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Le tao selon lao tseu

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam
LE TAO SELON LAO TSEU

Il ne sera ici question que du Tao tel qu’il a été décrit par LAO TSEU dans son ouvrage Tao Te King, le livre de la voie et de la vertu. Il n’est pas question du Tao tel que le pratiquent les taoïstes. Au préalable, deux remarques sont nécessaires. En premier lieu, il ne faut pas considérer le Tao commune religion, si c’était le cas, alors on l’enfermerait dans le carcan d’une idéologie religieuse, ou bien on le remettrait entre les mains de quelques personnes qui peuvent en faire une religion sectaire. En second lieu, il ne faut pas considérer le Tao comme un dieu. On peut de façon symbolique le considérer comme une divinité, mais cela reste, comme pour le Cosmos des stoïciens, du le domaine d’un sacré sans Dieu suprême. De cette manière, le Tao peut s’adapter à toutes les conditions, à toutes les époques, accompagner toutes les religions dont il peut devenir un excellent compagnon.

Qu’est-ce le Tao selon LAO Tseu ?

LAO TSEU ne nous donne pas une description très précise du Tao. Tout au long de son livre Tao Te King, il nous donne des informations par petites touches. Ainsi, dans le premier poème du livre premier, il dit ceci :

La voie qui peut être exprimée par la parole n’est pas la Voie éternelle ; le nom qui peut être nommé n’est pas le Nom éternel. (L’être) sans nom est l’origine du ciel et de la terre ; avec un nom, il est la mère de toutes choses.

C’est pourquoi, lorsqu’on est constamment exempt de passions, on voit son essence spirituelle ; lorsqu’on a constamment des passions, on le voit sous une forme bornée. »

Dans ce poème LAO TSEU nous exprime la difficulté à définir avec des mots le Tao. Toutefois, à condition que l’on se débarrasse de ses passions, de ses préjugés, alors on peut apercevoir le côté spirituel du Tao.

Dans le poème 25, du livre I, on en sait  un peu plus :

Il est un être confus qui existait avant le ciel et la terre.

Ô qu’il est calme ! Ô qu’il est immatériel !

Il subsiste seul et ne change point.

Il circule partout et ne périclite point.

Il peut être regardé comme la mère de l’univers.

Moi, je ne sais pas son nom.

Pour lui donner un titre, je l’appelle Voie (Tao).

En m’efforçant de lui faire un nom, je l’appelle grand.

De grand, je l’appelle fugace.

De fugace, je l’appelle éloigné.

D’éloigné, je l’appelle (l’être) qui revient.

C’est pourquoi le Tao est grand, le ciel est grand, la terre est grande, le roi aussi est grand.

Dans le monde, il y a quatre grandes choses, et le roi en est une.

L’homme imite la terre ; la terre imite le ciel, le ciel imite le Tao ; le Tao imite sa nature.

Dans le poème 4, livre I, toujours à propos du Tao : J’ignore de qui il est fils ; il semble avoir précédé le maître du ciel.

Si on doit malgré tout lui donner un titre, ce serait la Voie qui nous guide. On apprend également que l’homme imite la terre, la terre imite le ciel, le ciel imite le Tao et le Tao imite sa nature. Cela veut dire que l’homme, la terre, le ciel, sont différents du Tao. Le Tao est en dehors de ce système, ce qui, dans une certaine mesure, le différencie du Cosmos des stoïciens, qui lui englobent tout l’univers. Je consacrerai un article entier au stoïcisme et au Cosmos.

Le Tao est source de sagesse

Dans le poème 26, livre I :
De là vient que le saint homme marche tout le jour (dans le Tao) et ne s’écarte point de la quiétude et de la gravité.

Dans le livre I, poème 1 :
On les appelle toutes deux profondes. Elles sont profondes, doublement profondes. C’est la porte de toutes les choses spirituelles.

Poème 15, livre I : :

Dans l’Antiquité, ceux qui excellaient à pratiquer le Tao étaient déliés et subtils, abstraits et pénétrants.

Ils étaient tellement profonds qu’on ne pouvait les connaître.

Comme on ne pouvait les connaître, je m’efforcerai de donner une idée (de ce qu’ils étaient).

Ils étaient timides comme celui qui traverse un torrent en hiver.

Ils étaient graves comme un étranger (en présence de l’hôte).

Ils s’effaçaient comme la glace qui se fond.

