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Morale et style

Par Jperino @Jonoripe
427e441bf04d3a49dc3e1703ec5cc80c.jpgLà je trouve que Vialatte, qui a écrit ce texte dans la Montagne en 1958, pousse un peu mémé dans les orties. Même en utilisant une brouette ce n'est pas bien ! Non, l'avis des gens qui ont mangé leur grand-mère, des incestueux, des parricides et les tricheurs de l'impôt ne doit pas être plus important que cellui, par exemple, des contempteurs de Didier Raoult, ni de ses thuriféraires d'ailleurs.  "II n'est rien de plus étrange que l'homme : il va demander des leçons de morale aux écrivains ! Lui qui n'achèterait pas ses souliers chez le coiffeur ou son chapeau chez le mar­chand de bicyclettes, il s'adresse à un marchand de phrases pour apprendre comment se conduire dans la vie ! Or l'écri­vain commence au style, ou à la prétention au style, et il finit exactement au même endroit. Il n'y a pas plus de morale de l'art que de la brouette ou du fer à repasser. Il y a en revanche une morale de l'artiste. Mais on n'a pas plus de chance de la trouver chez lui que chez le fabricant de brouette, fût-elle à frein sur jante, ou de fer à repasser, fût-­il à marche arrière. Il se peut qu'en vous vendant son précieux véhicule le fabricant de brouettes scrupuleux vous exhorte à ne pas faire trop de vitesse, à ne pas brûler les feux rouges, à ne pas écraser les piétons, bref vous donne mille conseils moraux. Il se peut aussi que l'écrivain vous engage à offrir votre place aux dames âgées et à ne dire du mal de vos meilleurs amis que lorsqu'ils ne peuvent vous entendre. Mais c'est hasard, dans un cas comme dans l'autre; du moins n'est-ce pas obligatoire. Ce qu'il faut demander au marchand de brouettes c'est de la brouette, à l'homme de lettres c'est du style. Le reste est chimère et confusion. Pour la morale on n'a qu'à s'adresser à des spécialistes locaux. On peut trouver dans tout arrondissement des vieillards chenus et modestes, avec du poil dans les oreilles, qui ont élevé trente enfants, sauvé trois cents personnes, pêché cinquante ans la sardine (dans des endroits où l'esprit de la Mer mugit comme un troupeau de taureaux au fond d'entonnoirs de vingt mètres) ou confessé trente ans et par cinquante à l'ombre, des gens qui ont mangé leur grand-mère, des incestueux, des parricides et même des tricheurs de l'impôt. Ils savent tout. Leur accent rocailleux prévient en faveur de leur thèse. Leur savoir ­faire universel inspire confiance. Leur instinct ne les trompe pas : ils vont au Beaujolais. Adressons-nous à eux. Mais à des écrivains ? ... Pourquoi ? ... 

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