C’est un film particulier. La salle est pleine (un siège sur deux pour respecter les règles sanitaires). Aurel, dessinateur de presse et de BD, a choisi de parler d’un autre dessinateur dont le témoignage nous a été transmis par les dessins. Josep Bartoli n’est pas un personnage de fiction. Il fait partie des Espagnols quittant leur pays pour ne pas tomber entre les mains et sous les coups des phalangistes franquistes. C’est un vieillard, présenté comme mourant, qui raconte ces moments de l’Histoire à son petit-fils. Arrivés en France au début de 1939, les Espagnols sont parqués dans des camps, parfois sans aucune installation : on dort à même le sol, on a parfois tout perdu et le peu qu’on a pu garder a été pris au passage. Josep n’a plus de quoi dessiner. C’est un gendarme, celui-là même qui parle à son petit-fils bien des années plus tard, qui lui donne un carnet et un crayon. Et Josep dessine. Les témoignages que nous avons de ces camps sont ainsi gardés et intégrés dans le film d’Aurel. Et qui donc est ce grand-père ? On ne le saura pas : le choix du réalisateur est de laisser planer le doute, est-ce Josep lui-même ou ce gendarme qu’il prétend être ? Mais en tout cas, ce que nous voyons à l’écran, c’est le témoignage par le dessin (nous ne sommes pas dans un dessin animé façon Disney). Ce choix donne beaucoup de force au récit et à la transmission. Les musiques qui accompagnent les images ajoutent cette puissance collective des chants qui soutiennent l’action solidaire des révolutions ou des résistances.