Magazine Musique

Magda’s digest du Festival d’Athènes 2008

Publié le 12 juillet 2008 par Magda

Magda’s digest du Festival d’Athènes 2008

J. en mode hippie devant la salle de spectacle la plus chic d’Athènes, l’Odeon d’Hérode Atticus

Il est temps que je vous parle un peu du Festival d’Athènes, première raison de mon voyage grec ces quinze derniers jours.

Le Festival d’Athènes-Epidaure invite des productions internationales de théâtre, opéra, musique et danse, majoritairement européennes, à se présenter dans onze salles de spectacles extrêmement diverses, disséminées dans la capitale grecque - depuis l’ancienne usine détournée et théâtre, comme le Peiraos 260, au gigantesque opéra illégal (le Mégaron) construit par un milliardaire local - ainsi que dans les deux théâtres antiques d’Epidaure en plein air.

J’ai été déçue par le travail de Matthias Langhoff, célèbre disciple brechtien s’il en est, sur le texte Philoctet d’Heiner Müller. L’ancien provocateur est-allemand a figé son travail dans une laideur scénographique inquiétante ; et l’utilisation de la vidéo pour illustrer un paysage marin (vagues fouettant un rocher et cris de mouettes imbéciles) était plus que maladroite. Au bout d’une heure, je m’éclipse, morte d’ennui, pour regagner Epidaure où cinq femmes outre-fardées, assises sur la terrasse d’un café Internet, me proposent dans un anglais approximatif de “travailler cinq nuits dans le club pour leurs clients du festival”. Expérience déroutante.

Dans le grand théâtre antique d’Epidaure, lieu d’une grande beauté, j’assiste en revanche avec bonheur à la performance hilarante et émouvante de l’actrice britannique Fiona Shaw, enterrée jusqu’au cou dans une montagne de pierres et débitant jouissivement Oh les beaux jours de Beckett. Beau travail de la metteur en scène anglaise Deborah Warner - quoique parfois un peu statique, mais comment voulez-vous faire, avec une comédienne au corps immobilisé dans le décor?

Dans une ancienne usine athénienne, la jeune troupe grecque d’Aspasia Kralli interprète le mythe d’Oedipe dans un spectacle entièrement muet appelé Seeking Oedipus, proche du mime. Un peu illustratif, et pas forcément la tasse de thé d’une amoureuse des mots comme moi, mais je salue la formidable performance des acteurs.

Revenant d’une journée de combattante-hippie en bandana et minijupe en jean lacérée par les ronces sur une île sauvage près d’Athènes, j’assiste au récital de chant de la grande cantatrice Renée Fleming donné au pied de l’Acropole. Son interprétation de Manon Lescaut de Puccini laisse des larmes aux pieds des spectateurs, dans la poussière athénienne. Vêtue d’une gigantesque robe de soie ivoire, la Fleming prouve qu’en dépit de son âge, sa voix de rossignol reste presque intacte. Parfois légèrement affaiblie, parfois plus granuleuse, mais d’une couleur émotionnelle toujours incomparable.

Mais c’est à Thomas Ostermeier, le grand metteur en scène berlinois, que revient la palme du génie. Si son Cat on a hot tin roof d’après Tenessee Williams, présenté également à Athènes, m’a séduite sans me convaincre, son Hamlet de Shakespeare mérite une couronne de lauriers en or. Coup de maître! Ostermeier prend la tragédie à bras le corps, sans la moindre once de pathos. La fonction essentielle du grand genre théâtral par excellence est bien là : Hamlet n’est que pure catharsis. L’Hamlet d’Ostermeier est un véritable idiot du village désarticulé, pur dans sa bêtise première, dans son “manque de couilles”; adolescent éternel qui meurt de n’avoir pas su venger le régicide. La quotidienneté du jeu des acteurs et le chaos interne des personnages créent une ambiance unique, comme si le spectateur assistait aux menues engueulades d’une simple famille riche - nous sommes peut-être là chez des mafieux russes, ou des italiens énervés. Ecartelé entre l’envie de rire de ces personnages aberrants, et l’effroi de la tragédie, le spectateur ne sait plus sur quel pied danser. Et c’est tant mieux. Hameçonné à la scène, on regarde les deux heures quarante du spectacle d’Ostermeier avec une fascination rare. La vidéo y est utilisée avec une grande intelligence : Hamlet filme tout ce qu’il voit et ses images sont projetées en direct sur un grand rideau métallique. Lui, le prince trop pur, l’incapable, contemple et enregistre les horreurs du monde (inceste, mensonge, fratricide) comme s’il ne pouvait pas croire à leur existence si elles n’étaient pas fixées sur l’écran.

Quant au Songe d’une nuit d’été adapté en opéra par Benjamin Britten, il pesait bien plus, à mon sens, par sa formidable composition musicale que par sa mise en scène gnangnan - pourquoi fait-on toujours jouer les comédies de Shakespeare avec tant de farce outrancière, avec des lutins qui tirent la langue et des mines effarouchées pour les jeunes premières?

Donc, chers amis lecteurs, voici le Magda’s digest du Festival d’Athènes 2008 : ne ratez, sous aucun prétexte, le Hamlet d’Ostermeier s’il est donné en France ; riez devant Oh les beaux jours de Deborah Warner (metteur en scène souvent invitée sur les scènes parisiennes) et continuez à vous offrir du miel pour les oreilles avec les disques de la sublimissime Renee Fleming.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Magda 59 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog

Magazine