La Fabrique de PoupéesElizabeth MacNealEditions Les Presses de la CitéRoman Historique - Suspense
MON AVIS(Sans Spoiler)
Dans l'ambiance d'un Londres à la Dickens, on fait la connaissance d'Iris, une héroïne à l'esprit fin, intelligent, elle est peintre sur céramique, celle des visages et des corps de poupées. Elle est la soeur jumelle de Rose, qui coud les habits de ces même poupées. Rose est une jeune fille aigrie par les traces que la variole a laissées sur son visage et son corps. Iris, quant à elle, a une déformation dans son ossature. Elles travaillent toutes deux dans une fabrique de poupées destinées à des enfants nantis. Leur vie est éprouvante avec l'acariâtre madame Salter, à qui appartient l'atelier, mais Iris rêve de s'échapper de cette vie laborieuse et triste. Elle va rencontrer Louis Frost, un peintre préraphaélite, mouvement crée à l'époque, en 1848, par Millais, Hunt et Rossetti, elle va non seulement poser pour lui, mais devenir son élève.Iris ne rêvera plus que de liberté et de peinture... et va se donner les moyens de parvenir à ses désirs, contrairement à Rose, totalement résignée et défaitiste.Mais il y a aussi Silas, ce taciturne et odieux prédateur, fasciné par la mort. Il voudrait bien exposer ses macabres réalisations, et tourne autour d'Iris, grâce à l'habileté de la plume, le lecteur pourrait le plaindre par moments, mais ce ne fut pas mon cas. Puis il y a le gentil Albie, un gamin des rues très attachant, dont la dentition fait défaut et qui économise pour s'offrir de fausses dents. Il gagne sa vie en effectuant de petites courses pour diverses personnes. Cet enfant est le ciment des principaux personnages de ce roman.
Il y a cette histoire d'amour atypique, avec une tension croissante, une noirceur sous jacente qui monte, monte comme le suspense d'un thriller, pour un récit crédible, bien mené, bien maîtrisé, et plutôt original.La psychologie des personnages est finement développée, même lorsque le lecteur se retrouve dans la tête de Silas, personnage psychiatriquement dérangé. Par moments, c'est "TimBurtonesque" (si je puis me permettre d'inventer ce terme).Le Londres de 1850 est superbement décrit, il y a la saleté, le manque d'hygiene et la vie sombre et dégoûtante des bas-quartiers, la méchanceté, l'injustice, mais il y a la poésie de l'art... On approche de l'Exposition Universelle, dont le Palais de Cristal émerveille déjà les Londoniens. L'atmosphère est immersive, subtile, tout est précisément dépeint, évoqué, de la Révolution Industrielle au monde de l'Art, aux techniques du dessin. Sans oublier le goût des gens de ce temps-là pour les cabinets de curiosité, les animaux empaillés... C'était glauque à souhait.
Mais l'accent est surtout mis sur la condition féminine. La femme, à cette époque, n'avait pas le droit de rêver, et surtout pas de réaliser ses rêves, de s'émanciper, d'être talentueuse, ambitieuse, amoureuse, considérée, respectée, ni tout simplement de vivre, ni d'être totalement libre.Il y a quelques temps j'avais lu La Muse, la vie de Lizzie Siddhal, artiste préraphaélite et modèle de Rossetti, dont l'histoire était contée par Rita Cameron aux éditions Milady, l'autrice parle de cette belle rousse à la longue chevelure, ma lecture m'a fait penser à cet autre roman lui aussi dans le milieu des artistes préraphaélites.
Je ne pensais pas apprécier autant cette histoire, malgré ses passages morbides, j'avais été surtout attirée par la jolie couverture, pourtant parfaitement explicite une fois le roman terminé : la beauté sous cloche...Une belle oeuvre, servie par une belle plume...⭐⭐⭐⭐