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Jonny Appleseed

Publié le 04 décembre 2020 par Adtraviata

Jonny Appleseed

Quatrième de couverture :

Travailleur du cybersexe, Jonny doit rentrer à la réserve dans une semaine pour assister aux funérailles de son beau-père. Pendant ces sept jours, Jonny se raconte : enfance, amitié, amour, sexe, alcool, maquillage, musique, fantômes, espoirs. Le fil des liens familiaux se retisse avec sa mère, sa kokum, ses tantes et oncles. Surgit tout un monde de tendresse.

Poète et romancier bispirituel, Joshua Whitehead est membre oji-cri/nehiyaw de la Première Nation de Peguis, au Manitoba. Jonny Appleseed est son premier roman.

Ce premier roman est sans doute nourri de la propre expérience de son auteur : il nous met dans la peau du narrateur, Jonny Appleseed, qui est parti assez vite de sa réserve pour oser s’épanouir et devenir l’homme bispirituel qu’il est intimement. (Un être bispirituel, c’est, au Canada, quelqu’un qui possède un esprit masculin et un esprit féminin, et aussi quelqu’un qui considère que son genre ne correspond pas à son sexe.) En effet, depuis l’âge de huit ans, Jonny sait qu’il est gay, c’est la première phrase du roman. Son récit commence alors que son beau-père vient de mourir et qu’il doit en quelques jours gagner l’argent nécessaire au voyage vers la réserve de Péguis (Manitoba) pour rejoindre sa mère et la soutenir. Jonny gagne sa vie dans le cybersexe et assume parfaitement ses pratiques sexuelles qu’il nous raconte dans un langage sensuel, fleuri, parfois cru.

Tout en narrant ces quelques jours avant le retour, Jonny se souvient et évoque son enfance à la réserve, l’amour inconditionnel de sa kokum (sa grand-mère), le lien fort et chaotique avec sa mère et la relation tout aussi forte avec son ami d’enfance Tias, qui a lui aussi quitté la réserve pour aller vivre à Winnipeg. Comme dans d’autres romans d’auteurs autochtones, Joshua Whitehead raconte les conditions de vie dans la réserve, le désœuvrement, l’alcoolisme, les bagarres, mais ce qui fait l’originalité de ce premier roman, c’est son narrateur, ce personnage de Jonny Appleseed  qui ose vivre sa sexualité sans complexe et qui déborde d’amour pour les femmes et pour l’ami qui lui ont permis d’être ce qu’il est au plus profond de lui-même. Son parcours est baigné d’émotions contradictoires et d’autodérision, ce qui le rend très attachant. Je suis contente d’avoir découvert ce livre, conseillé par ma dealeuse de Québec préférée, même si j’ai eu du mal à me concentrer sur la lecture (sans doute la morosité ambiante ???).

« Bon sang, j’ai joué les hétéros sur la réserve pour pouvoir être NDN, ici je joue les Blancs pour pouvoir être queer. On ne peut pas toujours tout avoir dans la vie. « 

« La tradition allait me suivre toute ma vie : on s’attend à ce que je coupe du bois pour les cérémonies plutôt que de frire la bannique, que j’apprenne à chasser avec mes oncles plutôt qu’à tricoter avec mes tantes, que je performe la danse des plumes alors que tout ce que je veux c’est faire la danse des clochettes. “Fais de toi un homme” a été le mantra de mon enfance et de mon adolescence, parce que la verge entre mes jambes était pas suffisante pour prouver que j’étais porteur de la masculinité NDN. Il y a des millions de cellules en moi qui se contredisent, des millions de particules qui signalent l’extravagance. À mes yeux la masculinité est un nom féminin .

Et tout se termine en beauté. » (P. 92-93 )

 « Ah les hommes, c’en est presque trop facile : ils sont tous un peu voyeurs et un peu explorateurs. Ils veulent moins jouer au docteur avec toi qu’être le Jacques Cartier de ta ceinture pelvienne. » (P. 177) 

 « J’ai perdu le compte du nombre de fois où on a dit “sacré calvaire” pendant le trajet. J’ai réfléchi au fait que si les NDN disent “sacré calvaire” aussi souvent, c’est sans doute parce qu’on a appris à vivre et à aimer dans le calvaire sacré de l’Apocalypse. » (P. 227) 

Joshua WHITEHEAD, Jonny Appleseed, Mémoire d’encrier 2019

L’avis d’Ingamnic


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