Dans la trappe, les phynanciers !
Par Contrelitterature
« Cornegidouille ! Ouvrez, de par ma merdre,
par saint Jean, saint Pierre et saint Nicolas !
ouvrez, sabre à phynances, corne phynances,
je viens chercher les impôts ! »
Alfred Jarry, Ubu roi, Scène III.
La Phynance des Saigneurs
Une chronique de Julien Lovato
Cela fait maintenant un petit bout de temps que je suis en retrait. Pourquoi me direz-vous ? Simplement parce que la communication de non-évènements s'intensifie et que ça prend plus de temps de décrypter la stratégie économique derrière ces écrans de fumée. Les diversions, les affaires dans les affaires, sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus montées en épingles, avec des titres de presse de plus en plus sensationnels pour masquer des effets épars mais bel et bien coordonnés de la stratégie présidentielle.
Observons quelques-uns de ces effets épars et, en apparence, dé-connectés, en remontant un peu dans le temps.
1. Il y a un an et demi "notre président" changeait les règles de comptabilité, interdisant à certaines entreprises de défrayer. Ces dernières ne pouvaient donc plus abaisser leur résultat en enlevant leurs achats de ce résultat, avec pour conséquences de les faire payer plus d'impôts sur les sociétés et d'augmenter le volume de prélèvements obligatoires proportionnels au chiffre d'affaires. Cela ne concernait aucune entreprise du CAC40 (qui sortent pourtant énormément d'argent via ces défraiements – en particulier vers l'étranger –) mais les coopératives. Quel sens pourrait-on donner à cela ? Durcissement des conditions d'entreprendre mais uniquement pour les structures collectives dont les membres ont une vision politique à l'opposé des commanditaires de l'Élysée !
2. Début du confinement, le président via son ministre de l'économie et des finances, annonçait que les volumes d'argent virtuels des actionnaires du CAC seraient garantis par l'État. Nous, citoyens, contributeurs, sommes donc en train de financer des grands actionnaires-spéculateurs qui ont misé en bourse, et dont (temporairement on le rappelle) les cours se sont effondrés au premier confinement. Macron s'est donc engagé à leur verser avec nos impôts, le manque à gagner ! Les cours remontant actuellement, ces actionnaires remportent donc deux fois la mise.
3. Actuellement notre ministre de l'économie annonce un plan d'aide à destination des entreprises réalisant au moins 1 million d'euros de chiffre d'affaires mensuel. Ces dernières se verront exo-nérées de leurs cotisations (Ce qui en d'autres termes veut dire qu'elles ne paieront pas de charges sociales, vidant de fait encore plus les caisses de la sécu, de l'assurance chômage etc.). Est-ce que ça profite aux 2 millions de personnes de l'artisanat qui est le meilleur pourvoyeur d'emploi localement ? Le choix de cibler les PME assez volumineuses est-il anodin ? Notez qu'en cherchant un peu on trouve dans le GOPE (Grandes Orientations de Politique Économique de l'Europe) des allusions au fait que la France est peu productive car elle ne bénéficie pas d'économies d'échelle suffisante. Traduire par trop d'entreprises trop petites, ne donnant pas assez de rendements, et donc ne générant pas assez de cash pour les actionnaires. Pour enfoncer le clou, nous prendrons un exemple montrant le pourquoi de cette directive. Imaginez un auto-entrepreneur : que génère-t-il sinon son propre salaire et ne paye que quelques cotisations à l'État ? Il vaut mieux de plus grosses entreprises, qui feront appel à des banques, qui auront besoin de plus de cash qu'un seul individu ne peut fournir pour l'agrandir ; une telle taille appelle des actionnaires. Actionnaires qui pourront saigner tranquillement la bête.
4. Les rachats de dettes par la BCE et l'émission de monnaie sont un plan de relance nous dit-on ! Quelle absurdité. Que doit-on relancer ? La consommation qui va venir remplir les carnets de com-mandes entreprises ? Alors pourquoi donner cet argent aux banques contre leurs créances pourries (et sachant qu'une banque n'achète rien) et pas aux consommateurs-citoyens ? C'est simple, en ap-parence on donne des centaines de milliards pour relancer mais, en les donnant aux banques, on leur permet d'avoir plus de cash pour spéculer et donner plus de dividendes aux grands de ce monde ! Curieuse relance dont les seuls effets visibles sont l'envolée des titres du CAC et des technologiques – dont les GAFAM. Bref plus d'argent à ceux qui évitent le fisc et donc qui s'exonèrent de la participation à la construction du bien commun !
