14ème édition de mes citations et extraits littéraires du moment.
Depuis que j’ai commencé, je ne m’en lasse pas et alors que je n’avais absolument pas l’habitude de faire ça, je ne peux désormais plus me passer de mon bloc de post-it lorsque je lis.
C’est un véritable plaisir de repartager ces extraits choisis avec vous. C’est également une bonne façon pour moi de retrouver quand je le souhaite ces belles phrases qui m’ont tant plu (à la façon d’un petit journal de bord). Je peux venir y puiser à volonté pour trouver un peu de motivation ou d’inspiration tout simplement.
Surtout, j’ai l’impression que ces citations vous permettent de découvrir le style des auteur/rices et vous donnent parfois envie de lire les ouvrages dont elles sont tirées, et c’est le plus important.
C’est donc parti pour une nouvelle sélection…
« Certes c’était un bonheur sans remous, un bonheur en sourdine, un bonheur sans éblouissement ni tornade, mais n’est-ce pas cela ce qui porte ce nom ? Cet état qui ne craint rien du lendemain qu’une répétition identique de la félicité ? »
Jean-Louis Croc – « Une taupe @ l’oeil-doux » (mon avis ici)
« En une seconde, que dis-je, en moins encore, quelque chose en moi s’est déployé. Une inclination, le surgissement d’un nouveau moi. Une invasion. Une inondation qui m’a pénétrée par tous les pores. Un élan plus durable, plus définitif, plus instantanément omniprésent que dix-huit ans d’apprentissages, d’algèbre, de versions latines, de savoir-faire, de raisonnements ou même d’attachements. En un mot, je ne le sais pas encore, à moins que peut-être déjà… Mais une aliénation fulgurante vient d’entrer en moi. Une folie telle que, ce garçon me demanderait-il de partir sur le champ au bout du monde avec lui, je ne refuserais probablement pas ».
Jean-Louis Croc – « Une taupe @ l’oeil-doux »
« Étudier pour moi, n’a jamais eu d’autre objectif que s’élever vers les astres, tutoyer Spinoza, savoir reconnaître Rembramdt ou Victor Hugo ; or voilà qu’un garçon de mon âge, visiblement parmi les plus brillants, n’aime les humanités que pour les rendre à la terre, les offrir au peuple ! « Peuple », ce mot qu’il emploie pour se demander, pire de ses craintes, si d’ouvrir trop de livres ne risque pas de l’en éloigner définitivement ».
Jean-Louis Croc – « Une taupe @ l’oeil-doux »
« La vie ? J’ai appris à la tutoyer en m’approchant de la mort. Je flirte avec l’une en pensant à l’autre ».
Mahir Guven – « Grand frère » (mon avis ici)
« La langue de l’immigré, elle s’intègre toujours moins bien que lui ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« La connerie est la richesse la plus équitablement partagée au monde ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« Les kilomètres et la mer suffisent à transformer les coutumes en souvenirs ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« L’oseille n’a pas de couleur, c’est le meilleur rempart contre le racisme »
Mahir Guven – « Grand frère »
« Quand, mes nuits de tempête, mon cœur vacille, que je vais mal, que le monde se fissure, ce cri, il résonne en boucle dans ma tête. Un disque rayé que le diable aurait vissé et cadenassé à une platine. Alors, je reste assis là dans la pénombre. Et j’attends ma lumière ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« La vie, c’est terrible quand on a pas assez de mots, il faut que les autres vous écoutent deux fois plus pour vous comprendre ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« Les règles qui ne s’écrivent pas sont les plus dures à abolir ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« Il s’est assis. J’ai éteint ma clope. Comme deux hommes ni morts, ni vivants, ni morts-vivants, mais mi-morts, mi-vivants ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« J’ai allumé une clope. Même si c’était interdit. Ici, pas le droit de fumer. Pas le droit de faire ceci. Pas le droit de cela. Pas de films. Pas de musique. Les hommes avaient peur de tout. Des autres hommes, des femmes, des amis, des ennemis, du soleil, de Dieu. Alors ils priaient. Des prières, des morts et pas de rires ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« Sur le balcon, ma langue s’est emballée. Trop de mots. Juste quelques mots en trop. Un mot. Un seul mot suffit. Car un mot sera toujours plus puissant qu’une idée. Il en est le véhicule. Moi j’en suis le chauffeur. Sans mot, les idées ne circulent pas. Et Dieu sait que les mots sont puissants, tellement que les idées doivent s’y soumettre. C’est dangereux, les mots. Quelques petites lettres collées les unes aux autres, ça peut nous envoyer en zonz, en enfer ou au paradis ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« Qu’est-ce que c’est grandir ? Faire des choix, en tirer les conséquences ? Qu’est-ce que c’est vieillir ? Comprendre que c’étaient des choix ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« La paix ne s’apprécie qu’avec des combats qui saignent les cœurs ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« L’esprit, c’est comme l’univers, il n’a pas de frontières, on peut l’agrandir sans cesse. Suffit d’inventer et de réinventer, et on peut se créer un monde avec pas grand-chose. Un cahier, un stylo, et un ordinateur ».
