la cour d'honneur de l'École militaire, dans les salles des conseils de guerre. Restent deux trois échappées en plein air , bucoliques et colorées comme du Renoir père. Rien à dire sur le fond, tout est dit par la forme (Dujardin impeccable). 20 avril 2020.- Ciel maussade (20°C). Godard est sur Instagram. L'art de faire durer un Havane, un petit gilet vert, des fulgurances, de l'émotion surtout. 21 avril 2020.- Chape nuageuse grisâtre, rien de joyeux (19°C). Tendant un modeste pourboire dans la direction de Mamadou, livreur Uber Eats souriant et diablement efficace, je me souviens de ces quelques lignes de l'ami Ramuz : « Il ne suffit pas de donner ce qu’on a ; il faut encore donner ce qu’on est. Plus exactement, on ne donne vraiment que ce qu’on est ; on ne donne rien tant qu’on ne se donne pas soi-même. On ne donne vraiment quelque chose en donnant de l’argent que quand on le donne par amour. L’argent, c’est ce qu’on a ; l’amour, c’est ce qu’on est. La société tout entière est basée sur le système des échanges et croit volontiers qu’elle serait parfaite le jour où elle réussirait à assurer leur parfaite équité ; elle oublie que le cœur n’est sensible qu’au don. Dès qu’on met un peu de soi dans son travail, c’est un don de soi qu’on fait, et que l’argent à lui seul ne paie pas. Penser, par exemple, à la fameuse "question des pourboires". C’est de l’argent encore sans doute, mais avec quelque chose autour. »Ce sera tout pour aujourd'hui. 22 avril 2020.- Soleil (24°C). Lu À quoi tu penses, une mince plaquette du toujours impeccable Thomas (Henri). Ce n'est pas foncièrement primesautier, mais souvent beau voyez-vous : « Ici les morts et les vivants/Sont presque sur le même plan/Les morts sont à l’abri du vent/ Qui courbe vers eux les vivants. (Le cimetière de l’île). ». Dans l'élan je picore dans les Remarques de Ramuz. Que de merveilles ! Ramuz, Cingia, Walser… Décidément vive la Suisse ! 23 avril 2020.- Ciel très changeant, les averses nous tournent autour, mais elles ne viennent pas (23°C). N'ayant pas eu le moindre contact physique depuis bientôt deux mois je ne crains pas d'affirmer que le fait d'être touché, ne serait-ce qu'un petit peu, est une nécessité impérieuse pour l'homme.Voilà j'en suis là.25 avril 2020.- Orages (23°C). Les temps de confinements avancent cahin-caha, je suis plein de maussaderie, c'est ainsi. Remarques de Ramuz, souvent magnifique, parfois génial : « Il y a trois degrés de solitude. Il y a d’abord la solitude de fait, tout occasionnelle et momentanée ; et elle ne compte pas, à vrai dire, bien qu’elle soit déjà insupportable à beaucoup d’hommes. Les hasards d’un voyage vous ont fait échouer dans une ville où vous ne connaissez personne, par exemple, mais le même voyage vous en arrachera demain. C’est la solitude du premier degré, dont la cause est extérieure. Celle du second degré a déjà plus d’importance, parce que sa cause est en nous. C’est celle où met le caractère, celle à laquelle certains d’entre les hommes se trouvent peu à peu réduits par les réactions mêmes de leur sensibilité : ainsi beaucoup de misanthropes, de faux bourrus et de gens dits sauvages, parce qu’ils ont l’air de fuir la compagnie de leur prochain, mais cette compagnie en même temps leur fait besoin : c’est-à-dire qu’ils ont été vers leurs semblables et que l’accueil qu’ils en ont reçu les a blessés. La solitude est pour eux un refuge et un refuge obligatoire. Pourtant cette solitude-là ne compte pas vraiment encore, n’étant pas sans remède. Elle n’est que sociale et n’empêche pas toute relation avec les êtres et les choses ; non seulement elle ne supprime pas les amitiés, mais le plus souvent elle les renforce et les multiplie ; elle ne supprime pas l’amour qu’elle contribue au contraire à faire briller avec plus d’éclat quand il se déclare. La vraie solitude, et c’est son troisième degré, est la solitude métaphysique. Elle est, à le bien prendre, la seule solitude véritable. ». Acquis les deux volumes du Journal Inutile de Morand. Picoré dedans, comme je m'y attendais c'est très acrimonieux. Fini les Lettres de Château de Déon, pas mal.26 avril 2020.