5. La suppression progressive de la monnaie papier ! Qui cela peut-il pénaliser, les banques dont toutes les transactions sont élec-troniques, ou bien le petit commerce ? Notez là encore, qu'une fois cette monnaie et cette souplesse supprimée, les grands de ce monde, les entreprises multinationales pourront toujours faire du hors bilan vers l'étranger et échapper ainsi à l'impôt (et échapper à remettre dans le pot commun qui leur a pourtant servi à prospérer). Le petit quant à lui, verra de fait la pression fiscale augmenter sur son dos pour pallier à l'évitement fiscal des plus gros. Cerise sur le gâteau, les banques, avec leurs logiciels d'analyse, pourront dé-terminer si les petits fraudent tout de même un peu et pourront dénoncer ces derniers au fisc !
6. Le fisc, ah ! le fisc, quelle belle institution ! Rappelons que depuis le début du mandat et à la lueur des faits énoncés ci-dessus il exonère les plus riches et les rentiers en dividendes (bouclier fiscal, exonération sur les dividendes boursiers) et pour les plus grands fraudeurs leur fait des impôts à la carte, tandis que les plus pauvres sont traqués de manière plus systématique.
7a. Les amortisseurs sociaux. Depuis le début de ce quinquennat, les indemnités chômage, la retraite, les remboursements maladie, ne cessent de subir des attaques. Le très prochain durcissement des conditions d'accès au chômage (dans les tubes à l'heure où j'écris) passant de 3 mois cotisés à 6 mois pleins cotisés, pour des allocations aujourd'hui de 2 ans à 70% contre 1 an à 70% et dégressif de 25% par trimestre l'année suivante à venir. On voit très bien sur cette simple mesure que le but affiché est de remettre au travail les gens le plus vite possible ; et, avec la pression générée par l'urgence : les mettre au travail sur n'importe quel poste avec un salaire peu élevé. En croisant ces mesures avec celles de Hollande sur les licenciements sans justification nécessaire, la volonté clairement identifiée derrière ce texte est clairement d'avoir des gens clairement affamés et dociles (Un de mes amis directeur en grande distribution a utilisé pour bien illustrer cette volonté de maîtriser la ressource humaine les termes : vifs et saignants. En clair, assez apeurés pour tout donner et pour accepter n'importe quelles conditions. CQFD).
7b : Les prestations sociales de type RSA, la CAF etc. voient, elles aussi, durcir leurs conditions d'accès, et croiser les renseignements pour identifier les fraudeurs. Certes, on ne peut qu'acquiescer à la recherche de fraudeurs mais le fait qu'en même temps (la fameuse maxime de "notre président") il y ait des cadeaux aux plus nantis tout en chassant la triche des plus pauvres a tout de même de quoi sidérer. Note : la communication mainstream tous médias confondus est de déclencher la colère contre les petits fraudeurs du social, pendant que l'on continue à encenser des individus devenus ultra riches en peu de temps dans des magazines comme "Forbes", individus qui bien souvent pratiquent l'évitement fiscal.
7c : Ce pouvoir cherche à fusiller la branche retraite pour en confier la gestion aux "amis" du privé. C'est en cours, car à chaque perte de recettes de la branche sécurité sociale et vieillesse, la macronie et tous les médias hurlent à la réduction des déficits et font un pas de plus vers la privatisation. Rappelons tout de même ce que cela va générer comme type de société. En obligeant les travailleurs à cotiser dans le privé, cela va confier vos économies de toute une vie à des fonds de pension (comme Black Rock – fond de pension bien connu – qui gère 9000 milliards d'actifs). Quand avec votre argent il y aura des plus-values, il y aura distribution de dividendes aux plus nantis et, quand il y aura de grosses pertes, ces mêmes fonds pratiqueront une décote allant jusqu'à -50% de votre pension retraite. C'est exactement ce qui s'est passé pour plus de 50 millions de retraités américains et pour les anglais depuis le début de la crise de 2008. La bourse et les placements ont été magnifiques depuis janvier 2021 : tous les records sont battus en bourse depuis ces 30 dernières années. Depuis 2008 les fortunes des milliardaires ont bondit de 420% en France et de 200% aux USA mais les pensions quant à elles sont toujours amputées de 50% ! Les salaires quant à eux, n'ont étrangement pas augmenté...
