Ça y est, j'y suis. Aussi peu probable que ça semblait l'être, fin août, je suis forcé en télétravail.
Et c'est plusieurs voeux exaucés.
Mais comment est-ce possible, Jones, tu répares, livre, reprend des bacs de recyclages, compost et poubelles? Tu es considéré comme un service essentiel.
Commençons par le début. Fin août, notre entreprise fait une sorte de fête à Québec, où se trouve notre bureau chef. On a réservé des chambres pour nous à l'hôtel, on nous paiera le souper, les équipes de Québec et de Montréal trinqueront ensemble et patati et patata. Pour se rendre à Québec, on se mobilise, les membres de l'équipe de Montréal dont je suis s'organisent pour se rendre à Québec en co-voiturage. J'en suis. Il est entendu dès le lundi d'avant que je monterai avec Greta Barnak. Une femme vulgaire qui travaille dans nos bureaux. Comme ma conjointe et le reste de ma famille viendra aussi à Québec ce week-end là, mais plus tard, je n'aurai pas besoin d'un même voyage en sa compagnie. Le mal me semble moindre. Je ne pouvais pas m'organiser autrement, je suis toujours le premier parti le matin et le dernier arrivé, je ne croise pratiquement personne, c'est l'arrangement que j'ai trouvé.
Mais ce vendredi-là, je n'ai pas de nouvelles de Greta. Je lui demande, à quelle heure elle s'attend à me voir au bureau pour qu'on parte ensemble. Par texto. Elle me répond d'appeler mon boss. Qui lui, n'y sera pas à la fête de Québec, car il avait un empêchement à l'extérieur, de longue date, déjà prévu. Je l'appelle tout de même sans comprendre, mais comme anticipé, il ne répond pas. Je redemande à Greta "Pourquoi? tu vas toujours à Québec? à quelle heure?" Elle me répondra, en anglais, comme voulant se détacher de sa propre phrase, qu'elle a été limogé la veille.
Duh! Pour faire une longue histoire courte, je m'organise autrement pour m'y rendre mais ma visite au rassemblement de Québec devient politique et j'en profiterai pour leur rappeler que j'avais déjà mentionné que je ne voulais plus faire de la route. Que le travail que fait Greta, j'en avais aussi les habiletés. Que je pourrais être un de ses assistants, et beaucoup plus, maintenant.
Ça fonctionnera. Depuis trois semaines, je suis formé à faire ce qu'elle faisait au bureau. La compagnie, extrêmement mal organisée m'envoie encore sur la route de temps à autre, je l'apprends trop souvent à la dernière minute, mais plus les semaines avancent, plus je suis bureau. Et je perds ainsi mon vendredi à la maison. Ce qui est un important deuil, puisque jusqu'à maintenant, je défonce encore mes heures en surtemps, puisque je fais toujours, au moins, une journée de route. (je dois aussi évaluer tous les abus qu'on tente de domper dans ma cour puisque ma nouvelle description de tâche n'est pas encore claire, mais ça c'est une autre histoire).
Mercredi dernier était ma journée de route. La plus difficile de toutes les routes on me la réservait toujours et mercredi était (doit) être mon chant du cygne. Il s'agit de la seule ville où on est accompagné d'un employé de la ville, ce qui comporte autant d'avantages que d'inconvénients. Avant la pandémie, cette personne était à nos côtés pendant la journée, dans le camion. Depuis, ils sont dans une voiture électrique qui nous suit. Et on se rejoint dehors pour travailler ensemble. C'est ce qu'on a fait G. et moi, la semaine dernière.
Je ne connaissais pas le nom de famille de G. J'ai appris, vendredi dernier. 16h que son nom de famille pouvait être LaCovid. Il a été diagnostiqué covipositif, la ville nous l'as appris et a signalé que comme j'avais travaillé avec lui, je devais probablement aussi être retiré. Ce que je suis, depuis lundi.
Mon patron m'appelait sur le chemin du retour du travail vendredi pour m'annoncer "la mauvaise nouvelle". Qui allait me faire jubiler. Je serai toujours payé par mon employeur, mais chez moi. Pour les 14 prochains jours.
Dès que j'ai su la chose, je me suis rendu pour me faire tester. Une expérience fort désagréable. Après une attente raisonnable, en voiture, où j'ai avancé quelques chapitres de mon divertissant livre, je suis entré dans l'aréna, toujours en voiture, et sans jamais la quitter, on a pris un échantillon de ma salive au fond de ma langue me faisant faire "Ha!"
"Monsieur, vous faussez un peu" m'a dit la gentille demoiselle. Elles doivent alléger la tension que cause tous ses bouleversements nouveaux, j'ai souri. La suite était plus intintérressante. Une longue tige allait me passer par le narine gauche, jusqu'au fond du palet, un chemin que rien au monde n'avait emprunté généralement dans nos vies. Ça défait d'abord l'imagination. Mais aussi, ça chatouille en diable! Je crois avoir dit à voix haute quelque chose comme "Godmotherfuck!". Ça dure 10 secondes qui paraissent très longues.
Je suis, depuis, "forcé" d'en attendre les résultats. Ma job m'a dit que je devrais "travailler" de chez moi pour peut-être les 14 prochains jours. On m'a dit que les résultats arriveraient entre 2 et 7 jours (ce sera 7, believe me, et j'ai gagné une journée en disant au travail que j'avais passé le test, samedi).
La job m'a appelé lundi matin pour me dire qu'on viendrait me porter mon ordinateur. Ce qu'ils ont fait. J'ai pris la journée entière pour installer tout ça.
J'ai aussi préparé ma semaine avec les visionnements prochains de Miller's Crossing, It's Murder!, Evil Dead II, Army Of Darkness, Secret Honor, bien des curiosités à vous jaser, un livre à finir et un autre à entamer, bien du tapis roulant qu'on vient tout juste de se munir.
Ma vraie semaine, se trouve là.
La liberté, c'est prendre le contrôle de son temps.