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Libre Esprit

Publié le 14 décembre 2020 par Anargala
Libre Esprit
 Le Libre-Esprit est un mouvement médiéval européen qui prônait la liberté par la réalisation de l'unité avec Dieu.
Selon l'Histoire du panthéisme populaire, le Flamand Ruysbroeck résumait ainsi leur quatre variantes principales :

"Les premiers prétendaient qu'ils sont l'essence même de Dieu, supérieure aux personnes de la Trinité. Ils n'agissent plus, disaient-ils, ils sont
comme s'ils n'étaient pas, l'essence pure étant inactive; ils n'ont besoin ni
de la grâce divine ni du secours du Saint-Esprit aucune créature, Dieu
même, ne saurait rien leur donner ni rien leur enlever. Si quelqu'un
pouvait traverser le ciel, enseignaient-ils, il n'y verrait ni anges, ni
âmes, ni aucune hiérarchie céleste; il n'y trouverait qu'une essence
simple et inactive. Cependant il se trouvait quelques-uns parmi eux
qui croyaient que l'âme, aussi longtemps qu'elle vit dans le corps,
n'est pas l'essence divine elle-même, mais qu'elle en est formée seule-
ment, et que ce n'est qu'après la mort qu'elle redevient un avec l'être de
Dieu, de même que l'eau puisée dans une source se confond avec
celle-ci quand elle y est versée de nouveau. Après le jugement dernier,
tous, les bons comme les méchants, formeront, suivant eux, une essence
qui durera en toute éternité dans la béatitude d'une immobilité absolue.
Dans l'attente de ce bonheur étrange, ils ne voulaient ni savoir, ni
penser, ni faire, ni désirer quoi que ce fût être sans Dieu, ne le cher-
cher en rien, se sentir dégagé de toute relation et de toute forme, voilà
ce qu'ils appelaient la vraie pauvreté spirituelle.
Il Semblerait qu'il ne fût pas possible de pousser plus loin ce pan-théisme quiétiste, qui réduit tout à une essence sans conscience et sansactivité. Il y avait cependant un second parti d'hérétiques qui avaienttrouvé le secret d'aller encore au delà. Ils méprisaient à la fois ce quipeut se mesurer et ce qui se soustrait à la mesure, l'action et la contemplation, les désirs et la connaissance, les institutions et les pratiques de l'Eglise, les Évangiles, les personnes divines, la vie éternelle, en général tout ce que Dieu a fait ou pourra faire. Ils prétendaient s'éleverau-dessus d'eux-mêmes, des créatures, de Dieu, de la divinité ; la notiond'essence infinie leur paraissait- encore imparfaite, et ils s'élevaient au-dessus d'elle par un dernier effort de l'abstraction. La vraie perfection,disaient-ils, consiste à croire que Dieu est  le néant, et que, pour s'identifier avec lui, l'homme n'a que le moyen de s'annihiler.Un troisième parti développait principalement l'idée que l'homme justedevient un avec Christ. ''En toutes choses, sans exception, disaient-ilsnous sommes identiques à Jésus. Nous sommes avec lui la sagesseet la vie éternelle, nous sommes les Fils du Père quant à la divinité, et les Fils de l'homme quant à l'humanité : tout ce qui lui a été donnénous a été donné également. Le fait exceptionnel. qu'il est né d'unevierge ne nous inquiète pas; c'est un accident dont la béatitude et lasainteté sont indépendantes. Jésus-Christ a été envoyé dans le mondepour vivre et mourir pour nous; nous y sommes envoyés pour menerla vie contemplative, bien supérieure a la vie active du Christ. En nousretirant en nous-mêmes, en nous séparant de toute forme, image ouqualité particulière, nous sentons en nous la sagesse éternelle de Dieu.Si le Seigneur avait vécu plus longtemps, il serait arrivé au même degréde vie contemplative que nous. L'honneur qui lui est rendu, nous estégalement rendu quand on adore le sacrement, on nous adore nous-mêmes~ car nous formons avec le Seigneur une seule et même personneindivisible.Enfin, les hérétiques de la quatrième classe paraissent s'être occupésde préférence de l'identité primitive de l'âme humaine avec la divinitéabsolue, et avoir ajouté les propositions d'Eckhart sur ce point auxprincipes ordinaires de leur secte. Ruysbrœk résume ainsi leur doc-trine "Nous sommes Dieu par nature; dans notre être éternel nousétions sans Dieu (sans un Dieu hors de nous); par l'effet de notre librearbitre, nous sommes sortis de l'être absolu pour paraître dans lemonde. Dieu ne sait, ne veut, ne peut rien sans nous; nous avons crééavec lui l'univers. Nous ne croyons pas en Dieu, nous ne l'aimons pas,nous ne le prions pas, nous ne l'adorons pas, nous n'espérons pas enlui, car ce serait avouer qu'il est autre chose que nous. Toute différence personnelle est abolie au sein de l'unité divine. Pour arriver à laconscience de cette unité, il faut supprimer par la pensée toutes lesformes, toutes les relations, tous les modes, ne se préoccuper ni deconnaissance ni d'amour, n'attacher aucune importance aux exercicesde piété extérieurs, aux vertus, aux préceptes de l'Église et s'affranchirau contraire de toute espèce de loi."Histoire du panthéisme populaire, pp. 98-99

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