Keisuke Yamagishi est parmi ceux qui comptent à Paris dans la galaxie des chefs pratiquant une cuisine franco-japonaise aussi intelligente que sensible.
La vie renaît doucement, mais tellement fragile encore. Les restaurants ouvrent à nouveau leurs portes mais si prudemment avec toutes ces menaces qui pèsent sur un avenir bien gris. Pourtant, il le faut. Pour eux, pour nous. Ils doivent vivre de nos envies de les retrouver.
Le restaurant Etude, au nom un peu aride, en fait partie et il est dans le panthéon de nos tables favorites.
Le chef Keisuke Yamagishi vient de rouvrir sa table, proche du Trocadéro, avec prudence mais détermination. Il reprend sa proposition de menu-dégustation à midi, et le soir plus complet et plus riche. Les deux sont passionnants. Avec son associé et complice, Jean-Charles Colin directeur de salle, ils se sont imposés une nouvelle épreuve qu’ils respectent à la lettre : n’utiliser des produits cultivés, élevés, affinés, dans un périmètre de 100 kilomètres autour de Paris. Difficile parfois à respecter mais l’exigence de l’excellence est bien là. Pour chaque plat, sous l’énoncé, les producteurs sont identifiés.
Ainsi de ce premier plat du premier menu du déjeuner de ce début septembre. Une Galette de sarrasin, un œuf de pintade posé dessus, et un râpé de tomme de vache fabriquée dans le 78. Bel ensemble à l’œil, rappelant de loin une présentation de crêpe bretonne mais en plus fin, cependant un peu neutre à la dégustation, avec un léger manque d’une saveur qui se détache ou que l’ensemble vous transporte. Un plat agréable malgré cette réserve.
Pour les laitages, les deux compères ont choisi un éleveur de la ferme de la Haute Folie, en Normandie (Santeny). Ils ont eu raison car la saveur du lait est remarquable dans cette glace au lait cru sans sucre ajouté que présente le chef. Un moment de fraicheur étonnamment goûteuse dans sa pureté.
La belle pintade de Thomas, éleveur à Ourcq (Aisne), est d’une qualité exceptionnelle. Le chef la prépare de deux manières. Le blanc en filet, parfaitement cuit et tendre, posé sur une aubergine simplement frite (classique chez les japonais) mais fantastiquement goûteuse, et une sauce au vinaigre de cidre pour gentiment fouetter l’ensemble. Remarquable !
La cuisse est présentée en fricassée dans sa coquelle de cuisson, jus à la bière blonde Pale Ale, des lentilles Beluga, variété canadienne rappelant dans la forme et la couleur les œufs d’esturgeon, et des pommes de terre simplement mais efficacement sautées by the side. Un plat chaleureux, savoureux, et très réussi.
En pré-dessert, ou en tentative d’un mariage salé-sucré, le chef travaille un Gaspacho de quetsches, crumble de drêches (résidus de céréales broyées), concombres, et courgettes jaunes et betteraves. Du monde dans l’assiette qui ne s’était jamais rencontré auparavant mais la proximité et l’alliance semblent fonctionner sans anicroches. Originalité et instinct des mariages étonnants sont au rendez-vous pour un plat passionnant.
La chef pâtissière, Mika Okazawa, propose une simple Tarte aux mirabelles. Simple oui, mais à la pâte sablée exceptionnelle de finesse et à des mirabelles mûres et délicieuses, une crème pâtissière et de la crème fleurette magnifiques pour un dessert d’exception et de bonheur.
L’équipe est en forme. On les sent ravis et plein d’idées pour cette rentrée au sortir du tunnel. Réalisation au cordeau, saveurs pleines et mises en valeur, délicatesse et puissance alternées avec talent, la table Etude est une vraie récréation dans le plaisir de se remettre à la table d’un chef doué et attentif.
14, rue du Bouquet de Longchamp
75116 Paris
Tél : 01 45 05 11 41
www.restaurant-etude.fr
M° : Boissière ou Trocadéro
Fermé samedi midi, dimanche et lundi
Menu Déjeuner : 45 € (4 plats)
Menu Dîner : 86 € (6 plats)