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"Un requin sous les arbres" de Bernard Leconte

Par Cassiopea
requin sous arbres

Un requin sous les arbres
Auteur : Bernard Leconte
Éditions : Ravet-Anceau (Octobre 2013)
ISBN : 978-2-35973-360-0
170 pages

Quatrième de couverture

L’enquête sur un « petit meurtre de campagne » est confiée au capitaine Rossart du SRPJ - un policier qui se retrouve bien seul dans les Flandres pour cause d’affaire ultra médiatisée à Lille. Cette solitude va se renforcer avec la multiplication de rencontres aussi désobligeantes qu’inquiétantes : une famille aux positions extrémistes, une tenancière de bistrot officiellement antipathique, ou encore un étudiant anarchisant qui semble en vouloir à la terre entière…

Mon avis

Un village un peu perdu avec son lot de commères, de mauvais voisins, d’hypocrites et d’espions (ce n’est pas que j’espionne chez les autres…je m’intéresse, c’est tout ….et après je cancane….)

C’est là que le capitaine Rossart se retrouve à mener l’enquête. Une histoire somme toute assez simple, le charme de ce roman n’étant pas dans le fond mais plutôt dans la forme.

L’écriture de Bernard Leconte est délicieuse à plusieurs points de vue.

D’abord parce qu’en fin lettré, il use d’un lexique de qualité, glissé sans ostentation (c’est bien la première fois qu’un polar me parle d’homéotéleutes, que n’aurait pas renié Queneau ou de prolégomènes, tout ceci intégré dans le texte très simplement.

Ensuite parce que certaines descriptions sont un régal. Je qualifierai les termes employés de « bucoliques » (ce n’est sans doute pas le mot le plus approprié à la situation mais c’est ainsi que cela me « parle ».)

« …..il se débraguetta dans les ténèbres et projeta aussitôt un jet surpuissant qui produisit une sorte de carillon en atteignant les branchettes d’une haie derrière laquelle une vache invisible émit un lourd souffle qui exprimait toute son indignation. »

Et enfin, parce que, de temps à autre, les chapitres sont émaillés de réflexions en « voix off » commentant le récit ou faisant des remarques sur les pensées ou les gestes du narrateur.

« Et maintenant, se dit Rossart en descendant l’escalier d’un pas de plantigrade (il avait plutôt l’air de sauter lourdement d’un pied, de laisser l’autre en suspens, puis boum ! ce pied chutait ; en fait, il réfléchissait), retour à Sercus. »

Vous ajoutez à cela une galerie de personnages décrits avec force détails (et des phrases très très longues mais pas pénibles à lire) et vous aurez l’ensemble des éléments qui m’ont conquise.

Les esprits chagrins relèveront une intrigue légère sans grand suspense et sans rebondissements. Mais l’originalité de ce livre est, je le répète ailleurs. Après, on adhère ou pas….

Pour le fond, nous avons donc un village avec des querelles de voisinages, ah le lisier odorant du riverain et les cris des gorets… des bien pensants, des « mals vus » dont on dit que leurs idées politiques …… et qui votent on ne sait pas trop quoi mais …… ce qui est certain, c’est qu’ils ne sont pas bons à fréquenter parce que trop « contre tout » et puis ceux-ci, ils voudraient le retour de la messe en latin… Ça ne fait pas un peu trop tout ça ? Alors après tout, si c’est chez eux qu’il y a eu un mort et bien…tant pis ? tant mieux ? On se croirait presque dans une chanson du grand Jacques ….

Bernard Leconte installe décor, actions et personnages avec de longues formules, remplies de propositions subordonnées, de ramifications avec zeugmas et métaphores… C’est un style d’écriture qui peut désarçonner et même, probablement, énerver certains lecteurs mais l’amoureuse des mots et de poésie que je suis, s’est totalement régalée de cette façon de faire…. De plus, le phrasé et l’expression sont adaptés à chacun dans les dialogues, l’auteur passant sans difficulté aucune de l’un à l’autre de ses truculents personnages…

Une belle lecture qui change, bravo aux éditions Ravet-Anceau pour avoir fait ce choix !



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