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"Mississippi Solo" de Eddy L. Harris (Mississippi Solo)

Par Cassiopea

Mississippi Solo (Mississippi Solo)Auteur : Eddy L. HarrisTraduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pascale-Marie DeschampsÉditions : Liana Levi (3 Septembre 2020)ISBN : 979-1034902613338 pages
Quatrième de couverture
Le Mississippi. Un fleuve mythique qui descend du lac Itasca dans le Minnesota jusqu’au golfe du Mexique, en passant par Saint-Louis et La Nouvelle-Orléans. Impétueux et dangereux, il charrie des poissons argentés, des branches d’arbre arrachées, des tonnes de boue, mais aussi l’histoire du pays et les rêves d’aventure de ses habitants. À l’âge de trente ans, Eddy décide de répondre à l’appel de l’Old Man River, de suivre en canoë son parcours fascinant pour sonder le cœur de l’Amérique et le sien, tout en prenant la mesure du racisme, lui qui ne s’est jamais vraiment vécu comme Noir.
Mon avis
Connaître ce fleuve, c’est savoir qui nous sommes.
Les hommes ont besoin de challenges et de projets pour s’accomplir. Pour certains, il leur faut même relever un défi qu’ils décident de réaliser seuls. Cela peut être de parcourir le chemin de Saint Jacques de Compostelle, un périple à vélo dans la cordillère des Andes, ou toute autre idée qui s’impose, comme ça, sans raison.
A l’âge de trente ans, Eddy L. Harris (qui est né en 1956) a choisi de descendre le fleuve Mississippi en canoë. Sans pratique particulière pour ce moyen de transport ou ce genre de circuit, il avait un besoin viscéral de tenter cette expérience, de réussir, sans doute pour faire le point sur sa vie, se retrouver et arriver à une harmonie « corps esprit ». De ce voyage, que l’on peut qualifier d’initiatique, est né un livre en 1998. Il vient d’être traduit avec brio (Merci à Pascale-Marie Deschamps) pour que nous puissions découvrir cette magnifique histoire.
Le récit est riche, captivant, bercé par les états d’humeur du fleuve et du navigateur. Il n’y a pas vraiment de chapitres mais des sous-titres qui annoncent ce qui va être présenté pendant quelques pages. Eddy L. Harris s’exprime sur les rencontres, les difficultés, les joies, les peurs…. Il raconte son apprentissage du fleuve, comment ils se sont compris pour finalement s’apprivoiser, se connaître et que chacun trouve sa place. Parce que oui, le Mississipi est devenu son compagnon de route, créant des liens avec lui, certainement aussi forts que ceux que l’on tisse avec un ami. Cette relation au fleuve est un point fort de ce recueil, dictant le rythme des pagaies et celui des rendez-vous.
On sent au fil des pages que plus rien ne compte que le plaisir d’être en vie, d’avancer, de se sentir bien dans la nature, de retrouver le goût de l’effort. Les moments de découragement, de peur (par exemple lors de visites impromptues ou d’une météo néfaste), de souffrance, le dos raide et les jambes courbaturées, s’effacent devant le bonheur d’un partage simple autour d’une tasse de café ou devant une assiette de poisson-chat. Plus Eddy rame, plus il gagne en autonomie, en pratique. Il est plus sûr de lui alors que plus il se rapproche du Sud, plus le racisme envers les gens à la peau noire (comme lui) peut être important. Il grandit, vogue et marche la tête haute, droit dans ses bottes.
Ce texte est l’occasion d’une belle réflexion sur plusieurs sujets. Les amis et la famille, leurs réactions très diverses : aider Eddy, l’encourager ou le traiter de tête brûlée …. La xénophobie, en effet Eddy pointe du doigt les difficultés de son expédition : « Aller de là où il n’y a pas de Noirs à là où on ne nous aime toujours pas beaucoup. » Et puis, surtout, la transformation de l’homme qu’il est. « Ce voyage sur le fleuve serait différent. Il s’ancrerait si profondément en moi qu’il s’agrégerait à mon âme, mais avec une vie propre qui le ferait revenir de lui-même, si intimement lié à moi qu’il me pénétrerait la moelle et modifierait ma façon de penser, de sentir et de marcher, me laissant bien plus que des souvenirs et des sourires, car il m’aurait changé en profondeur, de façon indélébile. »
Il y a eu « un avant » et « un après » pour l’auteur et cela retentit chez le lecteur. Eddy L. Harris a su me transmettre son audace, sa volonté, son leitmotiv, à savoir qu’il ne faut jamais renoncer, et surtout pas à ses rêves. J’ai aimé cette lecture, bercée par les flots. J’aurais souhaité qu’elle soit accompagnée d’un album photos mais je visualisais déjà très bien chaque scène. Les émotions ont été fortes, pour l’auteur sur le fleuve, mais elles le sont également pour celui qui s’imprègne de ce compte-rendu complet, riche et intéressant à tout point de vue.


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