Mahir Guven – « Grand frère »
« Il s’est pas trompé. Personne ne se trompe. Il a pris une route. Une simple route. Et il aurait pu en prendre une autre. C’était son choix. A la fin, il se retournera pour découvrir qu’elles mènent toutes à la tombe ou au ciel. Ma plus grande leçon d’humanité, c’est lui ».
Mahir Guven – « Grand frère »
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« Audra avait déjà croisé des flics de sa trempe, des loups des steppes dopés à la hargne qui ne trouvaient l’apaisement que dans les abysses d’une traque ».
Franck Thilliez – « Luca » (mon avis ici)
« Ce qui compte désormais, ce n’est pas que tu te contentes d’exister, mais que tu vives ».
Franck Thilliez – « Luca »
« Nicolas ne se souvient pas avoir regardé une flamme de cette façon, belle et meurtrière telle une gloriosa. Il hésite, il sait, au fond de son coeur, que la guérison doit s’opérer maintenant, que s’il ne va pas au bout de son geste, les angoisses et les cauchemars reviendront comme les vagues en face de lui. La flamme s’impatiente, le calamar l’épie, le vent siffle dans les compartiments humides et obscurs du vestige de guerre. L’instant d’après, des papillons noirs s’envolent et tourbillonnent, et les mots qu’ils emportent sur leurs ailes vont s’accrocher dans le ciel telles de petites étoiles allumées pour l’éternité ».
Franck Thilliez – « Luca »
« L’espoir. La lumière. Des mots d’une force céleste. Avec l’un, on imaginait l’avenir. Avec l’autre, on le bâtissait ».
Franck Thilliez – « Luca »
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« Je crois qu’elle était heureuse que je la reconnaisse comme celle qui relie le passé au présent, la Guadeloupe à Paris, comme une racine souterraine et pleine de vie ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue » (mon avis ici)
« A première vue, la comparaison n’avait rien de séduisant. Mais un minuscule coin dans ma poitrine était secrètement flattée, car si l’on attribuait bien des défauts à ma tante, je percevais une certaine admiration pour celle qui n’avait jamais fait que suivre son désir en cultivant sans regret l’art de la catastrophe ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue »
« Peu à peu, j’étais aspirée par la beauté de la nature, si forte qu’elle vous entrait par tous les orifices, s’emparait de vos sens : rouge violent sur vert foncé, senteur d’amandes en décomposition, haleine salée de la mer, piqûre des fourmis. Je voyais mon père devenir le pilier de son propre père, qui cachait ses larmes lorsqu’au bout d’un mois, nous montions dans la voiture pour retourner à l’aéroport ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue »
« La nuit n’est pas menteuse comme le jour. C’est la nuit que tu peux lire en toi-même comme dans un livre, et voir les autres comme ils sont vraiment ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue »
« Tu ne sais pas ce que j’ai fait de plus stupide. Des choses stupides j’en fais beaucoup, énormément, et j’en ferai encore. Je suis la gardienne des choses stupides. J’en ai en réserve plus que tu ne sauras jamais, d’ailleurs tu ne sais rien de moi, alors ne me dis pas quelle est la chose la plus stupide que j’ai faite, parce que ça voudrait dire que tu me connais, ça voudrait dire que ma vie est une flaque d’eau transparente dans ton verre. C’est ce que tu crois ? Seigneur non, tu ne sais rien, tu ne sais même pas pourquoi je prends le temps de te répondre et te t’expliquer ça. Ce qui est sûr, c’est que toi aussi tu es sur ma longue liste de choses stupides, mais tu n’es même pas en haut de cette liste ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue »
