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Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 4) - Fragment 4

Par Blackout @blackoutedition
Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 4) - Fragment 4

Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV

Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 4) - Fragment 4

Photo de Simon Woolf

Fragment 4

De retour en France, j'attaque illico la saison des vernissages et des publis. C'est la rentrée littéraire et l'habitonge est de charrier de la com' à tour de bras. Lors d'une séance de dédicaces au cœur d'une rhumerie « sélect » administrée par une copine à la cool, j'me fais berner par un seau de rhum à l'allure inoffensive. Après dix godets torchés façon diabolos grenadine, une heure avant le début de l'événement, chuis déjà rond comme une boule. Mon poteau l'écrivain Josselin Tilbergi se pointe et donne de l'envergure à la noce avec sa bonté d'ange à la roulette. Défoncé comme une muraille, j'bats des ailes frénétiquement tandis que mon frère de plume assure le business. Il fait généreusement tourner ma boutique pendant que j'accouche cinquante conneries par broquille. Par chance, il n'y a que des amis ce soir-là. Tous sauf un... que je ne grille qu'en fin de soirée, debout dans un coin de la pièce, immobile. Un barbon charismatique, futal à pinces et chemise blanche, lunettes noires et chapeau Panama.
Les vieux qui ont de la dégaine ne courent pas les rues. J'identifie le fameux Lèoche et m'empresse d'aller le saluer. Le gars me serre la pogne et s'adresse à moi très posément :

-
Très beau vernissage, M Tokarev.
-
Merci beaucoup. Vous êtes Lèoche ?
-
Oui. J'ai besoin de toi demain.
-
Comment ça ?
-
Je te donne cinq cents euros si tu me véhicules à l'aéroport de Bâle. Sans compter le plein d'essence évidemment.
-
Cinq cents balles pour une heure de bagnole ?
-
Dix heures demain devant la maison de ton père.
-
Oui, monsieur.

Sitôt déballé, le tchèque énigmatique rebroque avec la délicatesse d'un oignon les marches qui débouchent sur la nuit vésulienne. Un peu décontenancé, je m'en remets à la médecine flambante de mon ami Josselin. Rompu à l'univers de la voyoucratie, ce roublard a bien repéré le gros bonnet de camarilla. Quand j'ui en dresse le portrait puis que j'ui confie le marché saugrenu proposé, Tilbergi me fixe avec gravité dans le blanc des mirettes et me sort :

-
T'es calibré ?
-
(…)
-
Faut ktu prennes une pétoire.
-
J'ai pas ça, Joss. La dernière fois que j'ai canardé c'était avec le Glock de mon oncle en Slovaquie. J'devais avoir onze ans.
-
Le gars t'allonge pas cinq cents euros pour que tu fasses le chauffeur. Y veut que tu le couvres.
-
Même avec un feu, si trois hommes de main balancent un carton de mitraille sur ma caisse, chuis raide en deux deux.
-
Prends garde à tes os, Kalache. Et te réjouis pas des cinq cents pépettes engagées, ta mission les vaut largement.
-
Merci de tes conseils, moy brato !
-
J'espère te revoir vivant.
-
(…)

J'tire un trait fissa sur la pétoche qui me foudroie. Ce salaud de punch embobineur me refout trois grammes à chaque bras.

Une fois de plus, je passe pour le dernier des pochardins
et je m'évapore dans l'Élysée noire du black-out éthylique.

Richard Palachak

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