Ils étaient rudes comme le bois non travaillé.

Ils étaient vides comme une vallée.

Ils étaient troubles comme une eau limoneuse.

Qui est-ce qui sait apaiser peu à peu le trouble (de son cœur) en le laissant reposer ?

Qui est-ce qui sait naître peu à peu (à la vie spirituelle) par un calme prolongé ?

Celui qui conserve ce Tao ne désire pas d’être plein .

Livre I, poème 21 :

Les formes visibles de la grande Vertu émanent uniquement du Tao.

Voici quelle est la nature du Tao.

Il est vague, il est confus.

Qu’il est confus, qu’il est vague !

Dans ses poèmes on apprend tout sur les vertus des hommes qui pratiquaient le Tao à l’antiquité : ils étaient graves, rudes comme le bois non travaillé. (Remarque : être rude comme le bois non travaillé veut dire que c’étaient des gens à l’état pur, non polis par la vanité). Ils étaient vides veut dire qu’ils n’étaient pas pleins de leur suffisance et qu’ils étaient aptes à recevoir la sagesse du Tao.

Il y a tout au long du Tao Te King des références à la vertu, à la sagesse du Tao, je vous invite à les découvrir par vous-même.

Le Tao guide les hommes, mais ne les contraint pas.

C’est une idée essentielle, celle de la liberté de suivre ou non le Tao. Ce n’est pas une relation de maître à esclave.

Poème 51, livre II

Le Tao produit les êtres, la Vertu les nourrit. Ils leur donnent un corps et les perfectionnent par une secrète impulsion.

C’est pourquoi tous les êtres révèrent le Tao et honorent la Vertu.

Personne n’a conféré au Tao sa dignité, ni à la Vertu sa noblesse : ils les possèdent éternellement en eux-mêmes.

C’est pourquoi le Tao produit les êtres, les nourrit, les fait croître, les perfectionne, les mûrit, les alimente, les protège.

Il les produit, et ne se les approprie point ; il les fait ce qu’ils sont et ne s’en glorifie point ; il règne sur eux et les laisse libres.

C’est là ce qu’on appelle une vertu profonde.

Poème 34, livre I :

Le Tao s’étend partout ; il peut aller à gauche comme à droite.

Tous les êtres comptent sur lui pour naître, et il ne les repousse point.

Quand ses mérites sont accomplis, il ne se les attribue point.

Il aime et nourrit tous les êtres, et ne se regarde pas comme leur maître.

Il est constamment sans désirs : on peut l’appeler petit .

Tous les êtres se soumettent à lui, et il ne se regarde pas comme leur maître : on peut l’appeler grand.

De là vient que, jusqu’à la fin de sa vie, le saint homme ne s’estime pas grand.

C’est pourquoi il peut accomplir de grandes choses.

Le Tao est source de paix

Ce qui surprend le plus dans la Tao Te King de LAO Tseu, en dehors de l’extrême sagesse, c’est l’extrême tolérance et l’appel sans cesse à la paix. C’est un discours qui tranche avec ceux de la gloire guerrière.

Le poème 46 du livre I est, en ce sens, la parfaite illustration :

Lorsque le Tao régnait dans le monde, on renvoyait les chevaux pour cultiver les champs.

Depuis que le Tao ne règne plus dans le monde, les chevaux de combat naissent sur les frontières.

Il n’y a pas de plus grand crime que de se livrer à ses désirs.

Il n’y a pas de plus grand malheur que de ne pas savoir se suffire.

Il n’y a pas de plus grande calamité que le désir d’acquérir.

Celui qui sait se suffire est toujours content de son sort.

Ce poème est très éloquent en lui-même, et surtout s’adapte à toutes les époques, il suffirait pour cela de remplacer le mot cheval par quelque chose de plus contemporain.

Poème 30, livre 1 :

Celui qui aide le maître des hommes par le Tao ne (doit pas) subjuguer l’empire par les armes.

Qui qu’on fasse aux hommes, ils rendent la pareille.

Partout où séjournent les troupes, on voit naître les épines et les ronces.

À la suite des grandes guerres, il y a nécessairement des années de disette.

L’homme vertueux frappe un coup décisif et s’arrête.

Il n’ose subjuguer l’empire par la force des armes.

Il frappe un coup décisif et ne se vante point.

Il frappe un coup décisif et ne se glorifie point.

