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"Betty" de Tiffany McDaniel (Betty)

Par Cassiopea

Betty (Betty)
Auteur : Tiffany McDaniel
Traduit de l’américain par François Happe
Éditions : Gallmeister (20 Août 2020)
ISBN : 978-2351782453
722 pages

Quatrième de couverture

“Ce livre est à la fois une danse, un chant et un éclat de lune, mais par-dessus tout, l'histoire qu'il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne.” La Petite Indienne, c'est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s'installent dans la petite ville de Breathed, après des années d'errance, le paysage luxuriant de l'Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et soeurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu.

Quelques mots sur l’auteur et sur son livre

Voilà presque vingt ans que Tiffany McDaniel a commencé l’écriture de Betty. En 2002, elle a dix-sept ans et la découverte de secrets de famille déclenche son envie d’écrire. En 2003, elle achève une première version, qu’elle envoie à des agents littéraires. Ses interlocuteurs craignent que l’histoire de Betty n’intéresse pas le public : elle est racontée par une femme, elle est sombre, c’est risqué. En 2017, un prestigieux éditeur américain s’intéresse au roman. Tiffany McDaniel continue à faire évoluer son texte. Les ultimes corrections ne seront apportées qu’en mai 2020, à quelques semaines de l’impression. Elle vit dans l'Ohio, où elle est née. Son écriture se nourrit des paysages de collines ondulantes et de forêts luxuriantes de la terre qu'elle connaît. Elle est également poète et plasticienne.

Prix reçus par ce roman

Prix du roman FNAC 2020
Prix America du meilleur roman 2020
Roman étranger préféré des libraires - Palmarès Livres Hebdo 2020
Prix des lecteurs de la Librairie Nouvelle (Voiron)
Prix des lecteurs des librairies Attitude
Sélection pour le Femina 2020

Mon avis

« Raconter une histoire a toujours été une façon de récrire la vérité. »

Ce récit s’étale de 1909 à 1973. C’est Betty qui s’exprime. D’abord petite fille puis elle grandit. Elle raconte l’histoires de sa famille, ses non-dits, ses secrets, ses rêves, ses peurs, ses bonheurs. C’est le passage de l’enfance à l’âge adulte, accompagné par les contes que lui narre son père, les situations qu’il met en place pour garder intacte la capacité d’émerveillement de la tribu mais surtout celle de Betty. Elle est sa « petite indienne », plus typée physiquement que ses frères et sœurs. En ça, elle a plus de difficultés à s’intégrer à l’école, on la rejette pour la noirceur de sa peau, les maladies qu’elle pourrait transmettre, d’ailleurs n’aurait-elle pas une queue sous sa culotte ? C’est encore plus difficile de trouver sa place quand on est une fille, rejet en classe puis petits boulots, soumission, etc. mais les femmes sont des battantes dans la famille McDaniel et l’auteur s’est inspirée de leur vie pour son roman.

« Nous nous raccrochions comme des forcenées à l’espoir que la vie ne se limitait pas à la simple réalité autour de nous. Alors seulement pouvions-nous prétendre à une destinée autre que celle à laquelle nous nous sentions condamnées. »

Face aux difficultés de son quotidien, qui est loin d’être heureux, Betty écrit, elle rédige pour se sauver, pour exister. Elle enferme les feuilles couvertes de son phrasé dans des bocaux qu’elle enterre dans un endroit de leur jardin appelé « le bout du monde ». Et elle échange souvent avec son père. Leur relation est belle, lumineuse, même si cet homme ne voit malheureusement pas tout. Il écoute, il interprète les étoiles, un rayon de soleil ou un éclat de lune, il en fait un poème, un tableau, un songe….

C’est Landon Carpenter, le patriarche qui porte sa famille à bouts de bras. Jardinier, guérisseur, menuisier, sculpteur, homme de tous les métiers pour faire bouillir la marmite de cette grande famille. Capable d’actes qui paraissent insensés (les citrons, les bocaux de sable), mais qui ne sont que des preuves d’amour, il est la force de cette assemblée, le pilier, le roc. C’est un sage aux paroles mesurées, on dirait qu’il ne garde que le beau de la vie, enterrant le reste ou le transformant pour le sublimer en quelque chose de positif. Il aime les siens, d’une façon inconditionnelle, chacun a sa place, chacun est aimé pour ce qu’il est, comme il est quelles que soient ses manques. Il tisse des liens entre ses enfants comme Betty tisse des histoires. Tout ce qui a été abîmé, défait, détruit, est raccommodé, reprisé par l’amour de cet homme. D’un haillon, il fait de la dentelle.

La mère, Alka, est une femme toute en contraste, souffrant des blessures passées, de celles que lui infligent le présent. Régulièrement, ses démons se rappellent à elle, l’envahissant et rien ne semble la rassénérer. Mais son mari est là, présent avec un son amour qui panse chaque meurtrissure.

Porté par une écriture (merci à la traductrice) délicate, poétique, ce texte monte en puissance au fil des pages. Les derniers chapitres sont émouvants, les yeux se mouillent. Le style est puissant et en même temps tout en retenue, laissant chaque émotion s’installer durablement en nous. Tiffany McDaniel a évité l’écueil des clichés sur les indiens, ou sur les femmes. Elle inscrit la vie de sa « Petite Indienne » dans les recueils dont on dit que leur souffle épique en font des coups de cœur.



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