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Qu’est-ce que l’expérience client et comment l’utiliser pour faire la différence sur son marché ? Interview Carole Peytavin

Publié le 28 septembre 2020 par Frederic Canevet @conseilsmkg
Qu’est-ce que l’expérience client et comment l’utiliser pour faire la différence sur son marché ? Interview Carole Peytavin

Qu'est-ce que l'expérience client et comment l'utiliser pour faire la différence sur son marché ? Voici ce que vous allez apprendre via cette interview de Directrice de l'Expérience Client.

Pourriez vous vous présenter en quelques mots ?

Mon métier aujourd'hui (je peux même parler de passion), c'est : l'expérience client !

Je suis diplômée Dauphine et de l'IMD Lausanne.

Mon parcours professionnel aérien en France et à l'international avec comme fil rouge : le Client, L'Innovation, la conduite du changement et la transformation.

Mon parcours chez Air France fut riche de belles réalisations : la carte co-brandée Air France-American Express, l'uniforme créée par Christian Lacroix, le produit premium Economy, le service exclusif La Première, le service SkyPriority.

Je me suis ensuite occupée de la transformation du parcours sol en digitalisant le service et en repensant les métiers et le rôle de l'Humain dans un contexte de réduction d'effectifs.

Parallèlement j'ai lancé une nouvelle offre pour restaurer la rentabilité du réseau moyen-courrier, attaqué par les low-cost.

Puis en tant que Directrice expérience Client , j'ai eu la charge de définir l'expérience client sur tout le parcours client et tous les points de contacts avec une responsabilité première sur l'expérience sol (les salons) et vol (les cabines, le service envol).

J'ai eu l'occasion de partir pour de nouvelles aventures, et mettre au service d'autres sociétés ce que j'ai appris dans cette belle entreprise qu'est Air France- KLM.

Ma conviction centrale est l'importance de l'humain dans un entreprise de service, tout particulièrement lors des moments de vérité, pour faire la différence.

L'émotion, l'empathie peuvent relier les hommes et femmes, et matérialiser le fait que l'on propose un produit ou un service unique sur le marché.

Or à ce jour, je reste persuadée qu'au quotidien, seuls les femmes et les hommes peuvent créer ce "Wow Effect".

Pourtant la culture d'entreprise peut être est loin de cet idéal "customer centric ".

D'où la nécessité de faire évoluer les mentalités et la culture d'entreprise (ainsi que les outils et process). C'est pour moi un des rôles clés du Responsable de l'Expérience Client, en tant que catalyseur de cette démarche.

Si les outils peuvent évoluer rapidement, pour les collaborateurs, le chemin peut parfois être long et ardu, car cela nécessite de changer de posture : apprendre les différences, le respect des clients, de leur culture, savoir s'adapter à chacun...

Et s'agissant de l'aérien, le faire en toute sécurité.

Pour vous, qu'est-ce que l'expérience client ?

Derrière " " on trouve beaucoup de choses...

Je commencerais par rappeler que l'Expérience Client est la perception de l'entreprise par son client, avec une dette ou une créance d'expérience, en répondant à une équation simple : les attentes - le service rendu x émotion.

Ainsi, avant même de parler "d'effet WOW", il faut déjà répondre aux attentes essentielles (offrir ce que l'on a promis), et fluidifier le .

Ces prérequis étant affirmés, l'Expérience Client est pour moi une démarche, une façon de penser en intégrant au coeur des décisions de l'entreprise l'Humain : à la fois Client et Collaborateur.

Un " ying & yang ".

1 - Puissant outil d'analyse de la valeur

En partant de l'expérience client, on pose la question au client de ce qui est important pour lui, ce qui fait sens et ce qui ne fait pas sens.