- Plus de nuages que de soleil, mais du soleil tout de même (19°C). Spleenétique et légumineux, rien pour moi. Chez Galey le très élégant Philippe Jullian se pend avec sa cravate au crochet d'une porte. À cinquante-sept ans, il se trouvait trop vieux. Hormis cela c'est le train-train. Francis Perrin est le Paganini du cafouillage – pour ma part je pense que c'était plutôt Pierre Repp -, Jouhandeau quasi nonagénaire et quasi aveugle reçoit encore de jeunes gandins, à l'Opéra Aragon s’endort sur l'épaule de Renaud Camus… 27 avril 2020.- Temps maussade (19°C). Feuilleté quelques pages du Journal inutile du vieux Morand, c'est un peu nauséeux, sinistre, mais toujours télégraphiste.28 avril.- Orages (16°C). Premier ministre à l’Assemblée, déprime, rien lu.29 avril 2020.- Ciel fluant (18°C). Homophobie, racisme, antisémitisme, le Journal Inutile du vieux Morand fait tout pour bien porter son nom. Otherwise, lu quatre poèmes de l'ami Pirotte et trois autres poèmes d'Archibald Olson Barnabooth, par capillarité relu les Cartes Postales d'Henry J.-M. Levey, c'est toujours sublime.30 avril 2020.- Averses, une éclaircie (18°C). Mort de Chardonne, gymnopédies de l'animal Jouhandeau Le Journal de Morand offre un drôle de contre champ à celui de Galey. Ailleurs chez Larbaud, Orient-Express, douceur de vivre, Barnabooth.3. 1er mai 2020.- Petit crachin (14°C). Mes cheveux poussent, la haie dans mon jardin enfle, il n'y aura pas eu de muguet pour ce 1er mai. Assez émoustillé par la dernière livraison du Masque et la Plume j'ai eu la curieuse envie de consommer ce long week-end de confinement en lisant un lourd pavé de l' « entité écrivante » Grisham John. Ne connaissant que de très loin ce mastodonte du page-turner j'ai décidé de l'entamer par son ouvrage le plus célèbre : La Firme. Bon ce n'est pas vraiment mauvais, les pages se tournent effectivement très vite, j'en ai déjà lu cent quatre-vingts, mais malgré le côté distrayant je pense que je préfère Charles-Albert Cingria. 2 mai 2020.- Fortes averses (16°C). La Firme : efficacité retorse de John Grisham, du bon boulot. Du côté du voisinage grand retour de mon voisin guitariste qui s'est échiné tout l'après-midi sur l’Heroin de l'ami Lou Reed (version Rock 'n' Roll Animal), le confinement semble lui peser, mes oreilles vont saigner. 3 mai 2020.- Weather mostly cloudy (19°C). Fini la Firme que j'ai boulottée en moins de deux jours. Grisham est parfaitement maître de sa petite affaire. Belle précision, grande connaissance des arcanes financiers, judiciaires et mafieux, intrigue huilée jusqu'au plus petit rouage, rien ne grince. Le tout est parfaitement distrayant, reste à savoir si c'est vraiment de la littérature (la littérature grince). En parlant de choses qui grincent, j'ai aussi lu La Paix des Jardins de Vialatte. Un fond de tiroir, des poèmes de jeunesse qui n'étaient pas destinés à la publication. C'est charmant, on y sent l'influence de Carco, Levet, Toulet ou Larbaud et toutes les « thématiques » vialatiennes sont déjà là : Lamourette s’est pendu dans un tilleul touffu.Les abeilles y vinrent et trouvèrent son corpsRoidi et mort entre les fleurs de miel.Ses yeux ouverts miroitaient sous le soleilComme deux morceaux de verre cassé.Et les abeilles, épouvantées, s’enfuirent dans l’arbre prochain,Maison odorante, où dansait le vent des montagnes.
