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Discographie sélective : 2000, émancipation personnelle

Publié le 11 novembre 2020 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

J’aime à dire que j’ai vécu l’année 2000 comme la meilleure année de ma vie. Et si j’avais à la résumer en chanson, ce serait celle-ci :

En tout cas, en tant qu’adulte, j’ai observé que j’ai toujours été nostalgique de mes années lycée et surtout de mes 17 ans. Le fait que je travaille actuellement en lycée n’y est pas pour rien non plus. J’ai adoré cette période de ma vie où j’ai connu ma première mue sociale, quand je suis passée de la petite fille qu’on tabassait à coups de marrons et de compas au collège à star du lycée grâce à mes prestations chantées. D’autant plus que l’année 2000 a été l’année du bac, de l’été le plus cool du monde avec mes trois bestah, du stage en Allemagne et de ma première sortie en boîte. Bref, une pure bulle de joie.

J’ai surpris une conversation cette journée du 31 octobre 2020 du Mari dans laquelle il expliquait que nous construisions notre vie d’adulte, nos valeurs et nos préjugés sur la société à l’aune de ce que nous faisons, vivons et consommons entre 15 et 20 ans. Et je trouve cette analyse très juste, puisqu’elle explique vingt ans après beaucoup de mes émotions.

Je remarque que les albums que j’ai sélectionnés sont sortis pour la plupart dans la deuxième moitié de l’année. Peut-être parce que la première moitié de l’année 2000 était encore très « envahie » par les albums sortis en 1999 – qui a été une très grosse année de sortie en termes de qualité. Par contre, je n’ai pas ressorti :

  • Des trucs très pop comme Gourmandises d’Alizée ou Not That Kind d’Anastacia, que j’écoutais pourtant à l’époque. Parce que j’imagine que ça a terriblement vieilli vingt ans après. Cette remarque vaut également pour Oops… I Dit It Again de Britney Spears. Je n’aimais déjà pas le premier album, ce n’est pas pour m’extasier sur la copie conforme.
  • Des comédies musicales comme Romeo et Juliette et Les dix commandements. Parce que, certes, j’ai beaucoup écouté Notre-Dame de Paris à l’époque, et j’ai même assisté aux Dix commandements en janvier 2001. Malgré tout, je n’étais pas intéressée par la vague des comédies musicales à l’époque, ce n’est pas pour les regretter maintenant.
  • All You Can’t Leave Behind de U2. Parce que certes, Elevation et Beautiful Day, mais s’il a fallu attendre 13 ans avant qu’ils nous ressortent des titres dignes d’intérêt, c’est peut-être que ça sentait déjà le pâté à l’époque.

Allez, c’est parti.

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1 – Eminem – The Marshall Mathers LP (mai)

Porté par les locomotives The Real Slim Shady et Stan – qui me gonfle encore aujourd’hui tellement je l’ai écoutée il y a vingt ans, avec toutes mes copines qui reprenaient en chœur la partie de Dido –, ce deuxième LP de Marshall Mathers est disponible en plusieurs versions, clean et explicite. Toujours aussi provocateur et grossier, il s’en prend aux Insane Clown Posse, à sa mère, à son ex-femme, aux homosexuels et aux prostituées. Il ponctue également ses textes de références à Detroit, à l’alcool, la drogue, mais aussi de coups de feu dans la bande passante. Pour ses instrumentaux, plusieurs samples ont été utilisés : When The Levee Breaks de Led Zeppelin pour Kim, Give It To Me de Michael Jackson pour Under The Influence, mais aussi Pulsion de Jacques Loussier pour Kill You, ce qui a valu un procès et un arrangement à l’amiable entre les deux artistes en 2006. Produit en partie par Dr Dre, cet album s’écoule à 32 millions de copies.

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2 – Coldplay – Parachutes (juin)

Avec ces douces mélopées commença la carrière publique du groupe qui m’a le plus musicalement déçue avec Muse. Mais Parachutes n’est pourtant pas la première expérience studio : depuis 1996 et la rencontre de Chris Martin (chant, piano) et Jonny Buckland (guitare) à l’université, le groupe a publié 3 EP. Ce premier LP est provoqué par la rencontre du groupe avec le producteur Ken Nelson, qui ne voulait pas interférer dans la production, mais simplement co-produire le groupe dont il avait senti le potentiel en écoutant les EP. Si l’enregistrement devait au départ durer deux semaines, les sessions d’enregistrement ont fini par s’étirer entre novembre 1999 et mai 2000 sur deux studios différents.

Will Champion (batterie), qui faillit quitter le groupe avant l’enregistrement de l’album, album qui est au final dédié à sa mère décédée pendant les sessions, fait observer une dichotomie entre les paroles des chansons qui sont très lumineuses et la musique qui rend au final très triste. Parachutes, enfin, s’inscrit dans le sillage artistique d’un OK Computer qui a tout pété trois ans auparavant. Malgré le succès critique et commercial – 8,5 millions de ventes à l’échelle mondiale – et la comparaison non éhontée avec Radiohead, Coldplay en est venu quasiment et collectivement à renier cet album. C’est peut-être pour cette raison que je me mets en porte-à-faux de leur évolution artistique depuis 2011.

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3 – Craig David – Born To Do It (août)

Avant de faire de la musculation à bloc et de clasher Jul en improvisant comme un roi sur son instrumental,

Craig David écrit et compose ses chansons en même temps qu’il mixe sur des radios pirates et en discothèque depuis l’âge de 14 ans. Poussé par sa mère, il gagne un concours de chant avec sa composition I’m Ready. C’est dans ce cadre qu’il rencontre Mark Hill, membre du groupe Artful Dodger, un groupe de R’n’B de Southampton, qui devient son producteur. Craig David et Mark Hill enregistrent dans un premier temps des reprises et des singles qui remportent déjà un certain succès en discothèque. Dans ce contexte, ils produisent et composent ce premier album qui se vend à 70.000 exemplaires rien que la première semaine. Du haut de ses 19 ans, avec des titres tels que Walking Away, 7 Days  et Fill Me In, il s’impose comme le fer de lance du nouveau son RnB à l’anglaise.

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4 – Madonna – Music (septembre)

Grosse année 2000 pour la Madone : en plus de la naissance de son deuxième enfant, Rocco, elle sort son huitième album. On y retrouve la collaboration avec William Orbit initiée avec Ray Of Light (1998), mais aussi une nouvelle collaboration avec Mirwaïs Strass, ancien membre du groupe Taxi Girl. Cette nouvelle collaboration a permis à Madonna d’entrer dans le nouveau millénaire avec des effets de production aussi futuristes que du vocoder, mais aussi un son électro-pop bien moins « sombre » et « mature » que sur l’album précédent. Porté par des titres tant minimalistes qu’illustrés par des clips chamarrés que Music (qui voit la présence de Sacha Baron Cohen sous son personnage d’Ali G) et Don’t Tell Me, ainsi qu’un style vestimentaire à base de costumes de cow girl, Madonna se classe enfin à la tête du Billboard avec un album, ce qui ne lui était pas arrivé depuis Like A Prayer (1989), et arrive à en vendre 16 millions d’exemplaires.

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5 – Mark Knopfler – Sailing To Philadelphia (septembre)

Le groupe Dire Straits s’étant séparé après On Every Street (1991) et les deux ans de tournée qui ont suivi, Mark Knopfler exprimait des envies artistiques (à base de sons acoustiques, d’appuis sur d’autres instruments à cordes que la guitare) qui n’étaient plus compatibles avec le son construit depuis 1975 avec le groupe. Après avoir donc tourné avec les Notting Hillbilies entre 1993 et 1996, son premier album solo, Golden Heart (1996), n’a pas rencontré son public. Il fallut attendre ce deuxième album, dont le titre est inspiré d’un roman de Thomas Pynchon, pour asseoir son autorité en solo. Il en profite pour enregistrer ce qu’il veut et se défaire du manager historique de Dire Straits après 25 ans de bons et loyaux services. Le succès de cet album est porté par cette locomotive qu’est What It Is, qui rappelle effectivement une version acoustique de bien de chansons de Dire Straits. Trois versions de l’album ont été développées : la version anglaise qui comporte 14 chansons, la version américaine et la version internationale qui en comportent 13.

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6 – Radiohead – Kid A (octobre)

Il va m’être extrêmement difficile de parler de cet album, parce que j’ai clairement été frappée d’amnésie émotionnelle pendant vingt ans. Moi qui je suis tellement reconnue dans le son du groupe entre 1994 et 1997, je ne sais pas ce qui m’a poussé à complètement renier les émotions que le groupe a pu me procurer après OK Computer. Quand je vois depuis toutes ces années mes amis autour de moi qui brandissent Kid A comme un pinacle du groupe, comme leur porte d’entrée avec la complexité artistique du groupe, je m’en veux réellement. Ou je me dis que je n’étais pas prête du haut de mes 17 ans à comprendre.

Toujours est-il qu’OK Computer (1997) et ses conséquences ont épuisé le groupe, tel un Nevermind (1991) qui a dégoûté Kurt Cobain. Thom Yorke a donc décidé de rompre avec cette musique « institutionnelle » en cherchant à devenir un peu plus expérimental. Cela est passé par l’intégration du jazz et de l’électro – choses que l’on retrouve déjà par touches dans OK Computer –, mais surtout par une complexification des sonorités avec une volonté de les rendre moins assimilables à une écoute non avertie. Thom Yorke voulait même faire du travail de sa voix comme d’un instrument. Son chant, déjà particulier et si émouvant, devient mélopée sans âge. Bref, maintenant que je suis sortie de mon amnésie émotionnelle et que j’ai supporté 30 minutes de Metal Machine Music de Lou Reed, je peux me dire assez mature pour enfin réévaluer cet album.

