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Albertine disparue de Marcel Proust

Par Etcetera
Albertine disparue de Marcel Proust

couverture du livre

Voici ma chronique du huitième et avant-dernier tome de La Recherche du temps perdu, de Marcel Proust.
Il s’agit d’un tome posthume, publié en 1925, alors que Proust n’avait pas terminé les remaniements de ce livre, et sur lequel il travaillait donc encore peu avant sa mort.
Notons que selon les éditions ce tome s’appelle tantôt Albertine disparue tantôt La Fugitive, puisque Proust a utilisé les deux titres dans ses manuscrits.

J’ai lu Albertine disparue aux éditions du Cénacle, et j’ai apprécié que le texte de Proust soit suivi de quelques analyses et mises en perspective historiques.

Vous vous souvenez peut-être que dans le tome précédent, La Prisonnière, Albertine finissait par fuir le domicile du narrateur qui la maintenait sous sa surveillance jalouse et contrôlait ses allers et venues.
Dans Albertine disparue, le narrateur se retrouve donc seul après la fuite de sa compagne. S’il envisage pendant un moment de la faire revenir en lui dépêchant son ami Saint-Loup et en échangeant avec la jeune femme quelques lettres, ses espoirs sont réduits à néant lorsqu’il apprend la mort brutale d’Albertine, d’une chute de cheval.
Le narrateur commence donc une lente introspection où se mêlent la souffrance du deuil, la remémoration amoureuse, et une tentative de cerner pour de bon la vraie personnalité d’Albertine.
Il décide de mener une petite enquête pour savoir si Albertine entretenait réellement des relations homosexuelles, si elle le trompait, si elle lui mentait et jusqu’à quel point, et il obtient effectivement quelques éléments de réponse par diverses sources, dont son serviteur Aimé et la meilleure amie d’Albertine, Andrée. Mais il continue à douter de la fiabilité de ces personnes.
Il semble qu’après la mort d’Albertine, les sentiments du narrateur à son égard se transforment en un amour plus pur et plus profond : il aura fallu qu’elle meure pour qu’il s’aperçoive de l’intensité de ces sentiments.
Proust nous offre de magnifiques pages sur le deuil et la souffrance de la séparation.
Petit à petit, le narrateur s’aperçoit qu’il commence à oublier Albertine : l’amour se désagrège très lentement pour laisser la place à l’indifférence.
Dans la troisième partie du roman, beaucoup moins introspective que les deux premières, le narrateur fait un voyage à Venise avec sa mère, ce qui est l’occasion de voir réapparaître deux personnages que nous avions un peu perdus de vue : Monsieur de Norpois et Madame de Villeparisis. Ce voyage est aussi l’occasion de belles descriptions des panoramas vénitiens, de ses canaux, de sa lumière et de ses palais.
Nous apprenons enfin deux mariages surprenants, dont celui de Saint-Loup avec Gilberte Swann renommée Forcheville.

Mon humble avis :

C’est un tome que j’ai beaucoup aimé car il est émotionnellement très fort, sur le thème du deuil.
L’amour du narrateur pour Albertine prend une ampleur et une beauté qu’il n’avait pas jusque là.
La mort d’Albertine débarrasse en quelque sorte le narrateur de ses instincts possessifs et calculateurs et, en le mettant face à lui-même, dans la solitude de son deuil, il atteint une certaine vérité sur lui-même et sur Albertine. C’est en tout cas de cette manière que j’ai compris ce livre.
En même temps, nous voyons la jalousie du narrateur prendre une tournure différente que dans La Prisonnière, précisément parce qu’il ne peut plus surveiller Albertine, la soumettre à ses interrogatoires ou encore décortiquer la vraisemblance de ses explications.
Maintenant qu’elle est morte, il commence à enquêter sur son passé, pour savoir si ses soupçons de jalousie étaient réellement fondés, ce qui répond aussi à l’interrogation du lecteur sur la personnalité du narrateur et sur ses obsessions maladives.
Mais, à l’issue de son enquête sur la possible double vie d’Albertine, le narrateur n’obtiendra pas forcément de certitudes très nettes, mais le lecteur se sera sans doute fait sa petite idée.

Un extrait page 136 :

D’autres fois mon chagrin prenait tant de formes que parfois je ne le reconnaissais plus ; je souhaitais d’avoir un grand amour, je voulais chercher une personne qui vivrait auprès de moi, cela me semblait le signe que je n’aimais plus Albertine quand c’était celui que je l’aimais toujours ; car le besoin d’éprouver un grand amour n’était, tout autant que le désir d’embrasser les grosses joues d’Albertine, qu’une partie de mon regret. C’est quand je l’aurais oubliée que je pourrais trouver plus sage, plus heureux de vivre sans amour. Ainsi le regret d’Albertine, parce que c’était lui qui faisait naître en moi le besoin d’une sœur, le rendait inassouvissable. Et au fur et à mesure que mon regret d’Albertine s’affaiblirait, le besoin d’une sœur, lequel n’était qu’une forme inconsciente de ce regret, deviendrait moins impérieux.(…)


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