Merci aux Editions Les Escales pour l’envoi de ce roman grâce auquel j’ai passé un très beau moment littéraire.
Je n’avais jamais entendu parler de Nicole Giroud avant de débuter « Par la fenêtre », mais la quatrième de couverture m’a immédiatement intriguée et donné envie de découvrir cette histoire atypique.
Le livre : « Par la fenêtre »
Crédit photo : L&T
L’autrice : Nicole Giroud est une romancière franco-suisse. Après des études de lettres à Lyon, elle a enseigné le français pendant 32 ans à Genève dans l’éducation publique avant de se consacrer totalement à l’écriture. Elle anime également divers ateliers d’écriture.
Le résumé : « Pour échapper au morne quotidien de la maison de retraite, chaque soir, Amandine Berthet offre à ses compagnons d’infortune une évasion : tous s’envolent en pensées vers le Brésil et le delta de l’Amazonie. C’est là qu’Amanda, le double imaginaire d’Amandine, a passé son enfance mouvementée. Amandine déploie cette histoire fantastique, raconte la passion destructrice qui animait ses parents, décrit sa nourrice, la vieille indienne Maraja et ses potions qui soignent, et puis les cafezihno, ces petits cafés très sucrés qu’elle aimait tant… Pourtant, la réalité d’Amandine est bien éloignée de ce conte si romanesque et exotique. Née dans une famille paysanne marquée par la pauvreté, elle passera sa vie aux côtés d’un homme violent. Une petite vie, étriquée, fanée.
Alors, quand Amandine entrevoit la possibilité de réellement s’évader de la maison de retraite, elle n’hésite pas. Cette fois, elle veut vivre la vie en grand. Peut-être pourra-t-elle même, pour la première fois, voir la mer ».
Mon avis : Coup de cœur pour ce roman que j’ai trouvé extrêmement émouvant et bien écrit.
En dépit de la plume imagère et poétique de Nicole Giroud, j’ai eu besoin de quelques chapitres avant d’être complètement prise par l’histoire d’Amandine.
Amandine, alias Amanda, est une octogénaire coincée dans une maison de retraite Suisse qui manque de chaleur humaine. Placée par son fils, contre son gré, Amandine tente de s’évader de son quotidien grisâtre en s’imaginant une toute autre vie qu’elle conte aux pensionnaires de l’établissement.
Dans cette vie imaginaire, Amandine devient Amanda Wilkson une femme qui a vécu une foule d’aventures, de tragédies et d’histoires d’amour au cœur d’une plantation de café amazonienne. Amandine entoure son alter égo de personnages qui semblent tout droit tirés de contes. Il y a :
- Euclide, le père, un géant tout aussi terrifiant que séduisant pour lequel l’amour est nécessairement dévorant, possessif et destructeur ;
- Adelita, la mère, une femme à la beauté hypnotique plus attachée à ses livres qu’à sa propre fille ;
- Maraja, la nourrice, une indienne un peu sorcière grâce à laquelle Amanda s’initie à la beauté et aux mystères du monde ;
- ou encore Eugénie, la vieille institutrice stricte mais bienveillante chargée de l’éducation d’Amanda.
On réalise bien vite que cette vie fantasmée est un refuge indispensable pour Amandine. C’est ce qui lui a permis de se réapproprier les différents événements qui ont réellement jalonnés son existence, de les rendre moins douloureux, de s’inventer une vie – non pas heureuse – mais emplie de voyages et d’une magie propre aux terres indigènes.
En réalité, la vie d’Amandine est triste à pleurer : condamnée à être vachère à 12 ans en dépit de ses compétences et de ses rêves d’institutrice ; mariée à 16 ans à un mari pervers et abusif ; et finalement placée sans égard dans une maison de retraite par un fils indifférent auquel elle a pourtant tout donné.
Lorsqu’elle réalise qu’il est temps de se défaire de ses chimères afin d’exister dans le présent pour le temps qu’il lui reste à vivre, Amandine tente le tout pour le tout et entreprend de s’échapper de la maison de retraite pour réaliser son unique rêve, celui de voir la mer.
Impossible de ne pas s’attacher au personnage d’Amandine. On a parfois envie de la secouer et de lui dire de prendre ses jambes à son cou pour fuir le foyer malsain dans lequel elle est piégée. Solution qui semble si simple pour le lecteur et si compliquée pour cette femme qui subit la violence psychologique et physique de son mari, qui n’a personne pour l’aider, aucune perspective d’un ailleurs. Seule cette petite fenêtre dans sa cuisine lui donne une vague impression d’ouverture sur le monde. J’ai trouvé cet aspect de l’histoire très réaliste, ce qui rend « Par la fenêtre » d’autant plus émouvant.
On comprend alors pourquoi Amandine s’invente Amanda et les décors amazoniens si lointains des paysages plats de sa campagne française. Le delta boueux qui débouche sur la mer, les oiseaux exotiques, les singes, les odeurs de café sucré et de viande grillée, les plantes médicinales qu’elle va cueillir le matin. Ces parties de l’histoire empruntent au réalisme magique des romans sud-américains.
Jusqu’à la fin du livre, on espère de tout cœur qu’Amandine va pouvoir faire la paix avec ses démons et surtout se libérer : de sa maison de retraite, de ses histoires qui l’empêchent de vivre réellement, de son carcan d’épouse abusée. Un petit road-trip improvisé va, en tout cas, l’y aider, mais je n’en dirai pas plus…
Un roman sur le pouvoir des mots et les dangers du temps qui passe en nous faisant parfois oublier d’exister.
En bref : Je m’attendais initialement à un roman feel-good et j’ai finalement découvert un livre tragique porté par un personnage féminin complexe, le tout délivré par une plume très riche. Une bien belle découverte qui m’a donné envie de lire le premier roman de Nicole Giroud « L’envol du sari » .
Vous connaissez Nicole Giroud ? Vous avez envie de découvrir ce roman ?