Quatrième de couverture :
Octobre 2015, Alain est assis dans son salon. À la télévision, des images défilent : un jeune homme, les yeux bandés et les mains liées, est amené au sommet de la plus haute tour d’une ville, puis poussé dans le vide. Parce qu’il est homosexuel. Habité par la colère et l’incompréhension, Alain écrit à la première personne à laquelle il pense : Simon. Celui-ci, dans les nuages entre Montréal et Baie-Comeau, lui répond.
C’est ainsi que s’amorcent entre les deux auteurs des échanges qui abordent leurs parcours, leurs aspirations, leur joie face aux avancées des droits LGBTQ ici, leurs réactions face aux horreurs perpétrées ailleurs, l’importance de la famille et de la création.
Un ouvrage désarmant de sincérité, où deux hommes se révèlent à travers leur perception de ce qui secoue notre monde.
Ce livre commence donc sur une sorte d’appel au secours d’Alain Labonté, qui découvre à la télévision les images d’un atroce assassinat homophobe perpétré par l’Etat Islamique et ouvre son coeur au premier ami auquel il pense, plus jeune que lui : Simon Boulerice, lui aussi homosexuel. Alain, la bonne cinquantaine, d’un tempérament calme et réfléchi, dirige une boîte de communication, Simon est auteur, notamment de théâtre et est amené à voyager un peu partout en francophonie pour donner des conférences, assister à la mise en scène de ses pièces, c’est un hyperactif boulimique de travail. Une correspondance démarre donc entre les deux hommes, qui deviendra un projet de livre, où ils se racontent leur enfance, leur jeunesse, la découverte de leur homosexualité, les réactions et le soutien de leur entourage, leur travail. Ils parlent aussi avec délicatesse de ceux et celles qui n’ont pas eu autant de chance qu’eux, qui ont subi violence et rejet à cause de leur orientation sexuelle. Ils évoquent (surtout Alain, qui en a été le témoin direct) les années sida ; avec lucidité, Alain prévoit l’arrivée d’autres virus dévastateurs pour l’humanité (avec Ebola et d’autres encore inconnus en 2015… il est visionnaire, Alain).
Alain, qui porte bien son nom de famille, et Simon sont tous deux bien dans leurs baskets, ils se connaissent bien et s’assument complètement, et c’est sans doute pour cela que leurs échanges paraissent si paisibles, si lumineux et si sensibles à la fois. Car le livre, qui s’est ouvert sur un acte terroriste, se termine aussi sur la violence avec l’attaque sanglante d’une boîte gay à Orlando aux Etats-Unis, en ayant passé par les attentats de Paris puisque cet échange épistolaire se déroule en 2015-2016. Et pourtant on ressort de cette lecture plein de la bienveillance (espérons-le) déployée par les auteurs.
« Je me suis toujours dit que dans les écoles on devrait t’enseigner la dignité et la joie de vivre et mettre la bio et la géographie en option.
N’ai-je pas le droit de rêver ? » (Page 83)
« Dans tes récentes lettres, tu parles aussi du « courage de tes vertiges ». C’est joliment dit, et c’est exactement ça, je trouve. Récemment, j’ai appris que j’avais tort de croire que le vertige c’est la peur des hauteurs. Ce n’est pas ça, c’est l’acrophobie. Le vertige, on peut le ressentir à même le sol, du moment que l’on est étourdi. Qu’on a le tournis. Et c’est précisément ce que donne la vie : le tournis. Rester debout, avec le tournis, c’est tout un projet. J’en connais qui préfèrent se mettre en boule, le temps que ça redevienne calme et plat. » (Page 99)
« Beaucoup de gens ont cessé d’avoir peur du sida. On a compris que cela ne s’attrapait pas en prenant une bouchée dans le carré aux dattes de son voisin ou en avalant une gorgée dans le même verre de bière. Les gens ont appris. Les gens en ont entendu parler.
Le sida a maintenant laisser les lumières de la scène à des maladies telles que l’Ebola. Et quand on aura trouvé un remède à cette fièvre hémorragique, je parie qu’une autre épidémie nous assaillira. » (Page 109 110)
J’adore l’humour de début et de fin de cette lettre :
« Depuis ma dernière lettre, j’ai atteint l’âge vénérable de 34 ans. Il n’y a plus rien de christique chez moi. (…)
Moi aussi j’aime les hommes. Et j’ai envie de répandre le plus possible la bonne nouvelle. » (Page 119 et 123)
Parmi de nombreuses références littéraires, clin d’oeil à « Kim Thuy, superbe entremetteuse de mon cœur. » (Page 135 136)
« Depuis quelques années, je me dis que je n’ai pas à attendre que la vie me fasse de cadeaux puisque je reconnais que c’est la vie elle-même qui en est un. Depuis que j’avance avec cette vision, j’attends moins des autres. Aujourd’hui, c’est surtout de moi que j’attends le plus. J’espère qu’à chacun des jours qui passent la sagesse me gagnera de plus en plus pour m’amener à pardonner davantage, à accepter davantage et à aimer davantage. Je veux me coller à la beauté et la faire naître de tout ce qui est susceptible d’en donner.
Être là pour l’autre, c’est ce que je ferai tant que je le pourrai. » ( Page 144)
« Te souviens-tu, Simon, vers la fin de mon livre Une âme et sa quincaillerie, je parle de mon usine à rêves dans laquelle je souhaite que le premier ministre Harper devienne un vague souvenir ? Mes souhaits ont été exaucés. Il semble que de nouvelles pages de l’histoire s’écrivent sous nos yeux. De belles pages. Ne cessons jamais de les partager. » (Page 174)
Simon BOULERICE et Alain LABONTE, Moi aussi j’aime les hommes, Stanké, 2017
Québec en novembre – Catégorie Les cow-boys fringants (un livre engagé) et Fracture du crâne (livre issu de la diversité)