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Le paradoxe des formations diplômantes en Compagnonnage

Par Jean-Michel Mathonière
Le paradoxe des formations diplômantes en Compagnonnage (Sur la désertion des ateliers) Par souci de promotion et de valorisation du statut de l’homme (et de la femme) de métier, les Compagnons n’ont eu de cesse de promouvoir et de développer, en toute bonne foi (?), les possibilités de formations diplômantes s’adressant aux jeunes « stagiaires ». Aujourd’hui, la plupart des Compagnons sont donc bardés de diplômes (parfois de niveau universitaire). Merveilleux me direz-vous. Pas si simple… En réalité, l’effet pervers de cette mutation est que le diplômé, pour valoriser pécuniairement et socialement son parcours, n’a qu’une seule idée en tête (et on ne pourra pas l’en blâmer) : quitter au plus vite sa condition d’ouvrier au sein de l’entreprise pour accéder au statut tant convoité de commercial ou d’employé au sein d’une entreprise générale, d’un centre de formation, d’un bureau d’étude ou encore d’un atelier d’architecture (statut souvent financièrement plus avantageux, sans parler des conditions de travail). Ah, la promotion sociale ! De la sorte, on comprend mieux l’actuelle désertion des chantiers et des ateliers par un nombre sans cesse croissant de Compagnons confirmés (dont les médias encensent le parcours…). Ces derniers devraient pourtant se trouver « en première ligne » sur les chantiers les plus complexes relevant de leur art, afin, entre autres, d’assurer la formation et l’accompagnement des jeunes sur le « terrain »… La transmission du « geste », fondement même de l’apprentissage des métiers, est donc lourdement compromise par l’obsession de la rentabilité du « certificat » délivré par l’Administration. La finalité de ces formations diplômantes n’apparait donc pas de nature à valoriser l’ouvrier en tant que tel dans la mesure où elle a comme conséquence première de le détourner insidieusement de la pratique de son art. En effet, la prétention salariale du jeune diplômé ne sera rencontrée qu’à partir du moment où il accepte de quitter sa condition d’artisan pour une fonction bureaucratique, dite « intellectuelle », socialement mieux considérée. Le paradoxe des formations diplômantes en Compagnonnage Dans ce sens, rien n’est effectivement plus étrange que la manière dont la société traite les artisans et la technique en général : pour s’en rendre compte il suffit d’étudier la persistance de la hiérarchisation sociale et salariale, des « manuels » et des « intellectuels », héritée de l’antiquité gréco-romaine. Pourtant, sur le plan sociologique, la diversité des professions ne nécessite aucune hiérarchie. Cependant dans notre société il est socialement et économiquement plus intéressant d’être ingénieur-architecte que maçon dans la mesure où la hiérarchie en application place mieux le professionnel du « fabriqué » que celui du « fabriquant ». Notons au passage que le nombre d’années de formation d’un Compagnon étant égal, voire supérieur à celui d’un ingénieur civil, la différence de rémunération n’apparaît plus de ce fait ni justifiable ni proportionnelle au temps consacré à la formation d’autant que le Compagnon autofinance son mode d’apprentissage. Aussi, l’anthropologie sociale se doit de dépasser les illusions justificatives des structures hiérarchiques dépassées, lesquelles empêchent la société de s’acheminer vers une humanité véritable. Le grand paradoxe de cette course effrénée aux diplômes, mise en place par les sociétés compagnonniques subsidiées par les pouvoirs publics, est qu’elle induit l’appauvrissement des métiers sous prétexte de leur valorisation ! Il s’agit donc bel et bien là d’un cercle vicieux. Aussi, ne faudrait-il pas en priorité revaloriser les secteurs d’activités au sein desquels les artisans pourront véritablement s’épanouir (avec tout ce que cela implique au niveau d’une revalorisation sociale et salariale du statut de l’ouvrier) plutôt que d’investir de manière excessive dans le développement des formations diplômantes masquant les fondements d’un problème sociétal récurrent ? Précisons toutefois que nous ne sommes pas contre l’attribution de diplômes et de certificats à condition que ces derniers ne soient pas un encouragement à abandonner la pratique du métier pour les raisons que nous venons d’évoquer. A méditer… Stéphane Verboomen Compagnon Passant Charpentier du Devoir (Cayenne Itinérante) Bruxelles, janvier 2021
Le paradoxe des formations diplômantes en Compagnonnage

L'homme pense parce qu'il a une main. Anaxagore (500-428 av. J.-C.)


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