Au cœur de la nuit, au plus profond du silence, je me réveille, l’esprit agité. Le sommeil me harponne, je me débats, je quitte le lit comme si je me sauvais des eaux fétides de la rivière, comme si je m’arrachais des griffes acérées de la bête infâme. Je ne veux plus m’endormir. Je reste sur la dunette du bateau, je regarde le ciel et écoute le remous des vagues, je fais remonter des images gentilles dans ma tête, je calme mon souffle. Je me force à penser à demain aussi, et à après-demain. J’imagine de grandes plaines caressées par le vent, rassasiées de lumière. Le palpitement de mon être peu à peu ralentit, je me sens plus léger. Je pense à toutes ces âmes qui pleurent toutes seules dans un coin, qui pleurent de ne pouvoir donner à manger à leur enfant, qui pleurent de toutes les humiliations qu’elles subissent. Je pense à nous pauvres humains, coincés dans nos carcasses décharnées, petits et misérables, abandonnés et désespérés tel l’enfant égaré dans les rayons du supermarché, qui ne retrouve pas sa mère, ses frères. La nuit est rêche, la nuit est froide, je cherche la couverture qui m’a été enlevée, le temps est infiniment long, je sens que je vais chavirer, d’un instant à l’autre je vais lâcher prise, m’abandonner dans le tourbillon de l’abîme.
Je ne veux pas m’endormir, car le rêve est devenu cauchemar et il n’y a plus de trêve dans ma guerre des tranchées.
Et puis soudain,, je sens que mes sens s’assoupissent, un grand manteau blanc vient me recouvrir, une prière me console, je reviens à non lit, calmé.