3 remarques à ce propos :

    Plusieurs outils permettent de comprendre les besoins, attentes client, satisfaction, appréciation.
    • Il faut également utiliser les outils très ouverts (pas de questionnaire aux questions prédéterminées par l'entreprise) et analyser les verbatims.
    • Ils offrent un faisceau d'éclairages pour bâtir un plan d'actions efficace.
    L'expérience client n'est pas " enchantement client " ou plutôt " pas que ".
    • Tout dans une expérience n'est pas vecteur d'enchantement, ni de " satisfaction ".
    • Quand vous vous déplacez pour aller travailler par exemple, vous voulez de la fiabilité (pas de panne, d'incident).
    • De la propreté aussi.
    • Et si vous avez cela, vous êtes très satisfait.
    • Côté entreprise, réaliser tout cela chaque jour est un vrai défi. 80% des efforts au service de l'expérience client correspondent au " standard ", au minimum implicitement attendu, au basique, et qui ne fait pas l'objet d'une reconnaissance par le client.
    • En revanche, si ce basique n'est pas au rendez-vous, c'est le désenchantement total !
    • Par exemple, un client dit rarement " merci " quand un avion, un train part à l'heure, mais se fait entendre en cas de retard. Or une énergie collective énorme est mise par une entreprise de transport pour partir et arriver à l'heure ! D'où l'importance de ne jamais sur-promettre.
    On ne parle pas seulement satisfaction client.
    • Plus que jamais, dans la période dans laquelle nous entrons, il sera important de savoir si non seulement un client est satisfait mais aussi, surtout, si la valeur qu'on pense offrir est bien reconnue et évaluée comme telle.
    • Car l'adéquation entre les valeurs des clients et la valeur du produit/service/entreprise va selon moi être croissant voire capital.
    • Derrière le mot valeur : les 2 sens : le prix mais aussi les convictions, le sens.
    • On observe une tendance des consommateurs à orienter leurs achats vers des entreprises dont ils partagent les valeurs.

Il faut donc partir de ce qui est important et fait sens pour le client via une analyse de la valeur (réelle et perçue). Cette analyse est largement diffusée dans l'industrie mais moins pratiquée dans les services.

Elle permet de mettre l'humain au cœur des arbitrages.

Et contrairement aux idées reçues, elle n'est pas antinomique avec rentabilité, logique de marges financières, bien au contraire !

On entend souvent la question :" Que rapporte l'expérience client ?".

Question légitime posée par des entreprises qui n'y investiront pas par manque d'indicateurs financiers et de ROI.

Le client dit ce qui est important pour lui mais aussi ce qui ne l'est pas.

Cela permet de se poser la question : si cela ne fait pas ou peu sens pour le client, pouvons-nous simplifier ? ne plus faire ? faire différemment ?

Cela dégage des marges de manoeuvres financières (baisser les coûts, réinvestir là où c'est important) sans dommage pour le client.

C'est gagnant-gagnant, et cela permet de créer de la valeur là où c'est important, sans sur-qualité inutile là où cela ne l'est pas.

Voici un exemple tiré de mon expérience : le service du champagne à bord d'Air France.

Cette compagnie est la seule à offrir du champagne aux clients de la cabine Economy, qui est la norme en cabine Business.

Il était offert selon 2 design de service à bord fonction de l'horaire : une avec une phase apéritif distincte (" l'apéro " sacré des Français !) et l'autre regroupée avec le repas.

Deux méthodes de travail pour les personnels, 2 processus opérationnels et logistiques.

Quand nous leur avons posé la question, les clients nous ont dit que tant que le champagne restait offert, le reste n'importait pas. Nous avons donc simplifié : un seul design de service !

Plus simple pour les collaborateurs et les services opérationnels, moins cher pour l'entreprise et, côté client, une perception améliorée de régularité dans le service car, toujours et partout, pareil.

2 - L'expérience client 360°, une démarche transverse qui casse véritablement les silos au service de la valeur ajoutée.

Tout n'est pas affaire d'investissements exorbitants, d'expérience révolutionnaire...

