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Présentation brève du conte au maroc

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam
PRÉSENTATION BRÈVE DU CONTE AU MAROC

PRÉSENTATION BRÈVE DU CONTE AU MAROC.

introduction

Il y a dans le conte marocain une grande sophistication à l’image des traditions de ce pays. Si beaucoup de contes sont là avant tout pour divertir les petits, certains ont une portée éducative certaine. En général les contes sont racontés par une personne âgée telle que la grand-mère.

Aperçu du conte marocain

L’essence même des contes au Maroc est sa narration entre personnes. Il ne supporte pas d’être transcrit de quelque manière que ce soit ; par l’intermédiaire d’un livre, par l’intermédiaire de médias audio ou audiovisuels. Cela provient du fait que le conte au Maroc se vit pleinement avant tout durant ces moments précieux, où le soir, dans la pénombre et dans l’obscurité, une personne raconte une belle histoire à des enfants émerveillés. Le fait de se retrouver ensemble, le fait d’être dans une même chambre, le fait que la personne qui raconte le conte à une fascination symbolique fait toute la singularité du conte marocain.

Du reste, cela est vrai également pour la cuisine marocaine. La cuisine marocaine est affaire de convivialité, de bonheur et de moments heureux. Aucune personne ne peut oublier un authentique repas marocain. C’est pour cette raison que la cuisine marocaine dépérit quand elle franchit la porte des restaurants, aussi grands fussent-ils.

Le conte comme la cuisine au Maroc est une question de convivialité, d’intimité, de moments de bonheur. Le seul rôle de sa transcription dans les livres est sa préservation pour la mémoire historique.

Le conte marocain et la Halka n’ont rien à voir l’un et l’autre.

La Halka qui est un spectacle en plein air diffère fondamentalement du conte tel qu’il était pratiqué il y a bien longtemps. Ces deux formes d’art sont aux antipodes l’une de l’autre et diffèrent tant par leur mentalité que par leur déroulement. Dans l’art de la Halka, c’est avant tout l’animateur qui raconte une histoire en général basée sur des personnages mythologiques tels que Sidna Ali, ou bien Antar Ibn Chaddad. L’animateur de la Halka ne se contente pas de raconter une histoire, il mime les scènes, en rajoute jusqu’à en faire trop. Il s’improvise musicien, chanteur, voire acrobate ou magicien.

De plus, le but essentiel de ce spectacle n’est pas de raconter une histoire, mais plutôt de gagner de l’argent. Il n’y a aucun lien puissant entre le Hlayki et le public.

Les contes et les proverbes marocains diffèrent fondamentalement.

Il n’y a pas lieu de confondre l’art du conte avec les nombreux proverbes que se lancent les personnes adultes. Certains proverbes ont pour support une courte histoire. Examinons l’adage bien connu : le minaret s’est effondré, donc il faut pendre le coiffeur.

Ce proverbe a pour but de dénoncer les décisions arbitraires, les injustices. Il y a une histoire sous-jacente pour ce proverbe. Un roi avait un coiffeur qui chaque matin lui rasait la barbe. Ce coiffeur imprudent appliquait son rasoir bien affûté sur le cou du roi tout en lui disant :  vous savez Majesté, tout aussi puissant que vous êtes je tiens votre vie entre mes mains.

Ce roi ne sut que faire contre ce coiffeur impertinent. Aussi, lorsqu’on lui annonça l’affaissement du minaret il désigna le coiffeur comme coupable. Il fut pendu. Ce qui constitue une flagrante injustice. Ce proverbe et l’histoire qui l’accompagne est une affaire d’adultes qui ne concerne nullement les enfants et ce n’est certainement pas une affaire de conte non plus.

Le conte marocain est avant tout de la convivialité et de l’intimité.

On ne saurait dissocier le conte marocain de la vie de famille. L’enfant peut prendre connaissance du conte dans sa propre famille par l’intermédiaire de sa mère ou bien lorsqu’une personne d’un certain âge et d’un certain statut social rend visite à cette même famille.

L’enfant peut prendre de même connaissance avec ces beaux contes lors de voyages à la compagne, ou lors de rencontres familiales. Lorsqu’une famille voyageait pour rencontrer d’autres membres de la famille, le soir est l’occasion pour les enfants de se retrouver dans la même chambre, et à la nuit tombante, une personne raconte une belle histoire à ces enfants dont les yeux sont pleins d’émerveillement.

