
En mettant en lumière le côté rock'n'roll de ce gandin fin de siècle, successeur du petit crevé, et ancêtre du zazou, il réussit ici à faire le lien entre les petits-maîtres français et les mouvements plus récents dont la plupart sont anglo-saxons. Pour cela, il faut savoir qu'est-ce que la petite-maîtrise, en saisir l'âme... et Laurent est dedans... Pour lui, pas question de rater le train, comme le gommeux un peu dégommé que je présente ensuite...
Dans cette figurine, on retrouve toutes les caractéristiques du gommeux dit " excentrique " de la fin du XIXe siècle. Il met à la mode la cravate moderne, alors très large, et le pantalon à pattes d'éléphant, qui existe donc déjà avant les hippies ! Son chapeau est de style haut de forme, pas très haut, et avec un rebord fin, le plus souvent remontant sur les côtés, au-dessus des oreilles. Il est souvent blondin, frisé et pommadé, avec une raie bien droite dessinée au milieu du crâne. Il porte des vêtements colorés, n'hésitant pas à faire usage de tissus rayés et à carreaux ! Son habit est très ajusté, voire étriqué, à certains endroits, et très ample à d'autres : gilet à coeur et veste très serrée sur la poitrine mais manches très larges, de même que le col et la chemise à grand col aussi. Les chaussures sont parfois pointues. Il porte un monocle (lorgnon), une canne fine avec un pommeau rond et plat, et une montre attachée à une chaîne assez imposante au niveau du bassin. Quand le gommeux n'a pas une grosse cravate, il la remplace par une cravate plus ancienne nouée genre papillon. En période froide, il s'affuble d'un long pardessus (une gâteuse), elle aussi souvent à carreaux et colorée, par exemple verte. Il fréquente le boulevard, les caf'conc, comme l'Alcazar (photographie ci-dessous) ou Les Ambassadeurs. Il a ses auteurs nouveaux, ses paroliers comme Émile Carré et Armand Ben, ce dernier étant aussi un chanteur, comme Libert qui lui se contente de chanter, ses compositeurs comme Tac-Coen, etc.
Pendant des siècles et jusqu'à Charles Trenet, les chansonniers français produisent une quantité phénoménale de nouvelles chansons qui, jusqu'à l'arrivée du tourne-disque, sont chantées dans les bals, les cafés chantants (XVIIIe siècle), les cafés-concerts (XIXe), et que des chanteurs de rue propagent sur les places, dans les rues et dans les cours d'immeubles. Au XIXe siècle, et jusqu'au milieu du XXe, ils vendent en même temps les partitions de ces nouveautés que les gens peuvent ensuite jouer chez eux, et dans des fêtes. Beaucoup de ces partitions ont une première page de couverture illustrant le sujet ou présentant le chanteur dans son rôle. On est dans une ambiance très différente d'aujourd'hui et des concerts avec leur sono. L'atmosphère est alors plus humaine, plus festive aussi.
ÉMILE CARRÉ (1829 - 1892) écrit les paroles de nombreuses " chansonnettes " qui mettent en scène des gommeux, chantées et présentées par Libert, comme L'amant d'Amanda, Je demeure au Vésinet, Les fameux gommeux, J'ai dépouillé ma famille, etc.
La gommeuse et le gommeux, ceux du caf'conc, le dégommé, la gommeuse excentrique et la gommeuse épileptique. On trouvera plusieurs de ces partitions ici et ici.Ci-dessus : Partition de J'ai raté l'train " chansonnette Créée par A. BEN à l'Alcazar " avec des paroles d'Armand Ben et René d'Herville et une musique de Tac-Coen. Le dessin est signé d'Émile Butscha (1847 - 1887).
Photographies ci-dessous : Première page de la partition de Je demeure au Vésinet " Chansonnette Créée par Libert Aux Ambassadeurs ". Les paroles sont d'Émile Carré et la musique de L. A. Dubost. Les Ambassadeurs est un café-concert du XIXe siècle, situé sur les Champs-Élysées à Paris. Le dessin est signé d'Edward Ancourt (1841 -