Il frappe un coup décisif et ne s’enorgueillit point.

Il frappe un coup décisif et ne combat que par nécessité.

Il frappe un coup décisif et ne veut point paraître fort.

Quand les êtres sont arrivés à la plénitude de leur force, ils vieillissent.

Cela s’appelle ne pas imiter le Tao. Celui qui n’imite pas le Tao ne tarde pas à périr.

Comment doit se comporter celui qui doit gouverner l’empire ?

Dans le poème 13, livre I, LAO TSEU nous décrit le sage et l’homme qui mérite notre confiance pour gouverner l’empire :

Le sage redoute la gloire comme l’ignominie ; son corps lui pèse comme une grande calamité.

Qu’entend-on par ces mots : il redoute la gloire comme l’ignominie ?

La gloire est quelque chose de bas. Lorsqu’on l’a obtenue, on est comme rempli de crainte ; lorsqu’on l’a perdue, on est comme rempli de crainte.

C’est pourquoi l’on dit : il redoute la gloire comme l’ignominie.

Qu’entend-on par ces mots : son corps lui pèse comme une grande calamité ?

Si nous éprouvons de grandes calamités, c’est parce que nous avons un corps.

Quand nous n’avons plus de corps (quand nous nous sommes dégagés de notre corps), quelles calamités pourrions-nous éprouver ?

C’est pourquoi, lorsqu’un homme redoute de gouverner lui-même l’empire, on peut lui confier l’empire ; lorsqu’il a regret de gouverner l’empire, on peut lui remettre le soin de l’empire.

LAO TSEU dans ce poème nous dit que celui qui doit nous gouverner, nous guider, doit redouter sa tâche. S’il a déjà gouverné et qu’il regrette d’avoir gouverné, on peut lui remettre une autre fois le soin de l’empire. On enseignait jadis dans l’Antiquité au futurs chefs de guerre ces principes. Il me semble que LAO TSEU s’adresse plutôt aux gens qu’aux dirigeants, pour les mettre en garde contre les chefs qui ne cherchent que leur profit personnel. Dans les démocraties occidentales, on remarque que les futurs leaders, contrairement à ce que nous dit LAO Tseu, se battent pour être élus et pour être réélus. Un poème qui nous incite à bien réfléchir.

Philosophie versus sagesse

Il est très difficile en Occident de comprendre ce que c’est que la sagesse, tellement nous sommes habitués à la philosophie. Les deux modes de pensée diffèrent de façon profonde. La philosophie de nos jours est affaire de concepts. Qu’est-ce la justice ? qu’est-ce la politesse ? Ce qui peut la conduire à des spéculations confuses, sibyllines, destinées à d’autres philosophes ou qui ne peuvent être comprises que par d’autres philosophes. Ce qui éloigne la philosophie des gens en général. De plus, la philosophie n’est suivie d’aucune tradition ni d’aucune pratique. En fait la philosophie suit une relation maître à penser ( le philosophe), et sujets soumis (les gens). La philosophie s’apparente à une religion maquillée.

La sagesse quant à elle émet des principes généraux. Des principes généraux qui constituent la base du comportement humain. On propose à l’être humain de grands principes, une fois qu’il aura intégré ses grands principes, il va, de lui-même et de façon spontanée, générer d’autres. La sagesse est suivie d’une pratique quotidienne que les gens réinventent eux-mêmes au fur et à mesure de leur évolution. C’est une relation de confiance et non de maître et esclaves.

Conscience versus Tao

Dans le monde occidental, on pourrait se dire que la notion de Tao est confuse . Il y a en Occident des notions importantes, mais qui sont de même confuses. La notion de conscience en est l’exemple type. Comme le Tao, la conscience est source de vertu, c’est notre conscience qui nous permet d’éviter la barbarie, la guerre. Lorsqu’on Occident les gens ont une conscience, cela se passe comme pour le Tao, les chevaux naissent dans les champs, à l’inverse lorsque les gens triomphent ou s’éloignent de la conscience, les chevaux naissent au niveau des frontières pour la guerre. Et pourtant la conscience, comme le Tao, reste quelque chose de profond, de confus.
Pour en savoir plus sur LAO TSEU et la sagesse asiatique, chinoise, je vous invite à visiter ce blog de façon régulière ou écouter mes chaînes vidéo sur YouTube et Instagram.

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