Revenons quelques décennies en arrière lors de vacances d’été. À l’époque les vacances scolaires d’été duraient trois mois. Une grande partie des loisirs des enfants se faisait à l’extérieur. Dans la journée à partir de 10 heures du matin les enfants jouent aux billes, ou bien à la toupie ou bien à d’autres jeux en fonction d’un cycle bien mystérieux. Vers 16 heures ou 17 heures, ce sont les jeux où l’on se dépense.

Au Maroc les journées sont longues en été, comme à l’époque les jeux vidéo n’existaient pas, la télévision était indigente, on écoutait la radio dans un poste imposant disposé sur un meuble. Toute la famille se rassemblait dans l’obscurité pour écouter quelques épisodes de séries radiophoniques. Et on remet ça le jour suivant.

Mais lorsque la grand-mère , ou toute autre personne équivalente racontait une histoire aux enfants fatigués par une journée passée à jouer au-dehors, alors c’est le bonheur. Les enfants vivent l’histoire, et il arrive souvent qu’ils s’endorment durant les récits. Alors c’est le rêve qui prend le relais, l’enfant par le truchement de son imagination inconscience prolonge le conte tout en étant lui-même le héros. C’est pour cette raison comme je l’ai souligné dans l’introduction que le conte marocain n’est pas affaire de livres, ne se transmet pas par la lecture, ne se transmet pas à travers des vidéos sur Internet. C’est une matière de convivialité, de famille, et de beaucoup de bonheur et d’évasion.

Le conte marocain et message éducatif voir philosophique.

Le conte marocain possède également, et c’est là peut-être l’une de ses grandes particularités, le rôle de renforcer les liens entre les parents et leurs enfants. Parmi les thèmes classiques du conte marocain, celui du garçon devenu adulte qui abandonne sa maman veuve et solitaire pour aller vivre au loin, parfois ce loin est le classique septième ciel, avec une jeune et belle femme. Par le truchement du fantastique il est permis à ce jeune homme de voir la souffrance de sa maman, et il reviendra chez lui parfois dans des circonstances dramatiques telles que la mort de ce jeune homme. Ce genre de conte ne manquait pas d’émouvoir les enfants au point de leur donner un sanglot par anticipation de cette future séparation avec leurs mamans. Je crois, au fond de moi-même, que ce genre de conte a beaucoup contribué à ce sentiment fort qui nous attache à nos parents tout au long de notre existence.

Dans un conte que j’ai déjà publié sur Internet, mais uniquement à visée éducative, il y a, en quelques minutes, quelques grands thèmes de la philosophie moderne. J’ai intitulé ce conte l’homme qui voulait connaître son Dû. Dans le conte original, il est question du mot arabe RIZK qui est presque intraduisible. C’est un conte que me racontait ma mère il y a fort longtemps lorsque j’étais enfant. Il m’avait intrigué à l’époque par la portée de sa pensée et il continue de m’intriguer. Je le reproduis à partir de la mémoire de mon enfance.

Ce conte nous dit d’une part que pour acquérir le bonheur il faut errer. Du reste, il y a un proverbe marocain qui dit que celui qui n’a point erré ne peut connaître la valeur des hommes. D’autre part, il est question de l’attachement aux grands principes de l’hospitalité et aux grands principes de la confiance et de honnêteté.

L’autre grand principe de ce conte est, non pas la rédemption, mais la faculté de se libérer de sa propre nature pour accomplir le bien.

Quant au thème final, l’apothéose de ce conte, c’est une réponse à cette quête du bonheur si humaine.

Voici le lien de la vidéo de ce conte et je vous invite vivement à le visionner :

Le conte marocain tel qu’il était perçu il y a quelques dizaines d’années est définitivement, et de façon irrémédiable, perdu.

Le conte marocain comme je l’ai dit est une affaire de convivialité, de famille, et de bonheur. D’un bonheur immense. Le conte marocain meurt quand on le transmet par l’intermédiaire de livres ou de tout document audiovisuel. Le conte marocain ancien a été terrassé par les écrans que ce soient ceux de la télévision ou des téléphones ou de tout autre moyen telle que la console de jeu.

À chaque génération ses loisirs et ses occupations, et pour les personnes de mon âge, de temps en temps quelques moments de nostalgie ou d’amertume.

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