8. Le gouvernement fait fermer les lieux de restauration, sport, etc., les lieux de vie de socialisation, les lieux créant liens et échanges... échanges qui peuvent permettre de reconnaître dans les difficultés d'un autre sa propre détresse, tandis que la richesse va à un système prédateur (actionnariat de connivence). Il y a là un double effet d'aubaine pour les plus nantis : éviter que les gens ne se reconnaissent dans la même situation en dépit de statuts sociaux différents (salariés, libéraux, artisans etc. petites PME) les uns les autres et ne se mettent à se révolter. Deuxièmement lorsque ces petits commerces, ayant plus de difficultés à s'adapter car ayant moins de fonds propres, ferment, vers quelles entreprises se tournent les consommateurs ? C'est une formidable embellie pour les grandes entreprises.
9. Face à ce déferlement d'attaques contre le bien-être des citoyens, contre l'éducation de leurs enfants, contre la santé, contre les moyens de les défendre (police-armées-justice), la réponse devrait venir de l'État ; or "notre président" continue à mentir et accélère la casse. Mais voilà, l'État a justement été noyauté par ce grand capital dont Macron n'est que le fondé de pouvoir. Pire, l'État, en plus des faits énoncés ci-dessus, rémunère grassement ce grand capital. Songez que depuis 1973 date à laquelle Pompidou empêcha la France de se financer à taux zéro auprès du trésor public, l'État emprunte à des banques pour financer ses inves-tissements. Et puis, peu à peu des barrières morales concernant la gestion sont tombées, on n'emprunte plus un petit peu mais énormément ; on n'emprunte plus pour des grands travaux mais pour payer salaires et retraites des fonctionnaires. En 45 ans, rien que le remboursement de la totalité des intérêts avoisine les 2200 milliards (soit la dette totale de l'État. Correspondance ou effet de vases communiquants ?! Cette année 2020 Macron aura emprunté 330 milliards d'€ ce qui génèrera, sinon des intérêts (intérêts négatifs en ce moment), de l'argent et des profits pour les grandes banques. En effet, même si l'on vous bassine avec le fait que les intérêts sont négatifs, la monnaie étant créée à partir de rien par les banques privées, rembourser avec nos impôts ces créances même sans intérêts, c'est donner de l'argent bien réel aux banques tandis qu'il viendra à manquer pour l'éducation, la police, les armées la santé etc. Bref, l'État a détourné nos impôts de leurs cibles pour les donner aux plus nantis à travers ces mécanismes.
On peut citer plein d'autres petits faits éparpillés partout dans le social, dans l'économique, dans le bancaire, dans les transferts, dans les règles de comptabilité des entreprises, dans les inter-dictions sanitaires et on voit bien qu'un certain tableau se dessine tant toutes ces mesures vont dans le même sens. C'est un massacre économique et social sans précédent qui se dessine mais, comme nos plus nantis n'ont eu de cesse que de créer des mécanismes, désolidarisant leur fortune du destin de ceux qui produisent la richesse, ils continuent. Un esprit un peu sombre – ou réaliste c'est selon – vous dirait que finalement cette paupérisation galopante, cette casse des acquis sociaux et des mécanismes du bien commun, est une excellente réussite de la classe dirigeante d'un point de vue stratégique. Chacun hurle avec sa petite communauté, chacun défend en sus sa spécialité, son régime de retraite, son chômage individuel mais personne ne se bouge pour l'essentiel. La casse est là, et elle sera durable, tant les écoles et universités, tant tous les savoirs critiques (économie et histoire notamment) sont également attaqués. L'État est-il encore? Il n'est déjà plus dans l'esprit de certaines communautés qui pensent qu'un après sans État sera mieux, tandis que d'autres, au contraire, pensent que sans retour à un État stratège fort, protecteur du plus grand nombre de ses citoyens, avec des frontières (certes souples mais aussi pouvant réellement filtrer hommes, produits et capitaux), ce sera le chaos, le fait des princes de la finance. En poussant plus loin, que ferait un tel chaos à part créer plus de mal-être, plus de suicides, plus de violence et moins de natalité ? Quelqu'un dit malthusianisme déguisé ? À vous de voir comment vous voulez interpréter les 9 prémisses citées ci-dessus. Les associer et trouver un sens n'a rien de conspirationniste, tout juste est-ce de l'herméneutique (l'art de trouver le sens des choses, ou dit autrement l'art de lire le sens éparpillé d'un effet papillon).