Le bruit de la liberté, de Frédérique Germanaud (éd. la clé à molette)

Ô Solitude, cet air de Purcell revient plusieurs fois dans ce roman. Pourtant la narratrice y est rarement seule, même jamais puisque sa chienne Tania l’accompagne dans ce périple en 4L qu’elle a entrepris après avoir vidé sa maison de La Puisaye, partant en quête de Pascal Quignard. Elle connaît de cet auteur ce qu’il a mis dans ses livres, la petite enfance à Verneuil-sur-Avre, puis Le Havre qui sort de la guerre, et elle poursuit d’Ouest en Est, à rebours du soleil. Mais sa première découverte est à Saint-Enogat où elle cherche en vain le port de La Clarté décrit par l’auteur des Solidarités mystérieuses et en conclut qu’un écrivain peut modifier la réalité. Elle va visiter ainsi toutes les villes, les adresses de cet auteur, mais sans chercher vraiment à le rencontrer. C’est tellement ça, entrer dans une oeuvre. En éprouver en soi-même les paysages, y trouver des échos à sa propre vie, éveiller des secrets enfouis dans son existence. Sans jamais lâcher l’attention à la forme de l’écriture qui tient compagnie. N'est-ce pas ce que René Char nommait, à propos de ce type de relation,  une « conversation souveraine »?

Frédérique Germanaud, à la recherche de Pascal Quignard, parvient à ne pas limiter l’oeuvre à la vie de l’auteur. C’est d’elle qu’il s’agit, bien plus que de lui. Et ce trajet, qui parfois est proche de la tragédie, va la révéler à elle-même, lui donner des signes : Solitude, oui, mais aussi cette attention que d’autres lui portent, amies ou inconnus, cette attention à la musique de chaque instant, cette attention à la réalité qui est dans les livres, et à partir de laquelle on peut écrire.