Il faut plutôt que l'ensemble de l'entreprise soit orientée client, et que toutes les fonctions soient guidées par ce principe : comment faire pour mieux satisfaire le client tout en étant et restant rentable.

La seule unité de compte commune à tous les métiers d'une entreprise de service, c'est le client !

D'où l'importance de créer un langage commun pour définir ensemble et construire ensemble l'offre de l'entreprise.

Qui fédère.

Dans des grandes structures, qui peuvent avoir des difficultés à mobiliser et faire travailler ensemble plusieurs métiers, mais aussi dans les plus petites, l'expérience client est une démarche qui permet de dépasser les différences.

Et au-delà de l'enjeu culturel ou d'efficacité, c'est aussi le moyen d'arbitrages budgétaires.

Enlever du budget X pour mettre sur budget Y en conservant l'accord de tous et la responsabilisation budgétaire de chacun.

On part du client pour examiner un process opérationnel complet, donc transverse, le faire évoluer (simplifier, transformer, supprimer).

Et pour innover radicalement, changer ou adapter son business model.

Cette analyse de la valeur est indispensable : faire moins ou à moins cher lorsque cela n'a pas ou peu de valeur pour le client, au contraire investir sur ce qui est important

Je pourrais citer la mutation du service au sol des compagnies aériennes.

Qui s'imagine, comme auparavant, faire la queue à l'aéroport pour obtenir sa carte d'embarquement ?

Le digital permet de choisir son siège et de partir de la maison avec ce précieux document dans son téléphone portable.

Avec des personnels recentrés sur l'accueil et l'assistance pour les demandes plus complexes. Performance économique et performance client se conjuguent.

3- Ying & yang : en miroir du " customer journey " parcours client : un " employee journey ", parcours collaborateur et un " operation journey ", parcours " opérationnel ".

En anglais, on parle "d'exécution", même si ce terme est un peu martial, c'est important de faire en sorte que ce que l'on promet arrivera vraiment, pour cela la clé est d'avoir une parfaite compréhension des enjeux et de la vision par le personnel et collaborateurs de l'entreprise.

Mettre en regard du parcours client, ce deuxième miroir qu'est le parcours " opérations " : comment le service est-il rendu ou produit ? quels processus ?

Sachant, que les personnes les plus à même de vous renseigner sur ce qu'il faut améliorer dans les parcours clients sont les collaborateurs.

C'est le 3ème miroir : le parcours collaborateur. Celui qui concerne la façon dont se passe son travail au quotidien.

C'est-à-dire évaluer le parcours client côté collaborateur, avec les moments où cela va bien ou mal, les moments où il se sent à l'aise ou pas, et mettre cette vision en miroir avec l'expérience vécue par le client (la "symétrie des attentions " de l'Académie du Service) pour y repérer les points de dissonances, les points d'accord, et identifier les chantiers prioritaires.

En général, si le client exprime une insatisfaction, ce qui ne va pas pour lui, ses " pain points " ou " cailloux dans la chaussure ", vous trouverez très souvent les mêmes côté entreprise ou collaborateurs.

Nous pourrions revenir à l'exemple de la fiabilité qui, dans les transports, facteur d'insatisfaction et non de satisfaction.

Résoudre ce problème client, c'est aussi résoudre un problème opérationnel et économique de l'entreprise, et un problème récurrent du travail des collaborateurs.

L'expérience client se révèle être outil de management : en supprimant cet irritant client, on travaille également à créer un réel engagement des collaborateurs.

C'est cet engagement qui est capable de faire connaitre au client un " wow effect ".

Je dis souvent que si un des enjeux du e-commerce est la maitrise du dernier " mile ", du dernier kilomètre, dans l'univers des services, c'est le dernier " smile ", le sourire qui ne répond à aucun process, l'attention et l'empathie authentiques et généreuses et qui peuvent transformer un problème et moment positivement mémorable pour un client.