Une seule abeille, la plus jeune, restait,Et, s’asseyant sur les lèvres du mort,Elle suçait le miel de mille baisersQu’il n’avait jamais eus pour les vivants(Intermède)5 mai 2020.- Un peu de soleil, des nuages, du vent, de l'ennui aussi (25°C). Je travaille, je mange, je dors. Rien d'autre.6 mai 2020.- Ciel changeant (21°C). Lever 5H00. Labeur. Sieste. Rien lu. Le confinement c'est pour les autres. Après Dave Greenfield hier, Florian Schneider est mort aujourd'hui. Tristesse.7 mai 2020.- Soleil voilé (23°C). Nerveux, en voulant à la terre entière, qui le mérite. Chez Cioran ces lignes que je tamponne sans l'ombre d'un doute : « Depuis l’âge de dix-sept ans, je suis affecté d’un mal secret, indécelable, mais qui a ruiné mes pensées et mes illusions : un fourmillement dans les nerfs, nuit et jour, et qui ne m’a permis, hormis les heures de sommeil, aucun moment d’oubli. Sentiment de subir un éternel traitement ou une éternelle torture ».8 mai 2020.- Temps lourd et humide, pré orageux pour tout dire (26°C). Les divers bruits produits par mes voisins faussement « confinés » étant insupportable mes velléités de lecture en extérieur auront été tuées dans l’œuf. Je me suis donc remplié dans mon petit intérieur où j'ai lu une bonne moitié du Masque de Dimitrios d'Eric Ambler. Nombre des mes connaissances m'auront vantés les grands mérites de ce roman policier datant des années trente du siècle dernier, y voyant beaucoup de choses en avance sur leur temps, du proto en veut tu en voilà. Pour l'instant je suis à demi déçu, c'est tout de même assez désuet mais pas qu’en bien. Bon l’entame est tout de même épatante : « Un Français nommé Chamfort, qui aurait dû être mieux inspiré, a dit que le hasard était un surnom de la providence. C’est là un de ces aphorismes confortables, fabriqués pour nier la vérité déplaisante que le hasard joue un rôle important, sinon prédominant, dans les affaires humaines. Il n’est pourtant pas sans excuse. Le hasard agit parfois avec une sorte de cohérence inepte qu’il est facile d’interpréter comme l’œuvre d’une providence consciente. »Par ailleurs, et à l'alternat, je suis toujours plus ou moins immergé dans le Journal de Mathieu Galey. Aujourd'hui, en fait le 24 décembre 1978, il rend visite à l’impeccable Jean Rhys, l’art du portrait, toujours : « … une sorte de star momifiée qui m'accueille, toute cassée dans une somptueuse robe de chambre vermillon, les yeux faits, la mise en plis impeccable, les ongles pointus et polis. Fragile et adorable, comme un très ancien oiseau des îles, en cage dans ce petit cottage propret ».9 mai 2020.- Vague chaleur, ciel voilé qui ne « craque » pas, l'orage attendra (27°C). Les conditions lectorales toujours défavorables j'ai tout de même pris la décision de lire en extérieur. Pour ce faire, et éviter le terrible brouhaha des confinés environnants, j'ai enfourné un écouteur dans chacune de mes oreilles et j'ai envoyé les contre-mesures qui ont pris la forme de London Calling, un album qui ne fait pas son âge. Je l'ai écouté deux fois en finissant le Masque de Dimtrios et nonobstant deux trois minutes de déconcentration passagère ma lecture aura été attentive et pas vraiment empêché. Pour en revenir vraiment à Ambler et son Masque je dois dire que la seconde partie est mieux que la première, on pourrait presque croire qu'elle est pleine d'élans cinématographiques, mais c'est un paravent, en fait tout est plus littéraire qu'il n'y paraît et c'est la parole et donc les mots qui sont le « véhicule » de la fiction. Je ne raconterai pas la fin, mais il y a du sang et la morale est sauve. Insatiable j'ai poursuivi mon petit chemin lectoral avec L'égoïste est celui qui ne pense pas à moi d'Henri de Régnier (moustachu conséquent s'il en est). C'est un mince ouvrage rassemblant aphorismes, historiettes, anecdotes, considérations sur les hommes, les femmes, l'amitié, l'amour et le temps. La préface de Bernard Quiriny est formidable (il faudrait que je lise son Monsieur Spleen) et j'ai déjà stabiloté la moitié de ce que j'ai lu : « J'aime la tristesse et je hais l'ennui. La tristesse, c'est l'être qui se replie à l'intérieur et constate son malheur ou son infériorité. L'ennui, c'est l'être qui voltige à l'extérieur, comme chassé de sa conscience, et souffre des choses plus que de lui-même. »To be continued.

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