On croit savoir et pourtant on ne sait pas grand chose ... et il est heureux que des collections exceptionnelles sortent pour la première fois d’Italie afin de nous faire revivre un dernier repas à Pompéi, en bénéficiant d'un prêt exceptionnel du Musée archéologique national de Naples.
Le visiteur est accueilli (ou mis en garde) par une reproduction de la célèbre mosaïque de chien qui se trouvait dans la ville romaine antique et qui fut enterrée par la cendre pendant l'éruption. La mise en garde, Cave Canen, "Attention au chien" se retrouvait fréquemment à l’entrée des habitations de Pompéi.L'espace muséal consacré à l'exposition est plutôt réduit et les objets exposés sont restreints. C'est logique étant donné l'ampleur des destructions mais il est un peu décevant de remarquer des fruits et légumes en plastique disposés sur une étagère et des reproductions de fresque sur les murs, même si elles sont magnifiquement reconstituées, tout autant que la frise qui borde le parquet, en suivant un plan inspiré de la Villa des Mystères qui est une villa romaine antique située à 300 m de la porte d'Herculanum et du mur nord de la cité antique de Pompéi.De caractère rustique-résidentiel, elle fut retrouvée en 1909. C'est une des villas les plus visitées du site de Pompéi. Elle est surtout connue pour la série de fresques du triclinium, figurant un culte à mystères.Un demi-pain carbonisé, typique de la Naples du Ier siècle (que l'on suppose authentique puisqu'il est sous vitrine) pourrait susciter de l'émotion s'il n'était pas placé là un peu à l'instar de l'échantillon de roche lunaire ramené par les astronautes d'Apollo que je me souviens avoir vu au cours de ma visite du National Air and Space Museum de Washington.On a exhumé une grande quantité de céréales, toutes carbonisées : orge, épeautre, millet, et puis aussi lentilles, féverole, gousses d’ail, échalote (j'apprends que le nom est dérivé de celui d'Ascalon, un port de Palestine), oignons, olives, figues, amandes, grenade (de très gros grains), noix, dattes, caroube, tout cela absolument noir, sans aucune nuance.
Ces restes archéobotaniques sont montrés pour la première fois. Et pourtant aucune émotion ne se dégage de ces vestiges, à l'inverse d'un moule à gâteau en forme de cœur en bronze. J'apprends à cette occasion que les Romains préfèraient les pâtisseries à base de fromage et enduits de miel qu’ils consommaient à la fin du repas avec des fruits et des friandises. On observe que les privilégiés utilisaient des moules en bronze alors que les personnes plus modestes se contentaient de terre cuite.Tout ce qui concerne la manière dont on se nourrissait fait l'intérêt de l'exposition, et en justifie le titre. les règles d'hospitalité étaient très codifiées. Un proverbe romain signifie avec sagesse qu'il vaut mieux privilégier les petits comités : 7 convives repas, 9 convives, fracas. Les adultes mangeaient allongés, se servant de la main droite avec des fourchettes et des cuillères. Au moment du dessert, on trouve le Bellaria qui est un ensemble de fruits, pâtisserie, miel et confiture.Il est étonnant de constater que les pièces les plus raffinées constitutives de la vaisselle de réception sont incolores, et en verre, qui était alors un produit de luxe.Lors de certaines cérémonies ou pour effectuer des libations, on buvait couramment dans un rhyton, qui est un petit vase en terre cuite ou métal d'une vingtaine de centimètres. Sa forme de corne ou d'animal est très courante dans la culture romaine. Ce rhyton à tête de cerf (ci-dessus) est un bronze et date du I° siècle.Les commissaires ont jugé utiles d'expliquer en quoi consiste l'archéobotanique. Elle rassemble les disciplines scientifiques étudiant les vestiges d'origine végétale en relation avec les sociétés humaines du passé. Les archéobotanistes s'intéressent aux fruits, fraines, feuilles; fleurs, grains de pollen, bois, charbons de bois et phytolithes découverts dans les sites archéologiques. Les carpologues sont eux spécialisés dans l'analyse des fruits, graines alimentaires et condiments tels que ceux présentés dans cette exposition.
La reconstitution du laboratoire de carpologie permet au visiteur de distinguer les différentes étapes du travail scientifique, allant de l'extraction des restes végétaux à leur identification et analyse. Mais le plus intéressant me semble être la reconstitution du menu qui aurait pu être ce fameux dernier repas. Et vous pouvez agrandir la
photo suivante pour lire la recette des lentilles aux fonds de cardon, qui est l'ancêtre de l'artichaut.Tous les légumes présentés ici viennent de Chine. Leur introduction en Italie a suivi quasiment la route de la soie (et plus tard celle du Covid ...). On peut y suivre le tracé de l'arrivée du pêcher (domestiqué il y a 7500 ans en Chine), du millet commun, grenadier, ail, oignon et échalote, de l'amandier (cultivé depuis 6000 ans mais dont les fruits sauvages sont consommés depuis 14 000 ans), de la féverole domestiquée depuis 10 000 ans. La lentille est domestiquée depuis aussi longtemps mais on la consommait bien avant.Il existe de rares espèces autochtones italiennes comme l'olivier, domestiqué depuis au moins 7000 ans, la vigne, le figuier, le noisetier et le châtaignier qui se trouvait en plein essor à l'époque romaine.Ce voyage dans le temps, à la découverte de vestiges alimentaires provenant des sites antiques de Pompéi et Herculanum. conservés dans les réserves du Musée de Naples s'achève vite ... mais je vous incite à poursuivre au même étage par l'exposition Je mange donc je suis.Dernier repas à PompéiDu 8 juillet au 4 janvier 2021Tous les jours, sauf mardi, de 11 à 19 heures
Au Musée de l'Homme
17, place du Trocadéro - 75016 Paris - 01 44 05 72 72
Attention : les billets ne sont délivrés que par Internet
Imprimez ou téléchargez votre billet, venez à l’heure exacte du créneau réservé, et respectez les conditions de visite