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Discographie sélective : 2010, mais quelle tristesse, putain.

Publié le 25 novembre 2020 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

En 2010, j’ai donc 27 ans, un CDI et un déménagement de 9m² à 17m² à défaut d’à 80 km de mon lieu de travail, une première rupture amoureuse et la naissance de ma dernière amitié véritable, un premier gros projet professionnel mené à bout et un deuxième que j’enquille derrière. Bref, ma vie va à 100 à l’heure et j’ai le temps de ne rien apprécier.

Côté musique, je comprends la tristesse de me désintoxiquer de certains genres musicaux, genre le jazz, que j’ai écouté pendant un an et demi à outrance, alors qu’au départ, j’adore ça. Malgré ma résistance personnelle au rock, j’ai assisté à la victoire par K.O. de la pop musique la plus outrancière, de celle que j’appréciais mollement à 14 ans et qui me fait vomir à 27. Mis à part mon concert de Skunk Anansie au Nouveau Casino en septembre et Didon et Enée dans un petit théâtre rue Mouffetard, on va s’avouer que, même en termes de lives, on n’était pas foufou.

Autre chose que j’ai remarqué : aucun album sorti cette année 2010 ne m’a marqué durablement. C’est quand même triste. Le Mari impute cette tristesse à l’explosion du streaming, qui incite les gens à zapper des bouts d’albums sans pour autant en saisir la cohérence.  Je pense qu’il y a beaucoup de ça, et c’est pour ça que nous sommes devenus des vieux cons avec nos 500 CD & vinyles dans l’appartement.

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Voyons maintenant ce qui me frappe dix ans plus tard.

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1 – Vampire Weekend – Contra (janvier)

Dans la lignée du premier album éponyme sorti en janvier 2008, Contra reprend les mêmes formules qui ont mené au succès les quatre étudiants en musicologie de la faculté de Columbia : avec un mélange d’influences punk, baroques et africaines, les gars font certes plaisir, mais n’ont pas forcément la même force de frappe que le premier album. Si musicalement, l’ensemble devient donc redondant, la thématique de l’album semble être un hommage à Joe Strummer. En effet, entre le titre de l’album – les contras étaient les opposants à la révolution sandiniste et comment le Clash a appelé son 3e album ? Sandinista! – et les chansons Taxi Cab, I Think You’re a Contra et Diplomat’s Son, l’aura créative du chanteur décédé 7 ans avant l’enregistrement imprègne l’album. Dernière petite anecdote : Ann Kirsten Kennis, le mannequin sur la photo, qui semble avoir été prise en 1983, a attaqué le groupe pour usage de son image sans son autorisation.

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2 – Gaëtan Roussel – Ginger (mars)

Si Gaëtan Roussel surfe sur la variété française depuis 1994 avec ses groupes Louise Attaque et Tarmac, puis avec l’écriture pour les autres (Rachid Taha, Vanessa Paradis, Alain Bashung, les B.O. des films de Gustave Kervern et Benoît Delepine), il a fallu qu’il arrive aux abords de la quarantaine d’années pour enfin assumer d’enregistrer sans le cadre d’une formation fixe, grâce à sa rencontre avec Bashung. Et il a bien fait : autant Louise Attaque commençait à me faire chier, autant Tarmac était trop obscur, autant il se démerde très bien tout seul. Avec des chansons telles que Help Myself (Nous ne faisons que passer), Dis-moi encore que tu m’aimes ou bien Des questions qui me reviennent que l’on retrouve dans la bande originale de Mammuth, Gaëtan Roussel, qui s’est adjoint les services de son bassiste Joseph Dahan pour la musique, prouve qu’il a beaucoup de ressources en solo. Si bien qu’il remporte en 2011 trois Victoires de la Musique (album rock, interprète masculin et album).

