Titre : Carne
Autrice : Julia Richard
Plaisir de lecture : Livre sympa
Simon revient chez lui sans souvenir. Il est couvert de sang et son chien n’est plus là. L’aurait-il mangé ?… Vraiment ?! Il se demande alors s’il est atteint d’une étrange maladie, celle-là même qui semble se propager à travers la ville. Il se pourrait même que les contaminés soient appelés « zombies » ; terme beaucoup trop mélodramatique à ses yeux. Sauf que Simon ne rêve que d’une chose, mener sa vie normale dans sa famille normale. Mais la faim tenaille ses entrailles et il va devoir composer avec et surtout trouver des alliés.
Simon est le narrateur de Carne. Il est le mari de Cathy, père de Jessica et Christopher et l’adoptant de Wurst, un gentil teckel. Atteint d’un étrange mal, il lutte pour ne pas manger ses proches. Il fait tout pour préserver son humanité mais on le voit perdre les pédales alors qu’il s’accroche, espérant que son état soit temporaire. Il est stigmatisé avant d’être pourchassé : la vie de Simon est un véritable chaos. Ce livre est une vraie boucherie : certaines scènes sont dérangeantes et sanglantes.
Le récit à la première personne du singulier donne un ton très personnel au récit. On accède à ses pensées cannibales, glauques, et malsaines (et notamment incestueuses). L’autrice nous expose la psychologie du personnage principal et va même jouer avec sa démence. D’abord sur la forme : la numérotation des chapitres part à vau-l’eau. La mise en page est déstructurée. Le procédé demande un peu de temps pour s’y habituer. On se demande où l’on est tombé en premier lieu mais il faut avouer que l’effet fonctionne. Ensuite dans l’écriture : on a l’impression de lire des passages qu’on a précédemment découverts. Ce qui enlève certes une part de surprise à certains événements ; mais qui permet de partager le trouble du héros. Les repères sont sans dessus dessous.
« Carne » trempe littéralement dans le cynisme. Avec beaucoup d’humour noir, Julia Richard nous livre une critique au vitriol de notre société actuelle. Le récit frappe encore davantage quand on note les similitudes avec la pandémie actuelle. Il s’attaque à certaines thématiques sociétales, media, télé-réalité, gouvernement et la justice. D’autres sont beaucoup plus gore comme le viol et l’inceste. Des références à la pop culture ancrent l’histoire dans notre ère.
La couverture est « alléchante » et interpelle. Les deuxième et troisième de couverture offre un intérieur façon viande rouge tout comme le marque-page.
On passe du côté des mangeurs de chair et de ce qu’ils ressentent. Le processus me fait penser au roman « Comment j’ai cuisiné mon père, ma mère… et retrouvé l’amour » de S.G. Browne. J’ai eu l’impression de listing dont les items auraient été à cocher : elle reprendrait tous les éléments ayant trait au zombie, de près ou de loin ainsi qu’une mise à la sauce du jour en intégrant quelques faits et autres actualités. C’est bien vu mais c’est parfois indigeste. Je me suis un peu ennuyée au fil des pages mais parce que la littérature zombie, ça m’connait. Je ne suis pas sûre que cette sensation soit partagée par tous les lecteurs.
Le récit est déjanté mais guère moins que notre époque complètement folle. Ceci dit, j’ai trouvé que le livre perdait un peu de son sens avec une grande escalade vers la fin. Les explications de l’épidémie ne sont pas franches pour moi, il manque les tenants et les aboutissants de cette « maladie ». L’histoire est décomplexée mais moins bourrine qu’il n’y parait.
La plume très mordante offre un récit bien travaillé malgré quelques tournures de phrases qui m’ont fait tiquer. L’écriture rock’n’roll dépote et je reste curieuse de ce que pourra produire l’autrice par la suite.
Attention, récit à ne pas mettre entre toutes les mains.
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Cette lecture a été soigneusement