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Naufrage avec spectateur, de Hans Blumenberg (éd. L'Arche)

Publié le 26 janvier 2021 par Onarretetout

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Qu’il est doux quand les vents lèvent la mer immense,
D’assister du rivage au combat des marins ! 
Non que l’on jouisse alors des souffrances d’autrui,
Mais parce qu’il nous plaît de voir qu’on y échappe.

Ces vers de Lucrèce (1er siècle avant notre ère) sont à l’origine de l’ouvrage de Hans Blumenberg, paru en français en 1994. On voit qu’il s’agit d’une métaphore, une image pour parler de la philosophie, et de son évolution à travers les siècles de la pensée occidentale. L’auteur cite Pascal en exergue : « Vous êtes embarqué ». 

La mer est un élément dangereux pour les humains qui vivent sur une terre stable. Et si la terre tremble parfois, c’est, selon les Grecs, le fait de Poseidon… Élément dangereux, la mer peut faire perdre tous ses biens au naufragé, « sauf lui-même » s’il s’en sort. Comment donc penser la nature, l’humanité, la pensée même en leur restant extérieur pour éviter le naufrage ? Épicure, et plus tard Lucrèce donc, « ne peuvent être bienheureux que parce qu’ils ne déclenchent ni ne gouvernent le cours du monde ». Montaigne, Voltaire, Goethe, Nietzsche, et beaucoup d’autres ont repris l’image, mais pas toujours avec la même signification, selon les connaissances acquises au fil des siècles sur la nature, selon les avancées en matière de navigation, selon l’évolution même de la philosophie et des sciences. 

Hans Blumenberg développe son ouvrage en six parties : - Le voyage en mer comme transgression de la limite - Ce qui reste au naufragé - Esthétique et morale du spectateur - Art de la survie - Le spectateur perd sa position - Construction du bateau à partir du naufrage.

Nous avançons avec lui dans ces parties successives, conscients du fait que, si l’acteur devient spectateur, il n’y a plus de spectacle, et que nous sommes embarqués, c’est-à-dire qu’il n’est pas question de port à atteindre, donc que nous avons une responsabilité sur le bateau, que c’est là notre lieu, construit sans doute par nos ancêtres, en pleine mer. Dans cette dernière partie, l’auteur évoque Emil Du Bois-Reymond, un des fondateurs de la physiologie : « Lorsqu’il faut choisir  entre la planche et la noyade, l’avantage est incontestablement du côté de la planche », ce qui « devient caractéristique imagée (…) d’une vie avec le naufrage ».


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