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3 – Kelis – Flesh Tone (mai)

Si Kelis se fait connaître dès 1999 en étant une des figures de proue du son urbain des années 2000, son divorce d’avec Nas concomitant avec la naissance de leur enfant en 2009 a été un tournant de vie pour la chanteuse. Exit les producteurs les plus hype de la scène urbaine new-yorkaise (Pharell Williams, Raphael Saadiq, Andre 3000, même Jay-Z) et place à David Guetta, a.k.a. le fossoyeur de la pop urbaine américaine au début des années 2010, on le verra plus tard. Flesh Tone, porté par la locomotive house A Cappella et une campagne de marketing très élaborée, fait un relatif bide et signe à à peine 30 ans la quasi-fin de la carrière de la chanteuse que l’on retrouvera en 2014 pour sortir Food dans une relative indifférence.

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4 – Ben L’Oncle Soul – Ben l’Oncle Soul (mai)

2010 est une année musicalement tellement bizarre qu’on pouvait être français et produit par la Motown. Il faut dire que Benjamin Duterde de son vrai nom s’est installé dans le paysage sonore français comme un rescapé de la « grande période » des années 1960 avec sa reprise entêtante de Seven Nation Army. Comme c’était totalement en décalage avec ce qui pouvait se faire comme production française à l’époque – les plus grosses vendeuses, c’était Zaz et son bastringue aléatoire et Nolwenn Leroy qui retourne au bled –, et bah ça a cartonné comme jaja. SAUF QUE le gars n’a pas su se renouveler et en a été réduit en 2017 à faire des reprises de Franck Sinatra comme un Garou de base. Moche.

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5 – M.I.A. –  /\/\ /\ Y /\ (juillet)

Troisième album de l’artiste anglo-sri-lankaise, je l’écoutais beaucoup en numérique à l’époque. Avec le recul, je reste mitigée sur l’avis de M.I.A. qui disait à peine six mois après sa sortie qu’elle comprenait ceux qui disaient que cet album craignait. Il est certain qu’il n’est pas de la qualité de l’album précédent Kala (2007), mais il faut dire qu’il était compliqué de faire d’aussi bonne qualité. Malgré tout, MAYA (je ne vais pas copier-coller le stylisé tout l’article, merci) est porté encore par des morceaux « locomotive » tels que Tell Me Why, Lovalot, XXXO,  Born Free, sa scandaleuse rafle de roux filmée par Romain Gavras et son sample de Ghostrider du groupe Suicide. Toujours est-il que, non satisfaite du résultat de cet album et des critiques qu’il a suscitées, elle uploade le 31 décembre 2010 une mixtape du nom de Vicky Leekz pour « dédommager » ses fans.

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6 – Katy Perry – Teenage Dream (août)

Quand je dis que la musique pop était TRÈS présente en 2010, je parlais spécifiquement de l’univers rose bonbon dégoulinant de ce troisième album studio. Après avoir bien assis son autorité en 2008 avec I Kissed A Girl et Hot’N’Cold, Katy Perry a décidé de tout donner en termes d’imagerie colorée et de sons sautillants – quitte à plagier le Tik Tok de Ke$ha dans son California Gurls. En même temps, elle s’était adjointe les talents du producteur de la chanson, à savoir Benny Bianco. Et ça a marché : outre divers records de classements de ses singles au Billboard, l’album se vend à 6 millions d’exemplaires et chaque single atteint les cinq millions d’exemplaires vendus.

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7 – The Black Eyed Peas – The Beginning (novembre)

Ecrit comme un dyptique électro initié avec The END (2009) qui contient I Gotta Feeling – j’en fais encore des cauchemars onze ans après, pour vous dire –, ce sixième album studio est conçu comme un nouveau départ stylistique pour le groupe. Un nouveau départ, c’est-à-dire des influences moins urbaines – mais on ne rompt pas comme ça avec son background de départ. Selon Will.I.Am, cet album doit donner envie de faire la fête. Las ! Si The END a fait un carton plein, sa suite connaît un succès moindre, malgré des titres formatés clubs comme Don’t Stop The Music, Fashion Beats (qui est un sample de Chic) ou The Time (Dirty Beat) qui est une variation techno sur le (I Had) The Time Of My Life bien connu des amateurices du film Dirty Dancing. Tout ce que dont je me rappelle, c’est que, suite à cet album, je suis allée voir le groupe en concert au Stade de France pour accompagner ma cousine en juin 2011 et que j’y ai récolté une des pires laryngites de ma vie.

