Calendriers, ça aurait pu être le titre. Puisque qu’on y passe les mois et même, dans la deuxième partie, les jours. Deuxième partie parce qu’il y en a trois. Deuxième partie parce que tout pourrait s’arrêter là, « depuis que nous / n’avons su dire / si seul un coeur / qui bat pouvait suffire / pour deux ». Voyez, ce « nous » en fin de vers provoque un rejet. Oui tout pourrait s’arrêter là. Mais il faut revenir à la première partie : l’été, juillet, août, septembre, sur le sol « des cartes improbables » dessinées par la pluie. Écoutez-la cesser : « et puis la pluie s’est épuisée ». Les poèmes qui suivent sont des sonnets, quatorze vers pour la plupart, mais ne respectant ni les rimes ni l’ordonnancement classique (quatrains, tercets). Avant la rupture. « Les flaques ont pris la forme / des continents qui restent ». « Exagérer » déborde du vers, « bonne nuit » est entre guillemets et « la bière au frais » est en italique. Et l’on repart. « Les au-revoir sont entre / la joue et l’autre joue », pas sur la bouche. Et puis décembre, avec Noël, arrive et puis la solitude. Alors, reprendre la route afin de ne jamais laisser « aucun reflet prendre racine ». Quitter le Nord et ses terrils, aller jusqu’à Tanger, de l’autre côté de « la mer, ce grand mensonge ».
D’autres liront peut-être différemment ces poèmes. Pour ma part, j’ai vu des enjambements, des césures aléatoires. J’ai vu, dans le dernier poème, le plus long du recueil, des barres obliques modulant la lecture :
« les rues se tordent / les pas
essaient la ligne droite »
C’est une invitation à lire deux textes en un, qu’on pourrait réécrire soit : « les rues se tordent les pas, essaient la ligne droite » ou « les rues se tordent, les pas essaient la ligne droite ». Et ainsi notre avancée dans Tanger hésite, « en bout de course », entre la mer et la berge.
Pour ce recueil, Célestin de Meeûs a obtenu le pris de la vocation 2018.