« Là-haut dans le faubourg, c’était un autre carnaval. Plus terrien, plus brut. Les tambours résonnaient comme un appel venu de partout à la fois. Le morne tout entier palpitait. La terre vibrait. Tous les habitants du quartier étaient dehors, à répondre en choeur aux appels du maître ka. Les cercles des tambouyés ouvraient de grands espaces au milieu desquels un danseur ou une danseuse tirés de la foule se tordaient comme une flamme, sautaient, transformaient en poésie un geste tiré du quotidien, puis retournaient à l’anonymat. Des visages méconnaissables, enduits de sirop et de suie, jaillissaient dans le noir. Les enfants dansaient avec la même grâce que les adultes, un air d’exultation sur le visage. Je me suis assis sous le manguier et j’ai continué à écouter, prêt à rester là tout la nuit, illuminé par les feux des flambeaux brandis par des ombres mouvantes. Le père d’Yvan était là, frappant dans ses mains, criant et encourageant les tambours qui semblaient battre un appel traversant les siècles. En bas, le carnaval était démonstratif et de joie pure. Ici, il devenait bête de combat ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue »
« Je comprenais que je devais être aussi libre quelle ; me souvenir sans me retourner sans cesse. C’était finalement le lot et la chance des Antillais, ces passagers perdus qui voyagent sur tous les continents, de New-York à Saint-Louis du Sénégal, de Caracas à Shenzhen. J’apprenais à aimer mon histoire et la matière dont elle était faite ; une succession de violences, de destins liés de force entre eux, de soumissions et de révoltes ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue »
« Les moments que je passe là-bas sont des parenthèses sensuelles où tout prend le relief particulier de la fugacité. Je touche, je goûte, je sens. La plante de mes pieds cuit. Le jour se dérobe sous mes doigts. Je suis assommée par les étoiles ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue »
« En laissant le monde venir à moi, je me suis forgé une conscience ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue »
« Nous avons fait ce que nous avons pu pour nos enfants. Nous avons quitté notre île et nos parents. Rapidement, il n’a plus été question de revenir. Cette banlieue que tu hésites à aimer ou détester a été notre place, l’endroit de l’oubli ou de l’indifférence. Une indifférence libératrice. Nous étions d’accord pur venir ici. Tu peux bien dire que j’ai quitté un nulle part pour un autre nulle part, mais je m’y suis fait. Je marche le long de ce lac artificiel où des joggeurs achèvent leurs parcours de santé dans le soleil rouge. A mon passage, des canards se moquent et des poules d’eau se cachent dans les touffes de roseau. Au loin, les immeubles rosissent dans le poudroiement de lumière. Vers Paris, le ciel s’alourdit d’effluves carboniques. Je n’ai plus mon corps d’enfant, mais pas encore vraiment celui de la vieillesse. Je m’entretiens (…) Bien sûr qu’elle est vide cette banlieue, avec son paysage de science-fiction, ses façades opaque et tout cet aluminium qui renvoie à l’infini les lumières crues de l’hivers huit mois sur douze. C’est de tout cet espace que j’ai besoin, pour loger le sang et les larmes que je ne verse pas ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue »
« Là où j’habite, c’est un endroit précieux. Plein de gens mélangés qui ne se ressemblent pas. Des riches, des pauvres, des jeunes, des vieux. C’est ça que tu aimais près du Sacré-Coeur, pas vrai ? Ce n’est plus tellement ainsi vers la basilique, mais ça revient ailleurs. Mon quartier est toujours en chorale comme ça, plein de vigueur. Je ne pourrais pas vivre autre part que dans un jardin créole. Je tiens ça de toi. On est plus libres quand on est au beau milieu du spectacle du monde ».
Estelle-Sarah Bulle – « Là où les chiens aboient par la queue »
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Alors, quelle est la citation que vous préférez ? Vous avez envie de découvrir un de ces quatre romans ? N’hésitez pas à partager en commentaire vos derniers coups de cœur littéraires.
Crédit photo de couverture : L&T