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Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 4) - Fragment 9

Par Blackout @blackoutedition
Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 4) - Fragment 9

Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV

Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 4) - Fragment 9

Photo de Simon Woolf

Fragment 9

Après avoir expédié le gueuleton tchéco, Pan K fait une fleur à Lèoche : une visite nocturne et privée du château, guidés par le concierge officiel, un monument dans le monument. Lèoche l'envoie poliment dinguer tout en me confiant la mission du porteur de soupe à sa place. En gros, j'dois me taper la visite en son nom, car un bienfait ne se refuse pas et que les petits cadeaux slaves entretiennent l'amitié.
Plein comme une huître polonaise, expressément désigné pour avaler la gracieuseté diplomatique et protocolaire, me voilà capté par un débris d'échalas barbouzard et crado, mûr pour tomber dans les douves du manoir aussi noir que les couilles d'une taupe africaine. Une flambarde à la pogne, un gros chapelet de caroubles à la ceinture, il m'escorte à la grille du château tel un spectre glacé de phosphorescence. Un silence tombal élargit tant l'acuité de la nuit que j'entendrais voler une montre.
Et nous voilà débarqués, juste après le pont-levis d'apparat, dans une vaste cour pavée bordée de tours et de murailles. Des visions de journée me reviennent et recollent les morceaux d'arabesques et de figures arrondies brunes appliquées sur une enceinte aux reflets dorés. Mais là, dans le duvet ténébreux du borgnon tchèque, on se croirait dans la bastille chtarbée de Vlad l'Empaleur.
Mon guide se dirige vers le portail du donjon médiéval et je lui emboîte le pas, racolé par son flambeau comme un papillon bituré par une ampoule corrosive. En trois coups les gros, mon panard gauche déquille dans un trou d'obus qu'aucun pélo n'a jamais foulé avant moi. J'encaisse une entorse à tout casser qui déforme illico ma cheville en medicine ball. Ondrey, mon éclaireur en bave des oursins :

-
Sacré nom d'une putain tzigane herpétique, en vingt ans de visite du Hradichtè, j'ai jamais gaffé l'existence de cette crevasse !
-
Eh ben faudrait mettre une bande de signalisation pour éviter que quelqu'un d'autre ne se vautre.
-
J'ferai ça demain. T'as mal ?
-
J'dérouille comme un damné kosovar.
-
Ouais mais tu peux toujours arquer ?
-
Sincèrement, j'me vois mal crapahuter dans cet état.
-
Mais tu peux toujours arquer.
-
Sans morfler ça m'étonnerait.
-
Donc tu peux toujours arquer...
-
Tu me charries ou quoi ?
-
Chuis pas du genre à débloquer les vannes. Encore moins Pan K.
-
C'est juste une vadrouille nocturne dans un château bohémien !
-
Non c'est un turbin. Tu as ton contrat et j'ai le mien.
-
On n'a qu'à poser nos miches une heure ou deux, se griller des sèches et bavasser. Tu diras que j'ai fait mon job et je dirai que tu as fait le tien.
-
Tu as ton contrat et j'ai le mien. Pas de foutaise entre nous ! J'irai pas trimer sur un chantier serbe à cause de tes conneries.
-
J'ai une putain d'entorse, Ondrey !
-
Tu peux toujours arquer.

Richard Palachak

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