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8 – Rihanna – Loud (novembre)

La petite Barbadienne est à l’époque où musicalement et artistiquement, elle n’a plus rien à prouver. C’est pour cela que pour ce cinquième album, après Rated R (2009) qui parlait beaucoup de ses problèmes de couples avec Chris Brown, elle a décidé d’explorer plus de sonorités que le dancehall et le son urbain qui faisait sa signature. Elle n’hésite carrément plus à lorgner vers l’électro avec un titre comme Only Girl (In the World), à imposer sa marque de fabrique sulfureuse avec le clip de S&M qui fut interdit dans plusieurs pays et même à sampler Avril Lavigne sur Cheers (Drink to That) … Mais cela ne l’empêche pas de collaborer avec Eminem sur Love The Way You Lie ou avec Nicki Minaj sur Raining Men. Bref, Rihanna est libre, elle s’en bat les reins et ça lui permet de faire le meilleur démarrage de sa carrière aux Etats-Unis.

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9 – Jean-Louis Aubert – Roc Eclair (novembre)

Pour ce premier album inédit depuis Ideal Standard (2005), Jean-Louis Aubert a décidé de chanter toutes les phases du deuil – d’où le nom de l’album, inspiré d’une entreprise de pompes funèbres. Il a voulu ainsi rendre hommage à certains amis musiciens dont il porte le deuil depuis 2004 et 2009, mais surtout à son père décédé au début de l’année 2010. En 6 mois, il a écrit des chansons autour de la brièveté de la vie (C’est con mais bon, Les lépidoptères), du chagrin de la personne survivante (Maintenant je reviens), mais aussi de la réparation du deuil (Demain sera parfait, Puisses-tu). Roc Eclair est également accompagné d’un EP, Hiver, qui contient une version longue de Puisses-tu, mais aussi des chansons plus intimistes sur la même thématique.

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10 – Michael Jackson – Michael (décembre)

Il aura fallu 18 mois pour sortir un album d’inédits du chanteur décédé le 24 juin 2009. Réalisé à partir de chutes de studio échelonnées entre 1982 et 2009, cet album était d’autant plus événementiel qu’il n’y avait pas d’album composé de titres inédits depuis 2001 et Invincible [loul]. Pour donner un peu plus de contenu à ces chutes de studios, les producteurs ont fait appel à des artistes pour faire des duos virtuels, tels que 50 Cent (Monster), Lenny Kravitz ((I Can Make It) Another Day) et Akon (Hold My Hand).

SAUF QUE.

Dès la sortie du premier single, Breaking News, la famille Jackson et quelques fans ont comme un doute sur l’authenticité de la prise vocale, sans pour autant apporter la preuve concrète que ce ne soit pas la voix de Michael Jackson. Il suffira qu’une fan mène l’enquête à partir de 2014 pour retrouver le véritable chanteur, Jason Malachi, un imitateur vocal, qui a posé sa voix après juin 2009 sur Breaking News, Monster et Keep Your Head Up. Cette thèse est accréditée par la maison de disques Sony qui annonce en août 2018 (pour les putatifs 60 ans de Michael Jackson) avoir été trompée par les producteurs Eddy Cascio et James Porte et ne pas être en mesure d’apporter la preuve de l’authenticité des prises de voix sur ces trois titres devant le tribunal.

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A bientôt pour de nouvelles aventures musicales.


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