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Mille petits riens – Jodi Picoult

Publié le 13 août 2020 par The Cosmic Sam @thecosmicsam

« Mille petits riens » est un roman de Jodi Picoult que je voulais lire depuis sa sortie en France en mars 2018.

Non seulement, j’apprécie particulièrement la plume de Jodi Picoult qui véhicule toujours beaucoup d’émotions tout en étant très documentée sur les sujets abordés (je vous en parlais ici avec « A fleur de peau » et ici avec « La tristesse des éléphants »), mais j’étais également intriguée de savoir comment elle allait traiter le thème délicat du racisme aux Etats-Unis. Il m’aura finalement fallu attendre 2 ans avant de me lancer. Malheureusement, le sujet des discriminations raciales et des violences à l’encontre des minorités et particulièrement de la communauté noire est encore brûlant aujourd’hui (si ce n’est pas plus depuis quelques mois) que cela soit aux Etats-Unis ou en France (cf. la grande manifestation contre le racisme du 2 juin 2020).

« Mille petits riens » a reçu de très bonnes critiques, ce qui a contribué à accroître encore davantage mes attentes envers ce roman. Alors que j’aurais facilement pu être déçue, j’ai eu un coup de cœur pour ce roman que j’ai dévoré en quelques jours malgré ses 600 pages.

Le livre : « Mille petits riens »

Mille petits riens – Jodi Picoult

Crédit photo : L&T

L’autrice : Jodi Lynn Picoult est une romancière américaine. Elle a étudié la création littéraire à l’Université de Princeton et a vu deux de ses nouvelles publiées dans un magazine pour adolescents, « Seventeen », alors qu’elle était encore étudiante. Elle a pratiqué divers métiers avant d’écrire son premier roman, « Songs of the Humpback Whales », en 1992. Ses romans, qui abordent des sujets de société brûlants, sont des best-sellers. Pour la suivre c’est ici!

Le résumé : « Ruth est sage-femme depuis plus de vingt ans. C’est une em­ployée modèle. Une collègue appréciée et respectée de tous. La mère dévouée d’un adolescent qu’elle élève seule. En prenant son service par une belle journée d’octobre 2015, Ruth est loin de se douter que sa vie est sur le point de basculer. Pour Turk et Brittany, un jeune couple de suprémacistes blancs, ce devait être le plus beau moment de leur vie : celui de la venue au monde de leur premier enfant. Le petit garçon qui vient de naître se porte bien. Pourtant, dans quelques jours, ses parents repartiront de la Maternité sans lui. Kennedy a renoncé à faire fortune pour défendre les plus démunis en devenant avocate de la défense publique. Le jour où elle rencontre une sage-femme noire accusée d’avoir tué le bébé d’un couple raciste, elle se dit qu’elle tient peut-être là sa première grande affaire. Mais la couleur de peau de sa cliente, une certaine Ruth Jefferson, ne la condamne-t-elle pas d’avance ? »

Mon avis : Je me suis très rapidement laissée entraîner par l’histoire que j’ai immédiatement trouvé passionnante. Ce livre m’a impacté bien plus que je ne l’aurais imaginé et a fait résonner en moi beaucoup de questionnements en relation avec ma propre identité métissée.

« Mille petits riens » est un roman choral qui donne voix à trois personnages :

  • Ruth : une sage-femme afro-américaine reconnue comme la meilleure de l’hôpital dans lequel elle travaille depuis plus de vingt ans, veuve d’un ancien soldat américain et mère dévouée ;
  • Kennedy : une jeune avocate de bonne famille, motivée par son travail au sein de la Défense publique (commission d’office, aide juridictionnelle) et volontaire de faire changer les choses ;
  • Turk : un suprémaciste blanc de 25 ans aux idéologies néonazies, animé par la haine des autres.

