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(Note de lecture), Nathan Katz, La petite chambre qui donnait sur la potence, par Isabelle Baladine Howald

Par Florence Trocmé


La première fleur éclose de Nathan Katz est un livre

Nathan Katz  la petite chambre qui donnait sur la potence
Un livre bien émouvant, de toute première jeunesse, vient de paraître chez Arfuyen. En effet, il s’agit des premiers écrits de Nathan Katz, poète français de langue allemande (né en Alsace en 1892, à l’une des époques où l’Alsace était sous annexion allemande), La Petite chambre qui donnait sur la potence.
Interné très tôt dans un camp de prisonniers de Nijni-Novgorod, après avoir été envoyé sur le front de l’Est, dans des conditions heureusement à peu près supportables, Nathan Katz dispose, avec d’autres, d’une petite chambre. Par la fenêtre il voit le jardin, et dans ce jardin une potence. Celle-ci sera comme une boussole, son Nord lui indiquant le sens de la vie, si profondément ancré en lui, fut-ce à partir de cette potence.
Ce n’est pas encore le grand poète qu’il fut plus tard (les Œuvres poétiques ainsi qu’Annele Balthazar, sa célèbre pièce, ont été publiées par Arfuyen), mais tout est en germe.
Initié tôt à la littérature, il écrit pour lui, vers les autres. Toute expérience, quelle qu’elle soit, le sert dans son évolution vers la maturité de sa joie, si l’on peut dire…
En cela, les préfaces de Yolande Siebert et Jean-Paul Sorg sont indispensables à l’introduction de cette poésie portée à la spiritualité, qui mettent en avant ce souci de l’autre, cette « morale du travail » dit Jean-Paul Sorg et son goût certain vers l’élévation intérieure. La traduction de Jean-Louis Spieser est extrêmement proche des vers allemands (quel bonheur que ces éditions bilingues, avec préfaces et notice, trop rares en France).
Alternant poèmes et petites proses (sur le quotidien au camp, l’ennui autant que la camaraderie, les conditions de vie si précaires), le livre porte son propre rythme.
« J’ai toujours respecté cet état de tristesse » dit Nathan Katz au sujet de son ami mort quelques temps plus tard, laissant de menus objets témoignant d’une exigence si passagère et des brouillons de lettres d’amour déchirants comme il y en eut tant lors de la
Grande Guerre. Toutefois cette sensibilité n’affecte pas une incroyable force de vie, un amour passionné de la nature, une foi passionnée en l’avenir. Interné il écrit : « J’aimerais bien savoir qui pourrait m’empêcher d’être libre ici, dans un camp de prisonniers, entouré de hauts murs certes, mais où le soleil brille dans la cour.
Dans une petite chambre qui donne sur la potence, mais dont les murs regorgent de lumière et de clarté chaleureuse !
En fait, je suis très, très insouciant.
Mais je ne vois pas du tout pourquoi il devrait en être autrement ! »

On se dira que quand même, il faut le faire, l’écrire et surtout l’être !
Plus tard Nathan Katz sera plus mesuré mais restera cet ancrage profond dans la vie, la terre, et son Alsace.
Mais dès ce jeune âge :

« J’en ai eu, je n’en ai su comment/un moral si enjoué./déjà étincelait au bord de la route/la première fleur éclose./Rends-toi compte mon cœur:/la première fleur éclose. »

Si simple cela soit-il, c’est le lien direct et secret de quelqu’un avec son enfance, ce regard sur la première beauté. Si simple le premier amour : « D’autres peuvent être parées d’or,/c’est toi que je préfère,/toi couronne de mon cœur,/dans ta simple robe. »
Simplicité de la langue comme des sentiments, ici rien de tourmenté ou de malheureux malgré les circonstances. Même la tempête signifie l’allégresse, même le brouillard porte de la douceur, mêmes ces travaux stupides des camps, travaux qui ne servent à rien qu’à briser les êtres, parviennent à transcender ce jeune homme bien étonnant.
Ce n’est que bien tard, après avoir beaucoup voyagé, que Nathan Katz revient dans son Alsace natale, qui lui était si chère.
Il mourut en février 1981, le hasard fut que déjà bien passionnée de poésie, j’allai le voir très peu de temps avant ce départ, lui que je ne connaissais pas et que pourtant je n’ai jamais oublié.

« Blanc et nu repose le matin sur le monde !/Blanche et nue repose mon âme, offerte/dans le matin sauvage ! »

Isabelle Baladine Howald
Nathan Katz, La Petite chambre qui donnait sur la potence,  Arfuyen, 2020, 16€,  163 p



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