Magazine

L’enfant terrible a encore frappé

Publié le 28 juillet 2020 par Paulo Lobo
L’enfant terrible a encore frappéLa porte était fermée de l'intérieur. Et moi j’étais dehors. J'avais de la chance, je pouvais contempler le ciel à loisir, et puis j'avais terminé mon boulot, j'étais libre ou du moins je le pensais.
Dans la rue, il y avait des tas de gens, et chacun tenait à affirmer son individualité en affichant une photo de profil travestie jusque dans ses moindres pixels.Les autorités, sagement assises devant les écrans, s'amusaient à lire le fil de publication de tous ces quidams placés sous contrôle. Il y dégotaient de drôles de choses, certaines passibles d’amende ou de réprimande, d’autres juste bonnes à sourire. Les notes seraient envoyées en toute discrétion par courrier électronique aux fautifs. Il fallait garder tranquilles les eaux de surface. L'important était de maintenir l'ordre et la sécurité.
Je marchais en faisant attention à mon attitude. Je n'avais pas droit à l'erreur. Il fallait respecter les convenances réglementaires. Ne regarder personne droit dans les yeux. Surtout pas les filles, cela me vaudrait une mise à l'index immédiat. Je me consolais en faisant défiler sur mon écran rétinien des images d'anciennes vedettes du cinéma iconiques et embaumées.
(Que faire quand l'existence vous semble morne et tiède? Se dire qu'on a de la chance d'être en vie, d'avoir un salaire et un toit sur la tête. En appliquant la méthode comparative, on trouve toujours plus malheureux que soi à plaindre.)
L'objectif avoué du gouvernement était de mettre sous tutelle la société, d'atomiser les relations humaines et faire en sorte que les gens soient réduits à leur fonction utilitaire. Il fallait dissoudre les liens solidaires traditionnels et les remplacer par une stricte obéissance à l'ordre nouveau. Pour cela, il était vital d'effacer de la mémoire collective tout souvenir affectif et culturel du monde passé. Et si on ne pouvait tout effacer, alors il convenait de pervertir le regard posé sur les générations d'avant et les histoires qu'elles avaient produites.
Le présent seul devait compter dans l'esprit des êtres nouveaux. Le présent et la satisfaction de leurs besoins les plus primitifs et immédiats.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Paulo Lobo 1390 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte