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(Note de lecture), Jean-Marc Baillieu, Nichane tout droit, par Alexandre Ponsart

Par Florence Trocmé


Nichane tout droitNichane
tout droit ou la multitude de chemins sur lesquels le lecteur rencontre des arbres, des rochers, des Koubas, des villes et villages avec des puits, des ruines et des ports. Comme le souligne l’auteur, « un chemin coupé de marches mène au creux du vallon où se pressent plusieurs petits marabouts d’un intérêt limité. » Il faut ouvrir le coffret et regarder l’intérieur : un afflux de chemins traversant des zones rurales et urbaines avec de nombreuses dénominations. Le voyage est d’abord visuel. Le lecteur pénètre le livre par un chemin, celui de la couverture, et s’engouffre dans un Maghreb à mille facettes. Ce tour dans le Nord de l’Afrique ne peut se concevoir comme un mouvement continu ; il faut chaque fois franchir une « marche », une « ruelle » et derrière celles-ci s’en découvre toujours d’autres. L’auteur nous guide et nous introduit dans l’intimité marocaine.
Tout commence à Tanger. « D’abord Tanger. Du Grand Socco dans la médina par Bab Fahs, et prendre la rue Siaghins vers la place du Petit Socco. » Il faut dire que de nombreux mythes et légendes entourent les origines de cette ville qui, pour de nombreux navigateurs, constituait le dernier port avant l’immensité de l’Atlantique. Selon la mythologie grecque Tanger fut fondée par le fils de Poséidon et de Gaïa, le géant Antée qui lui donna le nom de sa femme Tingo. Il y a aussi Fez « aux milles fontaines », Marrakech, Meknès « douceur du climat, qualité de ses fruits, beauté de ses arbres, parfum de ses fleurs » qui « contribuèrent à la réputation d’un lieu qui, fertile, semble dédié à une vie paisible pour ses habitants. » Comment ne pas mentionner Volubilis « n’a-t-on pas évoqué et chanté les splendeurs de cette cité, primitivement Ksar-Pharaoun, dans la belle région sauvage du Zerhoum où se distinguent le sanctuaire et la zaouïa de Moulay-Idris ? »
Le Maroc ne se limite pas seulement à ces grandes villes et l’auteur détaille un des bijoux du Maroc : le Toubkal. « Sur fond de sommets enneigés, marnes rouges ravinées et cultures vivrières d’orge (…) Hiver, tombe la neige sur les agdal du Haut-Atlas. Le Toubkal se détache avec ses 4167 m et est le point culminant du Haut Atlas. La vallée du Draa est présente : « À l’est du haut-plateau du Draa, dans la Hmada de la Daoura, l’oasis de Tabelbala au pied de la chaîne éponyme (…)  Au sud, le massif des Eglab est un désert de pierres qui rejoint le Yitti au sud-ouest d’Aouinet Legraa près de Jouf El Aouina, vaste dépression un peu ensablée. »
Le voyage se termine là où il a commencé : « Retour à Tanger. » « Traverser la place de France ‘sous les branches basses des chênes verts’ et passer devant le consulat de France. Café de Paris et Brasserie de France fermés. Perspective du boulevard Pasteur éclairé qui s’enfonce dans la nuit. » Il faut dire que Tanger bénéficie d’une situation géographique exceptionnelle puisqu’à seulement quelques kilomètres se trouve en face d’elle l’Espagne, l’Europe et Gibraltar. Tanger, cœur du Maroc apparaît comme un arbre dont les racines plongent en Afrique et qui respire par ses feuilles en Europe (Hassan II).
Ce livre est une escapade en pays Chérifien. Comme l’écrivait J. Kessel : Les grands voyages ont ceci de merveilleux que leur enchantement commence avant le départ même. On ouvre les atlas, on rêve sur les cartes. On répète les noms magnifiques des villes inconnues. C’est chose faite avec Nichane tout droit.

Alexandre Ponsart
Jean-Marc Baillieu, Nichane tout droit, , Fidel Anthelm X, 2020, 42 pages, 7 euros.
Extraits :
 « La fontaine cependant n’avait pas encore parlé comme l’avait prédit Aïcha la sorcière, et le vieillard chaque jour s’y asseyait des heures durant contemplant le filet d’eau  murmurant et rebondissant sur la vasque de pierre. Un soir, un filet de sang sourdit en lieu et place du filet d’eau : ‘Louanges à Dieu, maître de l’univers, le clément, le miséricordieux ! Tu es vengé’, commenta Aïcha la sorcière. Dès lors, la haine entre Zemmours et Beni-Hassen s’exaspéra jusqu’à ce qu’ils se réconcilient sous l’autorité du Maghzen. »
*
Et retour à Tanger
-Nta (toi) Fransawi, ana (moi) Magribia
Rues d’Emsallah boueuses en cas de pluie. Traverser la place de France « sous les branches basses des chênes verts » et passer devant le consulat de France. Café de Paris et Brasserie de France fermés. Perspective du boulevard Pasteur éclairé qui s’enfonce dans la nuit. Un mauvais rêve peut-être
- Chacun sait que tu es une Tanjaouina
Lundi matin : ciel nuageux et menaçant, tempête d’est, inévitable vent qui fait/voit tanguer les cargos amarrés dans le port, bruit et écume sur la plage. Légation des U.S.A. « dans la ville indigène »
Un chèque sur la Banco Salvador Hassan et Hijos signé par Nadia Jouvenon à l’ordre de Nelson Douar pour qui avoir de l’argent est une clef
Ex-zone internationale, horloge de l’église de Siaghins qui sonne les quarts
Moulay Ali :
« Le jour où un Français apprendra la patience, les chameaux se mettront à prier dans la Karaouine »
- Allons acheter un paquet de Cassa Sports !


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