La situation dérape complètement lorsque Ruth, chargée de s’occuper des soins post-parthum de la femme de Turk, est accusée par ce dernier d’être à l’origine de la mort de leur nourrisson malencontreusement décédé à l’hôpital après une opération.

Très rapidement, c’est la descente aux enfers pour Ruth, la déconstruction de tout son système de croyances. La question raciale est, bien évidemment, sur le devant de la scène et pourtant tout le monde semble vouloir la remettre sous le tapis. Pourtant, confrontée à la pire des accusations, Ruth va devoir se battre pour faire établir la vérité.

Bien rapidement, elle réalisera qu’il ne lui suffit pas de démontrer son innocence, mais également la réalité raciale et les discriminations criantes auxquelles la communauté afro-américaine doit quotidiennement faire face.

La question du racisme passif est également bien abordée dans le livre. En effet, si la haine de Turk, Brittany Bauer et leurs proches est bien visible, ce sont les préjugés ancrés et les attitudes pétries de faux bons sentiments qui sont mises en lumière comme étant la source d’un racisme institutionnel dont il est dur de se débarrasser. C’est ainsi une succession de questions qui dérangent que nous pose Jodi Picoult. L’autrice amène ce sujet, entre autres, par le personnage de Kennedy qui par son attitude, pourtant dévouée à la libération de Ruth, ne se rend même pas compte qu’elle étouffe sa voix et son message égalitaire.

J’ai été admirative du courage de Ruth, aussi bien qu’effrayée par les retombées de ce dernier. Ruth est pourtant une luciole dans la nuit, un vibrant exemple de résilience et de ces « mille petits riens » qui peuvent pourtant avoir des conséquences extraordinaires.

Si les passages narrés par Ruth et Kennedy nous entraînent et nous émeuvent, ceux ayant Turk pour narrateur sont plus éprouvants tant ils sont gorgés de fiel, de violence et d’intolérance ignorante. Malgré tout, ces chapitres restent intéressants pour avoir le point de vue de toutes les parties en présence et tenter de comprendre l’origine de toute cette haine qui n’est pas innée.

Il est assez fou pour nous, en tant qu’européens, de constater qu’aux Etats-Unis tous les propos et actes racistes sont autorisés, voire normalisés, au nom de la liberté d’expression. J’ose croire qu’il est quasi impensable qu’en France les requêtes d’un homme avec une croix gammée tatouée sur le crâne pourraient être respectées sans réserve.

Une fois encore j’ai apprécié le fait que Jodi Picoult se soit lancée dans l’écriture de ce livre après de colossaux travaux de recherche et de nombreuses entrevues aussi bien avec des personnes de la communauté afro-américaine qu’avec d’anciens suprémacistes repentis. Le tout donne des personnages crédibles et un résultat que j’ai perçu comme réaliste (malgré les dernières pages un peu trop théâtrales à mon goût).

Impossible de lire ce roman sans penser au film culte « American History X » qui m’a également beaucoup marqué.

Il ne s’agit pas d’un essai, ni même d’un roman qui se voudrait modèle d’« anti-racisme ». On pourra encore y voir des clichés ou mal interpréter certaines choses. Ce roman est écrit par une autrice ne faisant pas partie de la communauté afro-américaine, ce que certains lecteurs ont pu lui reprocher. Ce n’est pas mon cas. J’ai perçu ce roman comme une pierre à l’édifice, une manière personnelle de s’exprimer qui – heureusement – a su en toucher plus d’un. Attention à ne pas faire de la question raciale un tabou ou une cause réservée à quelques-uns seulement. Il est bon que tout le monde s’y intéresse parce que c’est un sujet douloureux qui concerne tout le monde quelle que soit sa couleur ou son origine ethnique.

En bref : un roman puissant, aussi bouleversant que révoltant, qu’on a du mal à lâcher jusqu’à la dernière page. Une histoire coup de cœur que je vous recommande de lire à votre tour.

Vous avez lu ce roman ? J’espère vous avoir donné envie de le faire…


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