Les princes de Sambalpur (A Necessary Evil)
Auteur : Abir Mukherjee
Traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Batlle
Éditions : Liana Levi (1er octobre 2020)
ISBN : 979-1034903245
370 pages
Quatrième de couverture
Échouer à prévenir l’assassinat d’un prince n’est pas un fait d’armes dont peuvent s’enorgueillir le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee, de la police de Calcutta. Piqués au vif par cet échec, l’inspecteur et son adjoint décident de suivre la piste des mystérieuses missives reçues par le prince jusqu’à Sambalpur, petit royaume de l’Orissa, célèbre pour ses mines de diamants. Le vieux maharajah, entouré de ses femmes, et de dizaines de concubines et enfants, paraît très affecté par la mort de son fils aîné, et prêt à accepter leur aide.
Mon avis
C’est le deuxième livre que je lis d’Abir Mukherjee et je suis encore plus sous le charme de son récit que la première fois. Encore plus aboutie, plus captivante sur les mœurs dans ce coin du monde en 1920, cette histoire se lit avec un intérêt qui va grandissant au fil des pages. Dans ce nouvel opus, on retrouve deux personnages récurrents : le capitaine Wyndham, vétéran de la « Grande Guerre" et ancien de Scotland Guard, accro à l’opium pour oublier ses douleurs, et son fidèle adjoint, le sergent Banerjee qui lui est un autochtone. Ils sont tous les deux affiliés à la police de Calcutta et vivent dans le même appartement.
Banerjee vient d’être appelé par un ancien camarade de promotion d’Harrow, le prince héritier Adhir Singh Sai de Sambalpur, qui dit avoir reçu des lettres le prévenant d’un danger imminent. Wyndham, sur ordre du vice-roi, l’accompagne. C’est en pleine festivité autour du Dieu Jagannath, que les deux hommes arrivent dans le royaume de Sambalpur, bien connu pour ses mines de diamant. Malheureusement, ils ne peuvent empêcher l’assassinat d’Adhir. Comme ils sont sur place, ils vont mener l’enquête.
Rien n’est simple dans ce milieu très particulier avec harem, épouses officielles, concubines, eunuques. Une sorte de hiérarchie gouverne les relations et les places de chacun, la couleur de peau, le statut social, les origines, tout intervient ….Cela ne facilite en rien les investigations des deux hommes. Certains membres du « gouvernement » sont même prêts à tout pour les faire repartir car ils dérangent avec leurs questions. Mais ils ne lâchent rien, observent, écoutent, grattent, essaient de louvoyer pour arriver au plus près de la vérité.
Le petit état de Sambalpur, riche de ses mines de diamant, est convoité et a besoin d’alliés. C’est pour cela qu’un siège à la « Chambre des princes » serait une bonne chose. La mort du prince déstabilise, bouleverse et met à mal toute une organisation. Qui agit dans l’ombre ? Des tensions entre l’héritier et son premier ministre, le dewan, ont été remarquées, que se passait-il ? Son frère, deuxième dans l’ordre pour régner, a-t-il manipulé pour récupérer le trône ? Que souhaitent toutes ces femmes qui habitent le zenana? Et les agitateurs qui s’opposent au maharajah ? Est-ce un crime religieux ?
Les deux policiers ne sont pas des surhommes, ils hésitent, ils se trompent mais force est de constater que l’atout principal du capitaine Wyndham est de pousser chaque individu dans ses retranchements, de les obliger à se confronter à leurs ambivalences. Il maîtrise l’art de lire entre les lignes, de découvrir dans un regard, une attitude, un geste, ce que certains veulent cacher.
Conflit de pouvoirs, chasse à dos d’éléphant, coutumes particulières (tout un protocole est nécessaire pour interroger les femmes), cérémonies, processions, rapports de force entre l’Inde profonde et les anglais qui la gouvernent, tout est évoqué, intégré, brillamment à l’intrigue. Tout ceci est tangible, mêlant avec intelligence des faits réels à ceux qui sont présentés. C’est un travail important pour l’auteur afin que son récit tienne la route, que l’ensemble soit harmonieux et c’est une réussite. Il y a de nombreux détails mais ce n’est pas inutile, ils permettent au lecteur de s’imprégner de l’atmosphère, de visualiser les scènes, c’est excessivement complet et rien n’est laissé au hasard. Je suis totalement fan ! Je pense aussi que la traductrice est très douée car le vocabulaire est bien ciblé et les tournures de phrases réussies.
L’écriture et le style de cet écrivain sont fluides, riches. Non seulement, on lit un récit intéressant mais en outre, on apprend et on découvre tout un tas de choses ! L’ambiance est dépaysante et donne envie d’y retourner rapidement. A quand la suite des aventures du capitaine ?