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(Anthologie permanente) Charles Pennequin, Père ancien

Par Florence Trocmé


Charles Pennequin  père ancienCharles Pennequin publie Père ancien aux éditions P.O.L. Le livre sera en librairie ce 3 décembre.
Père ancien sa lie
me berce le corps
gris lait la nuit
poisse son temps
à descendre
pour aller pisser
Enfin, père imberbe
nuit debout un bois
l'habite en berne et
le chat seul usera
les mains
Demain boire
les derniers vers
qui rentrent dans sa main
dans le cimetière du père
j'écris que sans ma main
la merde sente le
père ce matin
tiens-moi bien
dans les branches
il se répand du vin
Je crains
que perdre la main
qui écrit qu’est rien
le vent du cimetière la terre
qui tient entre mes doigts
je siffle
Peine à lire ce râle
et les sourires mort il dit
parler aux murs qui blancs
le regardent père au loin
m’apprennent à lien
à perdre son latin
.
(p. 9-10)
*
Penser
dans l’ancien
c’est l’allée le pire
vers la nuit à passer
tout son temps
pour se boire
Oui le vieux
mot où ça pèse le
matin c’est la
poisse le passage
à l’étant
Rien vin
n’est bu le verre
est un bois
où se pendre
Et le chant seul
des mains
pour se craindre
Il rentre
son cimetière
dans les mains
ça lui sert
la marée le matin
tenir bon
sur la brèche
Et de craindre que
perdre le matin
quand tout court
le vent la terre
rentre et tombe
en les mains
où ça siffle
Rien ne perd
les pédales
dedans le pire
pour se boire
à jamais

(...)
(p. 59-60)
*
papa maman je ne sais pas
combien de temps je vais
rester en moi papa je vais
en toi me le rester maman
je vais en moi pour toi combien
de temps je vais me voir encore
papa maman combien je vais
encore me voir en vous et moi
combien je vais me le payer encore
le nous ici sans moi ou bien le moi
combien il va encore rester ici sans lui.
/
dis-moi papa combien de temps il va encore ici
rester le temps sans qu'on soit plus que rien que
nous et à rester sans temps et sans le rien qui
pousse et à penser qu'on naît alors qu'on se
souvient même pas qu'on se souvenait de rien.
ou sinon laisser pourrir entre nous ces fluides et
les lumières en plan comme choses inertes matières
d'y respirer en plus désincarné et acter ça la trouille
en son bocal sa vérité qu'il ne sait pas la réalité que
dans son fond asseoir sa peine et biner ça ballons
crevés ou dégonflés articuler tout l'tas des loques
comme suspendues mais en plus fil comme nulle
passoire ne plus savoir la peur s'oublier à tout
s'épelle dessus se fait piler bien mieux qu'au
naturel où n'être qu'outre.
(p. 126-127)
Charles Pennequin, Père ancien, P.O.L. 2020, 192 p., 19€
Sur le site de l’éditeur :
« Père en fuite / dans mon pire / c’est le temps / mal signé / mal soignant. »
Père ancien est une émouvante série poétique consacrée au père, aux souvenirs de famille. Le livre regroupe des ensembles de poèmes écrits entre 1995 (poèmes du Père ce matin) et 2018. Dix-huit poèmes, à la fois chansons, élégies, refrains, aveux, qui tentent d’évoquer le souvenir du père, et plus généralement celui de la vie familiale et de l’enfance. Ce sont des bribes de paroles, des fragments de souvenirs, des mots, des phrases, des images pour transmettre la nostalgie d’un monde, d’une présence, d’une langue. Le père devient figure du poème : « j’ai fait ce rêve du père il erre dedans cette ruine / intime la nuit titube les soucoupes pleines… »
Ce volume est composé de plusieurs textes. Bobines, totalement inédit, s’est écrit sur plus de vingt ans. Bibine, par son sujet et son humour, peut faire penser au roman récent de l’auteur, Gabineau-les-bobines (2019). Et tout ça finit toujours en drame est tiré des sensations de lecture de l’auteur, en hommage discret à Madame Bovary de Gustave Flaubert. Le texte final, poème éponyme de l’ouvrage, est en quelque sorte une visite de la maison familiale abandonnée, suite à la disparition des parents.


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