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7 – Gérald De Palmas – Marcher dans le sable (octobre)

Si je n’étais pas réceptive à l’album précédent, par contre, même à l’époque, j’ai genre ENORMÉMENT écouté cet album, puisque je suis partie faire mes études supérieures dans la même ville que ma sœur et qu’il faisait partie de sa rotation lourde dans sa mini-chaîne. Si Gérald De Palmas s’est fait connaître en 1994 avec son premier album La dernière année qui contient le stratosphérique Sur la route, il faut donc attendre 2000 et ce troisième album pour qu’il acquiert une véritable notoriété. En intégrant des collaborations avec Jean-Jacques Goldman (J’en rêve encore) et Maxime Le Forestier (Tomber), mais aussi un poème de son grand-père Raoul Nativel, homme politique et avocat réunionnais, dans la chanson Le Gouffre, il arrive enfin à la reconnaissance complète du public après quinze ans de carrière. Toutefois, Marcher dans le sable et son million d’exemplaires vendus reste un pinacle dans la carrière de De Palmas qui retourne à une carrière plus discrète dès son quatrième album, Un homme sans racines (2004, qui obtient tout de même 600.000 ventes).

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8 – Linkin Park – Hybrid Theory (octobre)

Linkin Park est né en 1998 de la rencontre de Chester Bennington et du groupe de nu-métal Xero qui cherchait justement un chanteur. Après avoir chanté toute l’année 1999 au Whisky A Go Go, un club à Los Angeles, le groupe se lance dans la production d’une cassette démo qui leur permet de jouer devant quarante-deux majors. Après donc quarante-et-un échecs, Warner Bros accepte enfin de produire le groupe. Si les paroles de Chester Bennington parlent essentiellement de ses problèmes relationnels, du divorce de ses parents, des enfants maltraités et de la drogue, la musique développée par le groupe cite comme influences Deftons, Gun’s N Roses, les Smiths, Depeche Mode et Stone Temple Pilots. Porté par des singles tels que One Step Closer, Crawling ou In The End, Hybrid Theory – le premier nom du groupe, avant de devoir changer pour Linkin Park pour des questions de droits – se vend à 24 à 27 millions d’exemplaires et est reconnu comme un des albums majeurs des années 2000.

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9 – Garou – Seul (novembre)

Pierre Garant, après avoir chanté dans des cabarets de jazz au Québec et s’être fait connaître dans le rôle de Quasimodo dans la comédie Notre-Dame de Paris en 1997, enregistre son premier album sous l’égide de René Angélil – d’où le duo Sous le vent avec Céline Dion.  On retrouve dans cet album des auteurs tels que Luc Plamondon et Jacques Vénéruso. Tout était fait pour que Garou suive le même chemin que Linda Lemay, Isabelle Boulay ou encore Céline Dion. Et ce fut le cas : 3 millions d’exemplaires furent vendus. Je sélectionne encore cet album vingt ans après pour l’avoir également beaucoup écouté avec ma sœur, mais aussi parce que j’ai assisté à son concert à Rennes le jour de ma majorité en 2001.

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10 – Florent Pagny – Châtelet-Les Halles (novembre)

Contrairement aux albums de variété française produits en 2000 que j’ai exposés ici, Châtelet-Les Halles a été une expérience d’écoute plus personnelle, puisque c’est moi qui possédais l’album et pas ma sœur. Ce sixième album suit la stratégie qu’il a établie avec Savoir Aimer (1997), à savoir qu’il ne devient qu’interprète. En effet, s’il connaît du succès dès la fin des années 1980, ses tentatives d’écriture et de composition au début des années 1990 se sont soldées par des échecs. Comme pour Savoir aimer, Florent Pagny s’entoure donc des auteurs-compositeurs responsables de tous les tubes à la mode : David Hallyday (Les Ombres, La légende de Carlos Gardel), Calogero et Gioacchino Maurici (L’Air du temps), Lionel Florence et Pascal Obispo (Et un jour une femme, Y’a pas un homme qui soit né pour ça), Jacques Veneruso (Le temps joue contre nous, Quelques mots), Gérard Presgurvic (La Solitude)… Bref, c’est un carton qui assoit Florent Pagny parmi ceux qui pèsent dans le game de la variété française pendant encore de longues années.

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A bientôt pour de nouvelles aventures musicales.


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