Luisa Corradini, la correspondante à Paris de La Nación, qui n’est guère accoutumée à taper comme une sourde sur des dirigeants de droite, a elle-même nourri le feu et sa rédaction en chef avec elle en publiant le résultat de son enquête dans la capitale française : nom et adresse de l’hôtel, prix (exorbitant) des suites dans une ville où le secteur HO-RE-CA subit une crise sans précédent depuis l’Occupation, luxe des prestations offertes aux clients puis détails sur l’après-midi parisienne de la famille, qui s’est achevée par un dîner estival sur la terrasse d’Aux deux Magots (Mauricio Macri doit ignorer ce que veut dire ce nom).
Ni une ni deux, la communauté argentine en France s’est enflammée et des appels à une « manifestation » contre le séjour de Macri en France ont fleuri sur les réseaux sociaux. Un collectif appelle à un rassemblement sur l’esplanade des Droits de l’Homme au Trocadéro, demain, lundi 3 août, à l’heure de sortie des bureaux, de 18h à 20h.
Le texte est intéressant : il est en espagnol mais il reprend le terme si français de "manifestation"
(en Argentine, on parle de protesta)
Si nos amis argentins connaissent bien le français, demain, face à la Tour Eiffel,
on devrait lire des panneaux du type " Macri, rends les deux magots"
le privé (celui du groupe familial, celui de ses amis qui ont profité sous sa présidence)
et le public (prêts indus de Banco Nacional, concession de la poste et des autoroutes, etc.)
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Cette colère, dont se font écho tous les quotidiens argentins, de quelque bord idéologique qu’ils soient, sauf La Prensa (qui, toute honte bue, préfère titrer sur le « régime soviétisé » qui s’appliquerait désormais au pays), s’est fait entendre jusque dans les couloirs feutrés du palace et la famille de l’ancien chef d’État a dû plier bagage et se réfugier chez des amis, qui possèdent un appartement dans ces mêmes beaux quartiers où le commun de la population ne met jamais les pieds. Mais ils ne devraient pas s’y attarder puisque Macri entendait « continuer sa quarantaine » (1) sur la Côte d’Azur, à Nice, jusqu’à la mi-août où il doit se rendre à Zurich, au siège de la FIFA.
Le pire de tout est qu’au milieu de la triple crise que traverse son pays, crise sanitaire, financière et sociale, il est entré en France avec son passeport italien puisqu’il a la double nationalité (ce qui en soi n’a rien de choquant : il est né en Argentine mais son père avait conservé sa nationalité italienne qu’il a transmise à sa descendance selon la loi péninsulaire). Il est donc européen et venant d’Argentine, il est passé par les postes de contrôle réservés aux passeports UE (ça va plus vite) et il peut se promener dans l’espace Schengen comme n’importe quel autre citoyen de la Botte. Dont acte. Mais tout de même, quelle impudence de sa part ! Répudier ainsi la nationalité du pays qu’il a eu l’honneur de diriger pendant quatre ans après en avoir dirigé la capitale pendant huit ans pour aller prendre du bon temps en France, quelle honte pour un homme qui, il y a neuf mois, réclamait encore les suffrages d’un peuple qui aujourd’hui ne sait pas comment il pourra survivre demain !
Dans les rangs de la droite argentine, cet insolent et luxueux voyage fait grincer bien des dents. Des hommes qui le soutenaient encore avant-hier ruent maintenant dans les brancards. Macri semble avoir perdu en quelques jours toute légitimité.
Il est donc temps pour lui de se reconvertir au football dans une fondation dont l’activité ne convainc personne (2). Après tout, il avait entamé sa conquête du pouvoir depuis la présidence du Club Boca Juniors, qui, peu avant le confinement, a tourné le dos au bureau dirigeant qui s’était mis en place après son départ pour les sphères politiques locales.
Pour en savoir plus : lire l’article de Página/12 sur les réactions en Argentine lire l’article de Página/12 sur les réactions en France lire le billet d’opinion de Página/12 sur le cynisme des milliardaires profiteurs argentins lire l’article de Clarín lire l’article de La Nación
(1) Il se moque du monde et dans les grandes largeurs. (2) La fondation de la FIFA a pour officiellement pour objet d’aider les pays en voie de développement à s’équiper d’infrastructures sportives dignes de ce nom. Comme ses réalisations dans ce domaine se comptent sur les doigts d’une main, de mauvaises langues émettent l’hypothèse qu’il pourrait s’agir en fait d’une lessiveuse financière ou d’un distributeur de cash à tous les potentats corruptibles du monde. Seules de vraies réalisations sur le terrain, notamment en Afrique et en Amérique latine, lèveraient cette hypothèque mais personne ne peut raisonnablement attendre de tels résultats d’un président qui, lorsqu’il était à la tête de son pays, avec tous les moyens d’un État à sa disposition, en fait l’usage que l’on sait : économie à terre, écart creusé entre les pauvres et les riches, augmentation de la pauvreté et précaires précipités dans l’indigence, enfin un taux d’inflation qui a plus que doublé en quatre ans d’un mandat catastrophique. A son crédit toutefois : l’institut national des statistiques est maintenant doté d’outils et de procédures de recueil de données et d’analyse tels que plus personne ne conteste ses rapports.