La fonction RH peut devenir partie prenante : développement de carrière, formation, démarche managériale, l'autonomie des collaborateurs ... autant de champs d'action où le client devient aussi la finalité et l'objectif de ces démarches.

Pour que les collaborateurs aient en permanence envie de satisfaire/ enchanter les clients, il faut qu'ils soient eux-mêmes " nourris ", " ré-énergisés " par leur management/ leur entreprise.

On peut parler ici de l'enjeu de l'éthique du Care dans le management ; les premiers à formaliser furent des américains.

En miroir du " care ", du soin et de l'attention apportée à ses clients, le même care, soin et attention pour ses collaborateurs.

Dans des entreprises de tradition pyramidale, ce changement culturel peut représenter un véritable défi, mais en rien inaccessible.

On voit là l'illustration de cette démarche transversale avec un triple gagnant : le client, l'entreprise, le collaborateur.

Quels conseils donneriez-vous pour faire évoluer l'Expérience Client ?

Audace et Humilité, les piliers pour faire évoluer l'Expérience Client

Je me garderai bien de donner des conseils.

Chaque secteur, chaque entreprise a ses particularités et spécificités.

Dans cette période inédite, beaucoup de nos anciennes recettes devront être complètement repensées.

Et c'est le sujet sur lequel je travaille actuellement avec des spécialistes !

Et pour mener cette réflexion, je prônerais deux valeurs : l'Audace et l'Humilité.

  • Audace : car il va falloir imaginer, entreprendre, proposer des évolutions et des révolutions dans un contexte où le Client se pose beaucoup de questions, ne sait peut-être pas dire avec certitude ce qu'il veut, ce qui est important dorénavant pour lui, ce que seront ses paramètres de décision.
    • Il saura peut-être mieux dire ce qu'il ne veut plus.
    • Il va donc falloir, essayer, expérimenter, tester avec beaucoup moins de certitudes qu'avant.
    • Car, les paramètres des modèles d'hier n'opèrent plus nécessairement aussi efficacement.
  • Humilité : car il faudra accepter d'apprendre à de se tromper.
    • On ne pourra pas tout maitriser au démarrage mais il conviendra de garder le contrôle pour dire " stop ou encore ".
    • Pas facile dans nos sociétés, focalisées sur le contrôle qui, légitimement parfois, n'aiment pas le risque.
Une démarche " Test and learn ".

Il ne s'agit pas seulement d'agilité, valeur qui se trouve souvent derrière cette expression.

Mais d'un nouvel apprentissage avec des clients, consommateurs, collaborateurs, citoyens dont les besoins et les attentes ont changé ou changent.

Personne n'aime marcher dans le brouillard.

Pourtant, nous allons devoir apprendre.

Pas à pas, avec une capacité permanente à évaluer et se remettre en question.

Deux valeurs donc avec un principe clef : ne pas dissocier conception et exécution mais associer très tôt, en amont et au plus au plus près du terrain, clients et collaborateurs à la conception détaillée d'une service, d'un produit...

Gagner en pertinence, en efficacité et en temps.

Je répondrai avec ...humilité.

Il y a un besoin de se réinventer.

Le voyage, c'est du rêve. Un peu comme le luxe.

Mais faisons-nous aujourd'hui les mêmes rêves qu'hier ? et demain ?

Un autre tourisme car celui dit de masse pose question.

Plus responsable de son environnement, des villes, des gens qui y vivent. Un tourisme de plus grande proximité humaine.

Formidable opportunité, comme je l'ai entendu dire par les acteurs de ce secteur.

Formidable opportunité aussi pour chacun de nous.

Le voyage peut être au coin de la rue.

Je suis parisienne, francilienne. Je serais curieuse de savoir par exemple qui, parmi les franciliens, est allé visiter Versailles pour la dernière fois ?

...

Versailles fait pourtant rêver le monde entier.

Sûrement une occasion de (re)découvrir nos territoires.

Vous voulez en savoir plus ?

Vous pouvez contacter Carole Peytavin via


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