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Djamile Mama Gao : Corps-raccords

Par Gangoueus @lareus
Djamile Mama Gao : Corps-raccords

Me sentir vivre Me sentir ivre De mots d’appétits De pulsions d’appétences Et déclamer à tes ensellures la ritournelle battante qui contemple ta charpente Et contente mon corps. Et le corps ivre Je m’adonne, aux trémoussements initiés, par mouvements alternés de tes traits, aux attraits saisissants. Tu es… mon sacre sacré Mon absolution d’être Capable, de bousculer rites et rituels Au point de me sentir vivre De me rendre ivre. Ivre de ton corps devenue oraison. Oraison jaculatoire prononcée à rebrousse-envies pour… épier… davantage tes jambes, davantage tes cuisses, davantage tes hanches, davantage ton corps… d’appétits et d’appétences…

Corps-raccords, ed. Tamarin, p. 14
Je poursuis mes chroniques sur des textes imbibés d’érotisme dans le cadre du projet African Playoffs of poésie qui a mis en scène des auteurs gabonais et béninois. De ces six écrivains, Djamile Mama Gao est celui qui exprime un érotisme total dans sa poésie, sans sous entendu, sans métaphore.
Djamile Mama Gao est un slameur. Pour le lecteur que je suis, slam et poésie ne sont pas forcément des genres différents. La poésie peut facilement s’incarner dans le slam et trouver par ce genre oral, une meilleure déclamation de ce qui est coché sur du papier froid. Un bon slameur peut être poète. Tout slam n’est pas cependant poésie. Sachant que le thème que nous abordions avec Leïla Marmelade et Djamile Mama Gao dans le cadre des African Playoffs of poésie portait sur les limites et porosités autour des genres quand on traite d’érotisme, ce jeu en fonction du genre utilisé produit des actions différentes, une approche d'écriture avec ses nuances, ses ruptures.
Dans Corps-Raccords, la libération de la parole est totale, parce que c’est de la poésie écrite. Djamile Mama Gao ne s’en cache pas. Tout le discours est dans un rapport passionné au corps de l’autre, dans une approche totale, torride avec tous les risques que ce type de prise de parole peut porter. Le poète décrit avec fougue ce qu’il ressent, ce qu’il veut faire, ce qu’il fait à l’autre. La frontière entre l’érotisme et la pornographie n’est pas loin dans ce recueil, mais je ne peux pas dire qu’elle est franchie par le poète. Enfin, vous me direz ce que vous en pensez après lecture.
Naturellement, cette prise de parole peut être perçue comme machiste, avec tous les élans de la domination masculine assumée, même si Djamile Mama Gao semble avoir pris de la distance avec ce texte. Il faut dire que ce recueil est paru en 2014. L’auteur avait 19 ans, il s’extrayait de certaines contraintes spirituelles. On peut regretter que cela ne soit pas annoncé dans la préface d’Habib Dakplogan. Cela aurait permis de mieux contextualiser son propos et la perspective réelle de projection du poète.
Extrait 
T’entrouvrirmoyennant éjaculat pour étancher ta délectationpar mers jubilatoires qu'on déverseTe malaxeravec maîtrise enfantine en comptant de temps en temps combien d’années avons-nous compromisen ne se disputant que par... giclées adultérines
p.62, ed. TamarinCe poème est intitulé Werakuru ka yiru (je n’ai pas identifié la langue des titres donnés par Djamile Mama Gao) résume la démarche du poète béninois. Il est la solution. Il s’accomplit. Il donne (pense donner) du plaisir à l’autre sans concertation. Cette approche nombriliste est intéressante. Elle exprime une vérité de l’auteur que beaucoup auraient du mal à cocher sur du papier froid. Parce qu’il faut savoir la lire. Il faut saisir cette poésie qui très rapidement peut être étouffante, en fonction du point de vue qu’on adopte. Bref, à vous de vous faire une idée.Djamile Mama Gao, Corps-raccordsEditions Tamarin, première parution 2014, coédition NENA (2020)Vous pouvez réécouter Djamile Mama Gao dans le podcast African Playoffs of poésie

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