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La p’tite histoire des coquelicots · 1/2

Publié le 21 octobre 2020 par Fabrice @poirpom

L'aut' jour, mon pote m'a dit que la cousine de sa voisine, elle casse des noix avec son trou d'balles. J'te promets. Y m'a dit qu'il l'avait vu faire la dernière fois.

À peu de choses près, il s'agit là d'une légende urbaine. Une histoire qui, grâce au bouche-à-oreille, se répand et gagne du crédit du fait même de cette expansion. D'après les folkloristes et anthropologues de la communication qui se penchent sur ce phénomène, il n'est cependant pas exclu que, derrière toute histoire de ce type, se cache une vérité sous-jacente.

Star system

La foule agglutinée à l'entrée applaudit à tout va dès qu'un homme en costume de pingouin ou une femme déguisée en tulipe passe par là. Les sourires se figent, les flashs crépitent, la magie opère. Parmi les costumés gominés du soir, il y a Marlene Dietrich. Et Leo Spitz, un grand ponte de RKO Pictures, société de distribution de films états-unienne.

La p’tite histoire des coquelicots · 1/2

Nous sommes le 21 décembre 1937, il est 20 heures. De leur côté, le Père Noël et le Père Fouettard, les pieds dans des bains d'eau salée, préparent tranquillement leur soirée du 24. Mais là, au Carthay Circle Theater d'Hollywood, a lieu la présentation officielle de Blanche Neige et les Sept Nains, le premier long-métrage d'animation des Studios Disney. Réalisé par David Hand qui, trois ans plus tard, réalisera Bambi. Le grand Walt est là en personne. Ce soir, il est ravi bien sûr. Son bébé est présenté au Monde. Ce putain de mouflet a mis six ans à voir le jour.

Tu parles d'une grossesse.

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Trois ans de préparation, trois ans de production. Plus de 700 personnes ont travaillé, en roulement, jour et nuit, pour accoucher de la grande pimbêche et des nabots. 800 kilomètres de papier pour en venir à bout. Des centaines de litres de peinture et d'encre.

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Alors ce soir, Walt est ravi. Bien sûr. Mais il a le cul serré comme celui d'une poule constipée. Il a du mal à cacher le sourire douloureux lui déformant le visage. Même devant les caméras. Parce qu'en cet instant précis, il en est pour un million et demi de dollars de sa poche. Le 21 décembre 1937, cette somme représente une PUTAIN DE FORTUNE, BORDEL. Un gouffre sans fond. Une balle tirée dans le pied d'un marathonien qui, quoi qu'il en coûte, doit continuer à courir.

La p’tite histoire des coquelicots · 1/2

Quand la compta s'en mêle

C'est exactement ce que Disney va faire: continuer à courir. Droit dans le mur. D'une certaine façon. Disney prend goût à ces grosses machines, humainement, techniquement et financièrement lourdes. En 1940: Pinocchio & Fantasia. Pour chacun d'eux, budget de Blanche-Neige doublé. En 41: Dumbo. En 42: Bambi (échec commercial à sa sortie).

Le personnel des Studios a certes pu parfaire sa technique au cours de cette période faste. Toutes les techniques. Mais, après quelques long-métrages clinquants, coûteux et aléatoirement rentables, le service comptabilité a bien du mal à éditer toutes les fiches de paie. D'abord parce qu'il n'y a plus assez d'argent pour acheter le papier sur lequel elle sont imprimées.

On est dans la merde jusqu'au cou.

Quand on sait faire quelque chose mais qu'on n'a pas les moyens de le faire, l'une des solutions consiste à vendre ses enfants pour récupérer du fric. Une autre solution peut être de proposer ses services à quelqu'un, moyennant finances. Vendre son savoir-faire à défaut de faire ce qu'on aime. Pas de quoi rougir, certes. Tout le monde doit bouffer.

Mais voilà, il n'est pas question ici de Robert Tripoux, aspirant rock star, qui vend des barres chocolatées et du super sans plomb dans une station service du lundi au vendredi pour louer un garage le week-end et répéter avec ses potes en attendant de coucher avec une top model. Il s'agit du studio Disney, qui emploie plusieurs centaines de personnes pour fabriquer du rêve en Technicolor©.

Les sourires se figent, les flashs crépitent, la magie opère

Mère Nature

Alors tout le monde serre les dents dans les studios et Disney va se vendre. Au gouvernement, aux entreprises. À qui mieux mieux. Tout cela se passe simplement. Et discrètement. Des employés de Disney rencontrent un client qui dit ce qu'il veut. Disney repart avec le cahier des charges sous le bras, fait sa petite cuisine et revient quelques semaines plus tard avec leur réponse au problème de communication du client. L'intérêt est de se servir des compétences des équipes pour produire des films en un minimum de temps, avec un minimum d'argent et bien sûr, de le vendre ensuite aussi cher que possible. Gratter du blé partout où c'est possible.

Le 18 octobre 1946, l'équipe de Disney invite les représentants de Kotex Products à la projection d'un court-métrage de 10 minutes. Qui commence par une question:

Why is Nature always called Mother Nature?

Cette question et la charmante petite histoire qui s'ensuit est contée par une femme à la voix posée, légèrement grave et rassurante.

Une histoire de femmes qui sont d'excellentes maîtresses de maison, qui présentent bien en toute circonstance. Une histoire de fatigue, de sautes d'humeur, de régularité. De règles d'hygiène, de vagin, d'ovaires, d'utérus. De sang qui n'est pas rouge mais blanc.

À suivre...


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